Un gène ignoré contrôle la régénération intestinale après une lésion

© EPFL/iStock (Rasi Bhadramani)
Des scientifiques de l’EPFL ont démontré qu’un gène associé à une maladie infantile rare était essentiel au renouvellement des cellules souches intestinales suite à une lésion.
Notre intestin se reconstitue constamment, renouvelant pour ce faire ses cellules à intervalles de quelques jours afin de préserver la santé de la muqueuse intestinale. En cas de blessure, l’organisme doit être capable d’amorcer rapidement ce système. Dans de rares cas cependant, le système tombe totalement en panne, entraînant une affection grave, voire mortelle.
Le syndrome de la fibromatose hyaline (HFS) en est un exemple. Cette maladie génétique rare peut provoquer des déformations cutanées douloureuses, des problèmes articulaires et, dans sa forme la plus grave, une diarrhée mortelle chez le très jeune enfant. Ce symptôme intestinal extrême a longtemps intrigué les médecins, car les intestins des patients atteints du HFS peuvent paraître normaux au microscope. On sait que la maladie est provoquée par la mutation d’un gène nommé CMG2, dont le rôle dans la biologie intestinale n’a pas encore été élucidé.
La reconstruction intestinale repose sur un petit groupe de cellules souches localisées à la base des cryptes intestinales. Ces cellules sont capables de régénérer la paroi intestinale après une lésion. Lorsqu’elles sont détruites, d’autres cellules voisines reviennent à un état primitif, semblable à celui du fœtus, et renouvellent ainsi le stock de cellules souches. Ce processus est étroitement contrôlé par des signaux moléculaires, incluant une voie de signalisation bien connue dite voie Wnt. Si un maillon de cette chaîne de régénération vient à manquer, le processus de guérison est interrompu.
La régénération des cellules souches impliquée
Une équipe dirigée par Gisou van der Goot, professeure au Laboratoire de biologie cellulaire et membranaire de l’EPFL, a découvert le rôle insoupçonné du CMG2 dans ce processus de guérison. En observant un modèle murin de HFS, les scientifiques ont constaté que, bien que l’intestin semblait normal dans des conditions ordinaires, il ne parvenait pas à se régénérer après une lésion. Les résultats, publiés dans EMBO Molecular Medicine, permettent d’expliquer les problèmes intestinaux potentiellement mortels observés dans les cas sévères de HFS et révèlent de nouvelles informations sur la façon dont notre organisme répare les tissus endommagés.
Les chercheuses et chercheurs ont utilisé des souris n’exprimant pas le gène CMG2 et les ont exposées à un produit chimique qui imite les lésions intestinales en provoquant une colite. Cette exposition a entraîné des niveaux d’inflammation et de lésions tissulaires similaires, chez les souris normales comme chez les souris mutantes. En revanche, lorsque l’administration du produit chimique a été interrompue, seules les souris normales ont guéri. L’état des souris privées de CMG2 a continué à se dégrader, se traduisant par une perte de poids et des signes persistants d’inflammation.
Pour en comprendre la raison, les chercheuses et chercheurs se sont penchés sur le processus de régénération des cellules souches. Normalement, les cellules passent d’abord à un état fœtal, puis redeviennent des cellules souches adultes marquées par le gène Lgr5; cette transition dépend de l’activation de la signalisation Wnt. Chez les souris mutantes, le passage initial à des cellules de type fœtal s’est fait normalement, mais la transformation en cellules souches adultes a échoué.
Un rôle essentiel quand les tissus sont endommagés
L’équipe a attribué cet échec à un dysfonctionnement de la signalisation Wnt, plus précisément à une incapacité de la β-caténine à pénétrer dans le noyau cellulaire et à activer les gènes responsables de la prolifération des cellules souches.
L’étude montre que le CMG2 n’est pas nécessaire au fonctionnement normal de l’intestin, mais qu’il devient essentiel lorsque les tissus sont endommagés. Sans ce gène, le signal Wnt indispensable ne se déclenche pas pendant la régénération, bloquant ainsi le renouvellement du stock de cellules souches. Cela pourrait également expliquer pourquoi les patientes et patients atteints de HFS présentant des mutations sévères du CMG2 souffrent de diarrhées potentiellement mortelles à l’issue d’un stress intestinal.
L’étude met en lumière une maladie génétique rare, mais aussi la capacité d’auto-régénération de l’intestin. Les résultats suggèrent que le CMG2 amplifie la signalisation Wnt de manière spécifique lors d’une lésion. Ces conclusions pourraient avoir une portée plus large, notamment en médecine régénérative et dans le domaine des maladies inflammatoires de l’intestin, où le renouvellement des cellules souches joue un rôle crucial.
Autres contributeurs
- EPFL BioImaging and Optics Core Facility
- Nexco Analytics
Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS)
Fondation Gelù
Fondation Les Mûrons
Lucie Bracq, Audrey Chuat, Béatrice Kunz, Olivier Burri, Romain Guiet, Julien Duc, Nathalie Brandenberg, F. Gisou van der Goot. Injury-Induced Intestinal Stem Cell Renewal Requires Capillary Morphogenesis Gene 2. EMBO Molecular Medicine 22 août 2025. DOI: 10.1038/s44321-025-00295-3