Faire parler l'ADN pour débusquer des supers-coraux
Un doctorant de l’EPFL va parcourir durant trois mois la Nouvelle-Calédonie dans le cadre d’une recherche scientifique soutenue par l'Initiative internationale pour les récifs coralliens. Il relatera sa mission sur le blog EPFL Out There.
Oliver Selmoni, doctorant de deuxième année à l’EPFL, a trois mois pour récolter 400 échantillons de coraux en Nouvelle-Calédonie. L’archipel française, située à l’Est de l’Australie, est entourée du deuxième plus grand récif corallien du monde, après celui de la Grande Barrière. Comme partout ailleurs, la survie de ce précieux écosystème classé au patrimoine mondial de l’UNESCO est menacée. Dès le 20 février, le chercheur participera ainsi à une campagne scientifique initiée par l’EPFL et menée en collaboration avec l’Institut français de la recherche pour le développement (IRD - UMR ENTROPIE) qui étudie l’adaptation des coraux au réchauffement climatique, à la pollution et à l’anthropisation des côtes. Les images, les vidéos et le récit de sa mission seront à découvrir jusqu’à la fin du mois de mai sur le blog EPFL Out There et Instagram.
Lien vers le blog: #CoralSeaGenomics (New Caledonia)
Le projet de recherche d’Oliver Selmoni se situe à la croisée de la génétique et de la géographie. Son approche inaugure une méthode scientifique inédite dans le cadre de la protection des récifs coralliens nommée seascape genomics. Celle-ci vise à extraire l’ADN de coraux pour y déceler toute corrélation entre variation génétique et condition environnementale singulière. En échantillonnant des individus touchés ou non par le blanchiment de deux espèces de corail (Acropora millepora et Pocillopora damicornis), le chercheur espère découvrir les mutations génétiques permettant au corail de résister au réchauffement climatique et à l’acidification de l’océan. Les individus résistants pourraient alors être cultivés en pépinière et repeupler des parties de récif dégradées. Le croisement des données ADN et géographiques lui permettront également de découvrir la connectivité des récifs qui entourent l’île de 300 kilomètres de long et de 30 kilomètres de large, ceci non seulement pour établir des stratégies de conservation, mais aussi pour savoir où placer les éventuels «supers-coraux» qu’il découvrirait, afin d’assurer le succès de leur implémentation. Soumis au concours parmi 230 projets, cette approche a reçu le soutien, avec cinq autres projets, de l'Initiative internationale pour les récifs coralliens (ICRI), partenaire des Nations Unies.
Plongée et extraction d’ADN
Durant trois mois, accompagné d’un pilote de bateau et de deux plongeurs professionnels, Oliver Selmoni plongera lui-même sur une vingtaine de sites pour récolter des échantillons de coraux. Pour ce faire, il traversera notamment le «district coutumier» de l’île, peuplé de tribus indigènes qui lui demanderont de s’acquitter de la «coutume» pour pénétrer sur leur territoire, soit de dons de nourriture et de divers biens. Entre deux missions, le doctorant pratiquera l’extraction d’ADN en laboratoire, grâce à l’équipement du centre de l’IRD, basé à Nouméa, la capitale. Son travail en Nouvelle-Calédonie sera supervisé par Véronique Berteaux-Lecellier, chercheuse en génétique des coraux au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et co-directrice de la thèse.
Tessinois originaire de Lugano, Oliver Selmoni a effectué un Master en bio-informatique à l’Université de Lausanne avant de rejoindre l’EPFL pour démarrer un doctorat au Laboratoire de systèmes d’information géographique (LASIG), sous la direction de Stéphane Joost, collaborateur scientifique senior. Le doctorant a découvert les thématiques du blanchissement et de la restauration des coraux lors d’un stage de deux mois dans un centre de recherche situé sur l’île Koh-Phangan, dans le Golfe de la Thaïlande. L’extrême importance de leur préservation, leur beauté et la complexité de leur écosystème lui ont donné envie d’y consacrer sa thèse.