Les étudiants de l'EPFL repoussent les limites du béton

Vue de la structure construite au Smart Living Lab. © Greg Eaves

Vue de la structure construite au Smart Living Lab. © Greg Eaves

Des étudiants de l’EPFL et du Brésil ont érigé au Smart Living Lab une structure en béton innovante par sa légèreté et sa résistance statique. Ce projet, conçu dans le cadre d’un programme de cours interdisciplinaire, va se poursuivre ces prochaines années.

A l’occasion d’un workshop organisé en septembre au Smart Living Lab à Fribourg, 26 étudiants en architecture et génie civil de l’EPFL et de l’Université Fédérale de Bahia (UFBA), au Brésil, ont construit en quatorze jours un prototype de structure modulaire en béton textile. Ce dernier utilise de la fibre de carbone à la place des traditionnelles armatures d’acier. Grâce à cette technique et au développement d’un coffrage de métal adapté, le pavillon présente une structure d’une finesse et d’une légèreté impossibles à construire en béton armé classique, avec une épaisseur de 9 millimètres pour la coque de sa toiture, tout en offrant une excellente résistance statique.

Avenir prometteur
Pour les responsables du workshop, ce type de construction présente un avenir prometteur, avec une réduction sensible des matériaux et une utilisation de ciments durables, permettant d’importantes économies de CO2. Chaque élément porteur est de plus démontable, réutilisable et transportable par une ou deux personnes. L’objectif est de rendre possible l’auto-construction sans recourir aux engins lourds de chantier et d’ériger des logements qui allient simplicité et haute résistance aux éléments extérieurs.

Cette recherche s’inspire de la technique de l’argamassa armada (mortier renforcé), développée par João Filgueiras Lima, dit Lelé, un architecte brésilien engagé dans la construction de favelas et la préfabrication. L’usage de fibre de carbone à la place des tiges d’acier pour l’armature du béton remédie toutefois à certaines limitations des structures déjà explorées et construites par Lelé, notamment le phénomène de corrosion qui avait fortement touché des constructions précédentes en argamassa armada.

Enseignement interdisciplinaire
Le projet est né il y a quatre ans dans le cadre du programme d’enseignement interdisciplinaire «Projeter Ensemble» de la Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit (ENAC). Il a réuni dans un premier temps des architectes et chercheurs à l’EPFL, Patricia Guaita et Raffael Baur du Laboratoire ALICE, et leurs collègues en génie civil, Patrick Valeri, Miguel Fernández Ruiz du Laboratoire IBETON et David Fernández-Ordonez, de la Fédération internationale de béton (fib). Chaque année, à travers des projets de semestre, des cours ou des semaines intensives de travail interdisciplinaire (Semaine ENAC), les étudiants de l’EPFL ont fait avancer la recherche dans ce domaine.

«La construction de ce pavillon est pour nous l’aboutissement de plusieurs années de recherche», souligne ainsi Raffael Baur. «Cela peut paraître peu mais il a fallu ce temps avant de trouver le bon matériau, le bon type de coffrage et le bon design», précise Patricia Guaita. «Pour les étudiants en architecture, c’est très stimulant de voir une telle structure qui a l’air de flotter dans l’espace.» L’expérience était aussi concluante du côté des ingénieurs civils: «Pour ces étudiants, le workshop était l’occasion de se confronter pour la première fois à la complexité du chantier et de s’initier au dessin», précise Miguel Fernández Ruiz. «Ce projet leur a aussi montré que l’on pouvait utiliser le béton de manière durable, grâce à la modularité et le réemploi des structures porteuses qu’ils ont développées.»

Transfert de connaissances
Le workshop de septembre a reçu le soutien de l’Association de l’industrie suisse du ciment (cemsuisse) et d’un Exploratory Grant, délivré en 2018 par la Faculté ENAC. Un expert brésilien de l’Université fédérale de Bahia, Sergio Ekerman, s’est également déplacé pour assurer un transfert de connaissances. Les résultats de cette recherche sont aussi suivis de près par cemsuisse. Le pavillon lui-même restera ces prochains mois à l’extérieur du Smart Living Lab, notamment pour tester sa résistance au gel hivernal. Au printemps reprendront à l’EPFL des cours interdisciplinaires pour en développer de nouveaux éléments, notamment des coques et des dalles.