Sauver son projet de semestre en 72 heures

© 2020 iStock

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Le hackathon Lauzhack a permis aux étudiants de réinventer leur projet de semestre sous l’angle du coronavirus. Retour sur une expérience intense et passionnante.

Le confinement venait de tomber et, avec lui, les projets de semestre de centaines d’étudiants. Puis, une période de flottement, deux semaines qui ont semblé une éternité, avant l’annonce : le Lauzhack offrait la possibilité aux participants de récupérer des crédits. Il y a eu des angoisses, du scepticisme, de l’incertitude, mais nombreux sont celles et ceux qui ont consacré leur week-end de Pâques au hackathon dédié à la recherche de solutions concrètes contre les conséquences de la pandémie.

Entretiens avec des participantes et participants loin d’être résignés, et qui en sortent grandis.

Montagnes russes émotionnelles

Il y a eu Lison, Florence, Camille, Ekaterina, Aurélien et Tristan. Qui a sauté de joie, qui a fait preuve de beaucoup de détachement, qui d’appréhension. Leur projet de semestre initial leur tenait tellement à cœur qu’il fut difficile de le ranger dans un tiroir, ne sachant pas s’il en ressortirait. Mais sans accès à un laboratoire ou à du matériel spécifique, il fallut se réinventer et passer outre sa frustration.

« J’étais perdue, car je ne pouvais pas réutiliser la base existante de mon projet initial (calibrer un avatar en réalité augmentée d’une motion capture). Je devais partir de zéro et trouver un nouveau projet. C’était un gros stress. D’autant plus que je n’aime pas vraiment le format hackathon, mais j’avais 8 crédits à récupérer », relate Camille Montemagni, en Bachelor en informatique. Qui a finalement imaginé avec son équipe un espace de collaboration virtuelle.

Sans même partir de zéro, la participation n’était pas une évidence pour tous. « Je ne voyais pas ce que je pouvais apporter, car je ne suis ni une biologiste, ni une épidémiologiste. J’ai ensuite réalisé que le hackathon ne portait pas seulement autour d’un vaccin, mais sur tous les problèmes liés à cette crise, notamment là où les gens avaient besoin d’aide », explique Ekaterina Svikhnushina, doctorante en informatique et communications. Elle était en charge du projet COVER, un service à destination des personnes à risques. L’idée lui est d’ailleurs venue lorsque son grand-père l’a appelée pour un souci informatique. Elle n’avait pas besoin de crédits, mais envie de faire partie de cette communauté et d’être utile.

Une volonté partagée par Florence Stoffel, étudiante en Master : « J’ai vu le hackathon comme une opportunité d’utiliser mes compétences et mon expertise. Après tout, on nous forme pour cela, et c’est maintenant que nous, chimistes, pouvons et devons faire quelque chose. Notre heure est venue », s’enthousiasme-t-elle. Son idée ? Créer un programme de calcul pour identifier de nouveaux médicaments qui cibleraient les protéines virales, sur la base de médicaments existants qui montrent déjà cette propension. Elle n’est pas informaticienne ? Qu’importe, elle trouve rapidement ses experts sur la plateforme du Lauzhack et l’équipe se forme.

Une expérience scientifique et humaine

Trouver un projet et des co-équipiers ne coule pas de source. « J’ai changé de projet en cours de route, car je ne me sentais pas très utile, mes compétences ne correspondaient pas aux besoins », se souvient Aurélien Kinet, en Master en génie électrique et électronique. « Quand j’ai intégré le projet COUGHVID, je me sentais plus proche de mes études. J’ai pu utiliser mes compétences en programmation Python, en apprentissage automatique et en gestion de sets de données, par exemple. Je suis très content de l’équipe avec qui j’ai travaillé, c’était intéressant de voir la vision différente selon les nationalités de chacun ».

Mener un projet en rapport avec ses études est probablement un luxe que peu ont eu. Lison Marthey, en Master en science et génie des matériaux, pensait, elle, que le hackathon serait surtout porté sur des activités de code et d’informatique. « Je voulais rester dans la thématique des matériaux, et le masque chirurgical s’est imposé à nous : comment le stériliser, améliorer le confort, prévoir un indicateur d’humidité pour savoir quand le changer ». Ainsi est né le projet Maskimal. « C’était une chance. J’étais sceptique au début, mais au final on a fait un beau travail de groupe et je ne regrette pas d’avoir participé », poursuit-elle.

Pour tous, l’expérience fut intense et passionnante. « L’objectif est d’arriver avec un résultat concret et transmissible à la fin du week-end. C’est un mode sprint motivant pour l’équipe, qui nous oblige à nous focaliser sur les choses les plus importantes. Une émulation se crée. Cela nous a confirmé que c’était la bonne manière d’avancer. Au final, le hackathon était éprouvant, mais il a fait ressortir le meilleur de nous-mêmes », analyse Tristan Vouga, membre de l’équipe Indie-Pocket, une solution pensée pour s’intégrer à l’application de traçage SwissCovid qui permet de localiser exactement où est porté le smartphone. Florence se montre plus réservée : « Certes, on n’a pas d’autre choix que d’avoir un prototype qui marche. Mais certains détails nous ont paru moins importants, alors qu’ils font parfois toute la différence. J’y aurais accordé plus d’importance si j’avais été plus calme. Les gens travaillent différemment sous la pression, et notre équipe avait en plus le défi d’être répartie sur différents fuseaux horaires ».

Quant à Camille, l’expérience l’a tout simplement reboostée : « J’ai pris plus confiance en moi, car j’ai vu que quelque chose de concret en était sorti, même en partant de zéro et sur des sujets que je ne maîtrise pas. Mon état d’esprit est beaucoup plus optimiste aujourd’hui ». Idem chez Ekaterina, qui a « fait, essayé, appris des choses qui n’auraient pas eu lieu en temps normal. Nous étions motivés et convaincus que notre problème valait la peine d’être résolu ».

La suite ?

Clap de fin sur le hackathon, mais pas pour les projets. La couverture médiatique qui a déferlé sur COUGHVID leur a permis de récolter encore plus d’enregistrements pour peaufiner la solution. « Le set de données est de plus en plus gros et cela me prend de plus en plus de temps pour nettoyer les données », explique Aurélien. « Maintenant nous avons besoin de données médicalisées validées avec des patients COVID confirmés. La suite devrait aller plus vite, mais nous ne sortirons la solution que lorsqu’elle sera absolument fiable ».

Les choses avancent aussi très bien chez Tristan : « Il y a plusieurs délivrables : la collecte de données, l’application qui permet de les acquérir et l’algorithme pour les applications de traçage. C’est hyper intéressant de travailler sur un projet concret qui nous apporte une bouffée d’air frais par rapport à notre travail de recherche habituel ». « On apprend parfois à la dure. Mais si tout devait fonctionner parfaitement, tout le monde l’aurait déjà fait », philosophe Florence, qui est passée par la perte de toutes ses données brutes.

Et après ? « Une fois le confinement terminé, j’aimerais vraiment rencontrer ‘en vrai’ les membres de l’équipe avec qui j’ai travaillé et que je ne connaissais pas », espère Lison.

Pour la plupart de ces étudiantes et étudiants, c’était leur première expérience de hackathon, et au vu du contexte si particulier dans lequel il s’est tenu et de l’apprentissage retiré, gageons que ce souvenir leur restera longtemps en mémoire.


Auteur: Laurianne Trimoulla

Source: EPFL