Trois diplômés aux moyennes hors du commun racontent leur parcours
L’EPFL a remis samedi lors de la Magistrale les prix pour les trois meilleures moyennes Master. Interview avec les lauréats, Guirec Maloisel, Kevin Jablonka et Aurélien Dersy.
Lorsque leurs moyennes ont résonné au micro lors de la cérémonie de la Magistrale, la salle a lâché une petite exclamation. Respectivement détenteurs d’un Master en informatique, en chimie et génie chimique et en physique, Guirec Maloisel, Kevin Jablonka et Aurélien Dersy ont terminé leurs études avec des moyennes de 5,98, 5,95 et 5,94. Interview avec ces trois étudiants qui sont les premiers surpris d’une telle performance.
Que ressentez-vous suite à l’obtention de ce prix ?
Guirec Maloisel (G.M.) : C'est une très bonne surprise. Avant de recevoir l’email m'annonçant que j'étais lauréat, j'avais oublié que de tels prix existaient, et j’étais bien sûr conscient d'avoir une très bonne moyenne, mais il me paraissait improbable que parmi tous les autres étudiants de Master, il n'y en ai pas quelques-uns ayant obtenu plus.
Kevin Jablonka (K.J.) : Je suis heureux d’avoir obtenu cette récompense (même si la chance a probablement joué un grand rôle) et la Magistrale a été une bonne opportunité de prendre un petit moment de pause et de repenser à mon cursus.
Aurélien Dersy (A.D.) : J’ai été très surpris et très honoré étant donné le niveau de mes camarades de promotion. Je ressens aussi une très grande satisfaction personnelle. Au-delà de la note ou de la place, c’est surtout la reconnaissance du travail accompli qui est extrêmement gratifiante.
Guirec Maloisel
Vous avez décroché presque uniquement des 6, l’examen qui a fait « chuter » votre moyenne a-t-il été dur à digérer ?
G.M. : Même si je ne peux pas nier que n'avoir que des 6 aurait été encore mieux, je ne pense pas décemment pouvoir me plaindre d'un 5,5 ! D'une manière générale j'ai simplement fait de mon mieux à chaque examen, sans viser particulièrement telle ou telle note. Il me fallait "seulement" obtenir au minimum 5.25 de moyenne sur la première année pour le renouvellement de ma bourse.
K.J. : C’était l’examen du cours le plus facile pour lequel je lisais régulièrement des articles de recherche. Lorsque je suis sorti de la salle, j’étais donc passablement énervé, car au vu de la simplicité, j’avais le sentiment d’avoir obtenu le pire résultat de la classe.
A.D. : Non. Il s’agissait d’un cours portant sur l’étude des techniques d’apprentissage dans le milieu universitaire et professionnel. Très formateur. Le travail de groupe qui a clôturé ce cours fut aussi propice à une première introduction aux «techniques de management», ce qui a rendu toute l’expérience très enrichissante.
Comment parvient-on à une moyenne aussi élevée ?
G.M. : Cela n’est pas un objectif en soi, même si cela ne peut évidemment pas faire de mal sur un CV. Mais les compétences, connaissances, relations que j'ai acquises me semblent plus importantes que mon bulletin de notes. Mon conseil ? Trouver des cours ou plus généralement une voie dans laquelle on a plaisir à travailler, ce qui mène à une meilleure motivation et assez naturellement à de meilleurs résultats.
K.J. : Avec de la chance. Je crois que c’est l’ingrédient principal si l’on se soucie du second chiffre de la note. Mais à mon sens, cela ne devrait pas être une préoccupation. Avoir des bonnes notes c’est bien, mais cela ne devrait pas être l’unique motivation.
A.D. : La réponse naturelle à cette question contient forcément le mot “travail”. Pour ne pas sombrer dans un cliché, je dirai donc simplement une grande volonté et une part de chance aux examens (tout de même).
Kevin Jablonka
Êtes-vous un grand bosseur où avez-vous la chance d’avoir une facilité de compréhension hors du commun ?
G.M. : Il est vrai que j'ai toujours eu des facilités à l'école, et en particulier en sciences. Mais j’ai beaucoup de mal à évaluer mes heures de travail. Comme beaucoup je pense, j'avais tendance à me relâcher un peu en début de semestre, et à ne plus compter mes heures en fin de semestre à l'approche des deadlines, tout en me disant que je ne recommencerai pas le semestre suivant... De plus, j'ai souvent eu du mal à rester concentré lors des cours magistraux, à part lorsque le professeur était un très bon orateur. J’ai donc souvent préféré lire le polycopié du cours à mon rythme.
K.J. : J’imagine que c’est une combinaison entre mon style d’apprentissage – comprendre le concept plutôt que d’apprendre par cœur les détails- et de la chance. Pour ces raisons, j’ai eu plus de facilité pour mon Master à l’EPFL que pour mon Bachelor à l’Université technique de Munich J’imagine que mes collègues et ma copine diraient que je travaille beaucoup, mais je ne perçois pas cela comme du travail, parce que j’apprécie vraiment ce que je fais. Actuellement, j’effectue un doctorat, et faire de la recherche ainsi que lire à ce propos s’apparente pour moi à du divertissement.
A.D : De manière générale, je ne pense pas que certaines «facilités» de compréhension peuvent suffire pour réussir des études. Personnellement je pense tout simplement avoir une affinité pour la physique, ce qui m’a permis de m’intéresser à la matière et de la travailler en conséquence. J’ai passé beaucoup trop d’heures à étudier. Mais aussi pas assez étant donné tout ce que la physique peut offrir. Si un sujet me plaît je vais tout faire pour l’analyser, l’étudier, l’assimiler et je ne supporte pas de ne pas arriver à le comprendre. Si un code C++ / Matlab / Mathematica ne marche pas, je peux rester des heures à chercher l’erreur. La satisfaction qu’on peut en tirer à la fin justifie (souvent) à elle seule cette démarche.
Est-ce que pour vous les études à l’EPFL ont toujours été un long fleuve tranquille ?
G.M. : Mon Master à l'EPFL était un double diplôme effectué à la suite de 3 années dans une «Grande École» française (l'École Polytechnique), où la formation est très généraliste et assez poussée en termes de théorie et de mathématiques. Par rapport à un étudiant venant d’obtenir son Bachelor à l'EPFL, j'avais donc quelques années de cours de niveau Master en plus, ainsi que des connaissances plus avancées en mathématiques. Tout cela a donc fait que j'ai en général eu à faire moins d'efforts de compréhension que la moyenne. Cela ne m'a pas exempté d'une certaine charge de travail, car beaucoup de cours, en tous cas en informatique, comprenaient des projets, qui nécessitaient toujours du travail, indépendamment de la vitesse d'assimilation des connaissances.
K.J. : Non, je n’ai pas l’impression. Je suis arrivé ici de Biberach, une petite ville en Allemagne, sans parler un mot de français (choisir d’étudier le latin n’était pas la meilleure décision de ma vie…). Je suis ensuite parti six mois à New York (ce qui était fantastique) en étant impliqué dans une relation à distance (ce qui n’était pas génial).
A.D.: La première année a été la plus rude pour moi. Il a fallu se mesurer à la vie universitaire et aux exigences de l’EPFL, ce qui n’a pas toujours été facile. Le rythme des rapports de laboratoire à rendre et des séries à finir m'a aussi laissé de sacrés souvenirs, et une bonne préparation à la survie en manque de sommeil.
Les études de Master ont été beaucoup plus agréables, les cours extrêmement intéressants et les professeurs très (voir trop?) motivés. Heureusement, j’ai toujours pu compter sur mes camarades de promotion pour assurer une bonne ambiance toute l’année, entre jeux de cartes, discussions de physique et sorties à Satellite (ou pour joindre l’utile à l’agréable, une discussion de physique à Satellite). Le tout clôturé par un projet de Master ayant ressemblé à une montagne russe, je pense que ces années EPFL ont été mouvementées mais feront parties des meilleures années de ma vie!
Aurélien Dersy
Qu’avez-vous prévu pour la suite ?
G.M. : Je viens de commencer mon PhD chez Disney Research à Zürich (en collaboration avec l'ETH), dans le prolongement de mon projet de Master effectué au même endroit. Je ne peux malheureusement pas en dire beaucoup sur ma thèse qui est en partie confidentielle (jusqu'à sa publication). Mais disons je travaille dans le domaine de Computational Robotics, c'est à dire le développement d'outils et de méthodes informatiques permettant d'automatiser le design de mécanismes et robots complexes pour des tâches données (design qui se fait sans cela à la main, et constitue une tâche longue et fastidieuse). Cela devrait déjà m'occuper quelques années avant d'envisager la suite à plus long terme !
K.J. : J’effectue mon doctorat à l’EPFL au laboratoire de simulation moléculaire. Ma recherche se situe à l’interface entre la chimie, l’ingénierie et la science computationnelle. Je travaille sur plusieurs projets dans lesquels j’étudie les propriétés des metal-organic frameworks (MOFs), comme la capacité d’absorption. Ceci à l’aide de simulations et du machine learning. On verra où cela me mène.
A.D. : J’ai décidé de faire une pause de physique pendant 6 mois et je suis maintenant occupé à construire des modèles de risques dans le secteur financier. Néanmoins je suis bien décidé à poursuivre un doctorat en physique théorique par la suite.
Finalement, avez-vous déjà pensé à l’utilisation que vous allez faire de votre récompense ?
G.M. : Je viens d'acheter un piano électronique pour me remettre à pratiquer la musique, donc disons que ce prix tombe bien pour rembourser cette dépense.
K.J. : Je viens d’emménager avec ma copine qui va aussi commencer son doctorat en Suisse, donc il y a plein de choses utiles à faire avec cet argent.
A.D. : Je vais mettre cet argent de côté et qui sait peut-être l’utiliser dans le cadre d’un doctorat.