Un duo de molécules abolit la résistance du cancer à l'immunothérapie

EPFL/ iStock

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En combinant un inhibiteur de points de contrôle avec une nouvelle immunocytokine, des scientifiques de l’EPFL, de l’Institut Ludwig pour la recherche sur le cancer, du CHUV et de Roche ont accompli une avancée significative dans la lutte contre les cancers résistants à l’immunothérapie.

L’immunothérapie est un moyen de traiter le cancer qui consiste à reprogrammer le système immunitaire de la patiente ou du patient pour qu’il attaque sa tumeur. Cette approche de pointe a un impact considérable sur le traitement des personnes atteintes de cancer, et permet déjà des cas de rémission à long terme.

Pourtant, bon nombre de patientes et patients ne répondent pas à l’immunothérapie ou, si tel est le cas, les effets sont temporaires, ce qui montre à quel point il est indispensable de mieux comprendre les mécanismes inhérents à la résistance des cancers à ce type de traitement.

Dans une récente étude, des scientifiques ont trouvé un moyen de supprimer cette résistance chez des souris atteintes d’un cancer pancréatique neuroendocrinien. En effet, ce cancer est très résistant à un type d’immunothérapie appelé blocage de points de contrôle, où la patiente ou le patient reçoit un médicament (un inhibiteur de points de contrôle immunitaires) bloquant les protéines censées atténuer l’intensité des réponses immunitaires, mais qui peut aussi empêcher les lymphocytes T (ou cellules T) d’attaquer et de tuer les cellules cancéreuses.

Cette étude a été menée par l’équipe de Douglas Hanahan de l’Institut Suisse de Recherche Expérimentale sur le Cancer de l’EPFL, ainsi que par l’Institut Ludwig pour la recherche sur le cancer, le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), l’Institut Suisse de Bioinformatique et Roche.

Les scientifiques ont étudié un type de fusion protéine-anticorps modifié appelé immunocytokine, qui est de plus en plus utilisé en immunothérapie. Ils se sont penchés sur l’immunocytokine bispécifique PD1-IL2v. Récemment mise au point par Roche, celle-ci peut pénétrer dans les tumeurs, où elle active les cellules T tueuses afin de cibler les cellules cancéreuses responsables de la croissance tumorale.

Les chercheuses et chercheurs ont combiné l’immunocytokine PD1-IL2v avec l’inhibiteur de points de contrôle immunitaire anti-PD-L1, renforçant ainsi l’immunité anti-tumorale contre les tumeurs résistantes à l’immunothérapie. «La PD1-IL2v est encore plus efficace lorsqu’elle est combinée à un inhibiteur de points de contrôle immunitaire, l’anti-PD-L1», expliquent les scientifiques.

Crédit: Mélanie Tichet et Douglas Hanahan

«La PD1-IL2v induit une expansion plus forte et plus spécifique des cellules T anti-tumorales par rapport au traitement anti-PD-1 classique en stimulant un sous-type spécifique de cellules T, tandis que l’anti-PD-L1 cible et perturbe les barrières érigées dans le microenvironnement tumoral, à savoir les macrophages pro-tumoraux et la vascularisation tumorale, qui agissent ensemble pour contrer l’immunité anti-tumorale.»

Crédit: Mélanie Tichet

La combinaison de ces deux molécules a permis d’augmenter le taux de survie des souris atteintes de tumeurs, produisant un effet thérapeutique plus durable que l’immunocytokine bispécifique. Cette combinaison a amélioré l’efficacité thérapeutique en reprogrammant les macrophages immunosuppresseurs associés à la tumeur ainsi que la vascularisation tumorale afin de permettre aux cellules immunitaires de mieux «détecter» le cancer.

«Cette combinaison immunothérapeutique innovante sensibilise les tumeurs résistantes à l’immunothérapie infiltrées par des cellules T dites « souches» exprimant PD-1, qui se sont récemment avérées importantes pour maintenir des réponses immunitaires anti-tumorales efficaces, entraînant la destruction de la tumeur avec un avantage conséquent en termes de survie», poursuit Douglas Hanahan.

Il conclut: «Ces résultats intéressants justifient la réalisation d’essais cliniques visant à évaluer la thérapie combinant la PD1-IL2v et l’anti-PD-L1, peut-être dans un premier temps chez des patientes et patients cancéreux résistants à l’immunothérapie et présentant des tumeurs infiltrées par des cellules T.»

Financement

Roche

Institut Ludwig pour la recherche sur le cancer

Conseil européen de la recherche (ERC-AdG-834947)

Références

Mélanie Tichet, Stephan Wullschleger, Agnieszka Chryplewicz, Nadine Fournier, Rachel Marcone, Annamaria Kauzlaric, Krisztian Homicsko, Laura Codarri Deak, Pablo Umaña, Christian Klein, Douglas Hanahan. Bispecific PD1-IL2v and anti-PD-L1 break tumor immunity resistance by enhancing stem-like tumor-reactive CD8+ T cells and reprogramming macrophages. Immunity 10 Jan 2023. DOI: 10.1016/j.immuni.2022.12.006


Auteur: Nik Papageorgiou

Source: EPFL

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