«Ma passion: réduire les vulnérabilités dans le monde entier»

Klaus Schönenberger. © 2024 EPFL / Alain Herzog

Klaus Schönenberger. © 2024 EPFL / Alain Herzog

Il y a plus de 15 ans, Klaus Schönenberger quittait une entreprise MedTech dont les revenus se chiffraient en milliards de dollars avec une vision bien précise en tête: aider la société avec des technologies essentielles, faire de notre planète un monde meilleur et démontrer la viabilité de ce business model.

Au mur du bureau de Klaus Schönenberger, à l’EPFL, est suspendue la photographie d’un bébé qui porte un masque à oxygène, au Sud-Soudan. «Elle s’appelait Nyanene. Elle est morte pendant une panne de courant, parce que son appareil à oxygène s’est arrêté. C’est inacceptable», explique-t-il. Cela reflète aussi la macabre réalité d’une industrie MedTech orientée vers le profit, et dont Klaus Schönenberger veut bouleverser les codes. «Avant d’arriver à l’EPFL, je travaillais dans le domaine des dispositifs médicaux, comme vice-président à l’innovation dans une entreprise dont les revenus se comptaient en milliards. Il s’agissait surtout de “maximiser la valeur pour les actionnaires”. La technologie était conçue pour l’Europe, les Etats-Unis ou le Japon. Le reste du monde n’existait pas. J’étais choqué.»

Klaus Schönenberger est convaincu que la science et la technologie peuventaméliorer la vie des personnes les plus vulnérables. En 2012, il a fondéEssentialTech à l’EPFL, au sein duquel il a lancé des projets pour contrer l’extrême pauvreté, les crises humanitaires, les conflits et la violence.

Parmi les premières initiatives d’EssentialTech: révolutionner l’industrie de l’imagerie médicale avec une solution de pointe, robuste, accessible, et qui puisse fonctionner même dans les conditions les plus difficiles. Le projet a impliqué plusieurs laboratoires de l’EPFL et de nombreux partenaires en Suisse et en Afrique. Il a débouché sur la création de la startupPristem SA. L’entreprise a industrialisé la technologie. L’automne dernier, elle a ouvert deux centres d’imagerie dans des townships en Afrique du Sud et pris en charge son 500e patient au printemps suivant.

«On a découvert qu’en concevant quelque chose de robuste, bon marché, qualitatif et environnementalement durable, et bien, cela intéressait aussi les pays à hauts revenus», explique Klaus Schönenberger. Parmi leurs nombreux projets en cours, les employés du Centre EssentialTech travaillent surun appareil à oxygène robuste robuste, pour que les tragédies comme la mort de Nyanene fassent partie du passé. Plus récemment, après avoir été impliquée dans le développement durable et l’humanitaire, l’équipe a commencé de déployer le troisième pan de sa mission : enla promotion de la paix. «Je suis vraiment enthousiaste face au secteur émergent des PeaceTech, explique Klaus Schönenberger. Nous travaillons déjà sur des projets concrets dans les domaines de la médiation ou du déminage.»

De la recherche au déploiement technologique

Intéressé dès son plus jeune âge par le potentiel des technologies pour aider les gens, Klaus Schönenberger a obtenu un diplôme en microtechnique, puis un doctorat en optique biomédicale — tous deux à l’EPFL. Après un postdoc au Lawrence Livermore National Laboratory, un important centre de recherche aux Etats-Unis, il a décidé de rejoindre l’industrie et a pris la tête du département de recherche et développement dans une entreprise de dispositifs médicaux.

En 2010, en pleine désillusion face à l’industrie MedTech, il a quitté son emploi dans l’espoir de démarrer la conception de solutions technologiques pour les personnes les plus vulnérables.

A ce moment, Klaus Schönenberger, qui est aussi un lecteur vorace, avait à peine terminé de dévorer The Fortune at the Bottom of the Pyramid par C.K. Prahalad. «Ce livre a remis en question la manière dont j’envisageais de répondre aux besoins des personnes dans les pays à bas revenus. Lui-même d’origine indienne, Prahalad émet l’idée qu’on rend leur dignité aux pauvres en les transformant en clients, parce que les clients ont le choix. Ce n’est pas parce que vous êtes en bas de la pyramide que vous avez moins besoin de technologies intelligentes, c’est même plutôt le contraire. Il faut seulement trouver la clé, le juste mélange entre technologie et business model. J’ai réalisé qu’il fallait commencer en amont, dans le contexte académique, là où on génère les idées, et repenser complètement la technologie et ses modèles de déploiement».

«Tout est connecté.»

«Je suis fasciné par la question de la réduction des vulnérabilités. C’est ce que j’ai toujours voulu faire en tant qu’ingénieur. Je suis heureux que cette idée résonne si fort chez mes collègues de l’EPFL et parmi les étudiants, parce qu’ils sont ceux qui peuvent vraiment concrétiser le changement. J’admire tout particulièrement mes collègues du Centre. Leur passion, leur énergie et leur talent me font avancer tous les jours.»

Klaus Schönenberger ajoute : «À mon sens, la vulnérabilité extrême, c’est véritablement le problème fondamental. Elle découle de la pauvreté extrême, des crises humanitaires, des conflits ou des violences. Je vois l’humanité comme une cordée d’alpiniste en route vers le sommet qui, dans cette métaphore, pourrait être une société plus pacifique, équitable et durable. Certains membres de la cordée sont pauvres, blessés et vulnérables, tandis que d’autres sont bien équipés et bien nourris. Celle-ci ne peut vraiment progresser qu’en prenant soin de ses éléments les plus fragiles. La Suisse ne peut pas être un îlot de stabilité et de verdure, alors que le reste du monde est touché par les conflits, les crises et la pauvreté. Tout est connecté».


Auteur: Hillary Sanctuary

Source: People

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