Un four solaire de l'EPFL affiche un fort potentiel en Suisse
Après avoir breveté un modèle de four solaire au vitrage et au design performants, des chercheurs de l’EPFL ont calculé qu’il pourrait fonctionner en moyenne 155 jours par année en Suisse, et même jusqu’à 240 jours dans les régions les plus ensoleillées.
Pommes de terre, ratatouilles, riz, haricots, ragoûts, plats mijotés, gâteaux… Les fours solaires atteignent des températures de 60 à 120 degrés et permettent de cuire de nombreux aliments à basse température, avec une durée allant d’une demi-heure à quatre heures. Des chercheurs de l’EPFL planchent depuis 2018 sur le développement d’un four solaire performant. Selon une modélisation qu’ils viennent de faire paraître dans la revue Solar Energy, ce four fonctionnerait en Valais et dans toutes les régions très ensoleillées de Suisse jusqu’à 240 jours par année, soit les deux tiers de l’année. Pour les régions les plus couvertes, à l’instar de celle de Zurich, cette moyenne s’élève à 155 jours par an, ce qui s’est révélé très surprenant pour les chercheurs.
Comment des experts du bâtiment de l’EPFL sont-ils arrivés à s’intéresser à un tel sujet? «Tout a commencé par un gâteau au chocolat et tout finira par un gâteau au chocolat», raconte Andreas Schüler, adjoint scientifique au Laboratoire d’énergie solaire et de physique du bâtiment (LESO-PB). Une chercheuse du laboratoire, Olivia Bouvard, est en effet arrivée un matin au bureau avec un gâteau dans les mains en expliquant à ses collègues qu’elle l’avait cuit dans un four solaire. Piqués de curiosité, les chercheurs commandent un modèle conçu par l’association Solemyo, basée à Genève, et commencent à l’étudier.
Bâtiment miniature
«Un four solaire, finalement, ça ressemble à un bâtiment miniature, avec des parois et des vitrages», explique Andreas Schüler. Ça tombe bien, ce physicien du bâtiment développe depuis des années des vitrages ultra-performants. Lui et son équipe commencent ainsi à optimiser le dimensionnement du four solaire genevois tout en y ajoutant davantage de vitrages, afin d’en augmenter les performances. Grâce à leur forte capacité d’isolation, les nouvelles vitres ne créent pas de perte thermique et laissent entrer plus de rayons de soleil. L’EPFL collabore également avec le Swiss Design Center pour fabriquer leur prototype. Le projet aboutit en 2018 au dépôt d’un brevet et obtient la même année un financement d’Enable EPFL et du programme de soutien InnoSeed ENAC, qui leur permettront de construire dix prototypes en partenariat avec l’entreprise TZ Menuiserie SA, basée en Valais.
Les chercheurs ont développé un modèle de cuiseur adapté à la Suisse. L’appareil est conçu en bois de sapin et en verre, et est entouré d’une enveloppe d’aluminium qui fait office de miroirs ou de réflecteurs. Les chercheurs ont mis au point une géométrie et un type de verre capable de créer un «piège à lumière» qui évitent à l’utilisateur de devoir déplacer l’appareil durant la cuisson, pour suivre la course du soleil. Le four, de 33 cm sur 33 cm, peut abriter en son cœur une casserole du commerce de modèle standard.
«Nous avons également exploré l’idée d’un four démontable et transportable, avec une casserole pliable, qui pourrait être utile aux randonneurs ou à la plage, par exemple», explique Andreas Schüler, lui-même heureux propriétaire d’un prototype de four solaire. «Nous pensons que cet objet répond aussi au pic de consommation d’énergie de midi et du soir que nous n’arrivons pas encore à réduire et qui est la troisième source de consommation des ménages en Suisse, derrière le chauffage et l’eau chaude sanitaire. En installant notre four le matin, notre repas sera près le soir à notre retour sans avoir utilisé ni gaz ni électricité».
Applicable partout ailleurs
L’idée de calculer le potentiel de jours de fonctionnement du four pour toute la Suisse est venue au contact de Dasaraden Mauree, collaborateur scientifique au LESO-PB spécialisé dans ce type de modélisation: «Nous avons mis en commun les données climatologiques de la Suisse et les performances du four, afin de développer un modèle adaptable à toute autre région du monde.» Les chercheurs ont également testé leur modèle au niveau expérimental sur le toit de leur laboratoire durant un mois afin de vérifier la précision des prédictions de leur modèle. Résultat: le four solaire, équipé avec un réflecteur adapté, affiche 55% de potentiel de cuisson en plus, en nombre de jours dans l’année, que le même four sans réflecteurs.
Et la suite? L’équipe de chercheurs rêve de pouvoir augmenter encore plus la chaleur de leur appareil et de développer une domotique, à l’instar d’une application, qui permettrait de suivre la cuisson à distance d’un repas ou de signaler quand le plat est prêt à être dégusté. Une adaptation du design dans d’autres régions du monde, dans un esprit de transfert de technologie, est aussi envisagée. «Le projet a beaucoup évolué grâce à des projets de master d’étudiants qui se sont pris de passion pour ce sujet, nous leur devons beaucoup!», tient à souligner Andreas Schüler, pour qui la boucle est bouclée: les tests effectués sur le four ont en effet ouvert des pistes de recherche pour améliorer l’étanchéité des bâtiments. Passés du bâtiment au four solaire, les chercheurs pourront ainsi reporter leurs découvertes sur les bâtiments.
De gauche à droite: Jérémy Fleury, Dasaraden Mauree, Andreas Schüler et Olivia Bouvard. © Alain Herzog / EPFL
Timothée Châtelain, Dasaraden Mauree, Samson Taylor, Olivia Bouvard, Jérémy Fleury, Luc Burnier, Andreas Schüler, Solar cooking potential in Switzerland: nodal modelling and optimization, Solar Energy, 14 November 2019.