Quand la technologie bouleverse le travail des humanitaires
Un cours lancé à l’EPFL permet de découvrir l’impact des nouvelles technologies sur le travail des organisations humanitaires. Les étudiants ont réalisé un exercice grandeur nature avec l’application Civique, développée à l’Institut de Recherche ldiap affilié à l’EPFL, pour faire une analyse critique de ces nouveaux moyens d’informations.
Les téléphones mobiles, Twitter ou encore les images prises par satellites ont révolutionné le travail des organisations humanitaires dans les pays en guerre et les zones sinistrées. Pour mieux comprendre l’impact des nouvelles technologies de communication sur le terrain, les étudiants de l’EPFL ont la possibilité de suivre un nouveau cours donné depuis ce printemps. Cet enseignement fait partie du programme des Sciences humaines et sociales, qui sensibilise les étudiants aux enjeux mondiaux et aux défis de la société de demain.
«Notre but est de présenter le contexte humanitaire actuel à nos futurs ingénieurs, pour leur montrer l’impact potentiel de leur formation dans ce domaine», explique Isabelle Vonèche Cardia, qui donne le cours en tandem avec Adrian Holzer. Les étudiants découvrent ainsi comment le Big Data, l’usage des smartphones ou les systèmes d’information géographique (GIS) influencent aujourd’hui la prise de décision sur le terrain. «L’analyse des tweets lors d’une catastrophe est cruciale: avec le recul, on a vu que si on l’avait fait en 2010, on aurait pu détecter les épidémies de choléra en Haïti deux semaines plus tôt qu’on ne l’a fait avec des méthodes traditionnelles», explique Adrian Holzer.
Le cours présente également des améliorations possibles en cas de crise, du rétablissement de la communication à la mise sur pied de systèmes d’alerte pour les communautés, en passant par la cartographie participative. «Il est également crucial que les associations communiquent entre elles grâce à des données librement partagées, et qu’elles se basent sur des lignes directrices éthiques pour l’utilisation de ces informations», souligne Adrian Holzer.
Exercice sur le campus
Pour comprendre des approches comme le crowdsourcing (récolte de données via les téléphones mobiles), un exercice a été mené sur le campus avec l’application Civique. Développée par l’Institut de Recherche Idiap affilié à l’EPFL avec le soutien de la Loterie Romande, l’application permet à des communautés de s’engager dans des problématiques qui les touchent, des problèmes d'infrastructure de la ville au harcèlement de rue, comme cela a été testé à Lausanne l’an dernier. «Civique permet de collecter des informations avec les téléphones mobiles, par exemple à travers des réponses à un sondage, ou avec des photos dont les données permettent de retrouver l’emplacement de la prise de vue» explique Daniel Gatica-Perez, directeur du groupe «Social Computing» à l’Idiap et professeur à l’EPFL.
Dans la pratique, les étudiants ont récolté des informations sur le campus comme ils le feraient lors d’une catastrophe naturelle. «Le but était de voir si on arrivait à une vision objective de la situation en croisant les informations rapportées», indique Adrian Holzer. Une fois les écueils liés au crowdsourcing évalués (problèmes techniques, manque de collaboration ou données insuffisamment vérifiées), les étudiants ont ensuite été sensibilisés à l’usage de ces données. «Qui les a récoltées, qui y a accès et quelle peut en être l’utilisation? Il est essentiel que les étudiants aient une approche critique à ce sujet», souligne Adrian Holzer.
À noter que le matériel utilisé pour la formation des étudiants permet aussi de contribuer à l’aide humanitaire sur le terrain: en plus de Civique, une autre application développée pour l’enseignement à l’EPFL et l’UNIL, SpeakUp, a notamment été utilisée dans un camp de réfugiés en Jordanie pour encourager les échanges et les discussions.