Quelle taxe carbone pour réduire l'impact des transports en Suisse?
Grâce à une modélisation macro-économique, des chercheurs de l’EPFL ont réussi à identifier la taxe carbone la plus efficace pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris: une taxe progressive et uniforme pour l’essence, le diesel et l’huile de chauffage qui atteindrait 1,70 franc par litre d’ici à 2050.
Le secteur des transports en Suisse est devenu le principal émetteur de CO2 en Suisse, avec une somme totale de 41%. Ce chiffre est supérieur à celui de l’Union européenne (28%) et à celui des Etats-Unis (34%). La majorité de ces émissions (98%) provient du trafic routier et, pour deux tiers d’entre elles, des détenteurs de véhicule individuel. Ce record proviendrait en outre majoritairement de la forte concentration de véhicules 4x4 en Suisse, qui représentent environ 40% des nouvelles mises en circulation, contre une moyenne de 13% dans l’Union européenne. Que cela soit au niveau politique ou économique, les stratégies pour essayer de réduire ces émissions font débat alors que les projections prévoient une hausse continue du trafic routier, sans la mise en place de mesures politiques fortes.
A l’EPFL, des chercheurs experts en économie de l'environnement se sont penchés sur cet enjeu à la demande de la Swiss energy modelling platform. En utilisant des outils de simulation macro-économique, ils ont comparé plusieurs scénarios de taxe carbone d’ici à 2050. Résultat: une taxe appliquée de manière uniforme à l’huile de chauffage (mazout) et aux carburants (essence et diesel) permettrait de ramener les émissions de CO2 des 4,5 tonnes par habitant actuelles à 1,5 tonne à moindres coûts. La part des transports aux émissions totales passerait de 41% à 33%.
Taxe uniforme
Concrètement, la taxe CO2, actuellement de 25 centimes par litre d'huile de chauffage, serait étendue aux carburants et relevée progressivement pour atteindre 1,70 franc en 2050. «Cette égalité de traitement permettrait de ne pas pénaliser un secteur plutôt qu’un autre. Si les carburants bénéficient d'une taxe limitée à 1 franc par litre de carburant, il faut relever la taxe sur les combustibles jusqu'à 4 francs. Nous avons par ailleurs tenu compte de la baisse continue de la consommation des moteurs de voitures, qui garantit que cette surtaxe pèsera finalement très peu sur le budget des automobilistes», précise Philippe Thalmann, directeur du Laboratoire d’économie urbaine et de l'environnement à l’EPFL et co-auteur de l’étude qui vient de paraître dans le Swiss Journal of Economics and Statistics.
D’autres évolutions technologiques ont aussi été intégrées dans leurs projections, à l’instar de l'essor des agrocarburants et des voitures électriques. La pression sur les constructeurs de voitures est réelle, à l’exemple de la marque Volvo, qui a annoncé qu’à partir de 2025, la moitié de la production de ses véhicules serait dotée d’un moteur électrique. Un développement des alternatives à la voiture, telles que les transports en commun, le car-sharing et la mobilité douce, ont aussi été pris en compte.
Une incitation
Une nuance importante est toutefois apportée par les auteurs de l’étude: «Pour fonctionner, une telle taxe doit inciter à utiliser une alternative propre, on doit pouvoir l’éviter», précise Philippe Thalmann. «Ses recettes pourraient être utilisées pour faciliter cet évitemment, par exemple en subventionnant le réseau de bornes de recharge électrique, l'achat de voitures électriques et les transports en commun.»
Thalmann, Philippe, Marc Vielle, "Lowering CO2 emissions in the Swiss transport sector", Swiss Journal of Economics and Statistics, 2019.
doi:10.1186/s41937-019-0037-3