La Showerloop, pour n'utiliser que 10 litres d'eau par douche
Série d'été. Projet d'étudiants (2/9) - Grâce à une bourse du Centre de Coopération & Développement de l’EPFL, des étudiants vont prochainement construire trois prototypes de douche écologique sur un campus colombien. Dès leur retour en Suisse, ils ambitionnent de conquérir celui de l’EPFL.
Dans les régions où l’eau manque, y compris dans certains pays développés, prendre une douche est encore un luxe. Une douche standard utilise en effet environ 10 litres d’eau par minute et dure, en moyenne, une dizaine de minutes. Deux étudiants de bachelor de l’EPFL ont ainsi décidé d’adapter aux régions pauvres en eau un kit de douche écologique en libre accès: la Showerloop.
Shower pour douche, et loop, pour boucle. La Showerloop fait circuler une quantité d’eau fixe à circuit fermé durant toute la durée d’une douche... qui peut ainsi se prolonger jusqu’à 10, 15, 20, 25 minutes... Lauréats d’une bourse, les étudiants vont développer dès la rentrée académique de septembre leur projet en Colombie où ils construiront trois prototypes de douche sur un campus universitaire.
Uniquement 10 litres d’eau
Pour fonctionner, la Showerloop ne nécessite que 10 litres d’eau par douche, au lieu de 100, en moyenne. Lorsqu’on l’enclenche, la quantité d’eau nécessaire au circuit sort par le pommeau de douche. Une fois l’eau utilisée et le corps savonné, l’eau passe dans le siphon, comme dans une douche standard. Elle traverse ensuite une pompe puis trois types de filtres.
Un premier filtre à membrane retient toute les macro-particules qui peuvent bloquer la suite du circuit, tels que cheveux et poussières. Les filtres suivants sont constitués de sable et de charbon actif qui dépolluent l’eau. Le troisième filtre effectue une stérilisation par ultraviolets qui élimine les bactéries et les agents pathogènes. L’eau purifiée est ensuite réinjectée dans le pommeau de douche… et le circuit recommence. A la fin de la douche, les 10 litres d’eau rejoignent le canal ordinaire des eaux usées.
Matériaux suisses
Judith Capron, étudiante de bachelor en génie Civil et Jean-André Davy-Guidicelli, étudiant de bachelor en sciences et Ingénierie de l’Environnement se sont inspirés d’un kit standard de douche écologique en libre-accès présenté en 2015 lors de la COP21 de Paris par un ingénieur finlandais, Jason Selvarajan.
Les étudiants ont adapté ce modèle à des matériaux vendus en Suisse dans le cadre du Student Kreativity and Innovation Laboratory (SKIL), une nouvelle unité d’enseignement de la Faculté de l’Environnement Naturel, Architectural et Construit (ENAC) qui permet aux étudiants de proposer eux-mêmes des sujets d’étude et de les construire de leurs propres mains. Une étape qui s’est révélée plus épineuse que prévue pour les deux étudiants pas vraiment bricoleurs dans l’âme. Mais qui les rend d’autant plus fiers du résultat.
Nouvelle version
Car ils ont souhaité développer une variante de Showerloop applicable à une plus large échelle que le kit finlandais. Ce dernier nécessite en effet de démonter une douche existante pour l’installer. Judith et Jean-André voulaient créer au contraire une variante qui permet simplement d’y ajouter des composants. La recherche de matériaux suisses équivalents au modèle finlandais et la création de cette variante constituent l’essentiel de leur apport.
En termes économiques, leurs calculs ont montré que l’installation d’une telle douche était rapidement rentabilisée, que cela soit dans l’économie d’électricité (l’eau n’est pas continuellement chauffée) ou d’eau (90% d’économie). Selon les premières estimations, qui peuvent être encore optimisées, l’installation d’une telle douche est ainsi évaluée à 1000 francs et serait rentabilisée après plus ou moins 11 mois d’utilisation, en fonction de la variation du prix de l’électricité. Les filtres ont une durée de vie d’un à deux ans. Leur remplacement s’élève à une quarantaine de francs.
Trois prototypes en Colombie
Leur Showerloop vient de remporter le «Development Impact Grant», créé par le Centre Coopération & Développement (CODEV) de l’EPFL. Cette bourse soutient les projets étudiants qui favorisent l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Pour la décrocher, les étudiants ont choisi comme public-cible les grandes infrastructures telles que les institutions publiques et les chaînes d’hôtels, en mentionnant l’ODD numéro 6 : «Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau».
Grâce à cette bourse, trois prototypes de douches seront développés, testés puis construits en Colombie dès la rentrée académique de septembre 2018. Les Showerloops prendront place dans les vestiaires de salles de sports du campus de l’Université del Valle, située dans une région pauvre en eau. Le projet correspond à la mise en place d’un programme de développement durable par l’Université, curieuse de tester et d’implémenter ce type de douche sur son campus.
Publication scientifique
Marisa Boller, étudiante de bachelor en sciences et ingénierie de l’environnement, remplacera Judith Capron lors de cette étape. Marisa Boller et Jean-André Davy-Guidicelli passeront en effet leur année académique 2018-2019 en Colombie dans le cadre de leur année de stage obligatoire. En parallèle à leur mandat lié au traitement des eaux d’une usine de manioc, ils adapteront leur Showerloop aux matériaux et au contexte colombiens. Ils effectueront notamment une analyse complète de cycle de vie.
Leur objectif: rendre leur concept le plus intéressant possible, tant du point de vue écologique qu’économique, et publier un article scientifique sur leur prototype qui en démontre la rentabilité afin de convaincre d’autres acteurs. L’ingénieur finlandais à l’origine du projet soutient toute l’aventure et suivra de près ses développements.
Car les ambitions des étudiants ne s’arrêtent pas là. Une fois de retour à Lausanne en septembre 2019, dans le cadre de leur master, ils comptent en effet s’appuyer sur leur expérience colombienne pour proposer un modèle de douche écologique pour l’ensemble du site de l’EPFL.
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