Utiliser l'acier pour une conception durable
Dans cette chronique, parue dans trois quotidiens romands, Dimitrios Lignos, professeur ordinaire en génie civil, explique comment la recherche de son laboratoire contribue à un usage plus réfléchi de l'acier dans la construction.
Le carbone incorporé dans les nouveaux bâtiments représente environ 40% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. En parallèle, nos infrastructures subissent des dommages suite aux catastrophes naturelles, entraînant des coûts de réparation faramineux, des temps d'arrêt et même des déplacements de population, comme en témoigne l’actualité récente. Le changement climatique risque d’exacerber ces phénomènes, car les matériaux de construction traditionnels sont sensibles aux conditions météorologiques extrêmes à long terme. L'utilisation efficace de l'acier de construction pourrait constituer une alternative intéressante pour une conception durable qui permettra de relever plusieurs défis.
On peut dire que l'acier de construction se prête mieux au réemploi que d'autres matériaux en raison de sa résistance et du peu de traitement nécessaire à sa réutilisation.
Réutiliser l’acier
Le réemploi d'éléments récupérés dans des bâtiments en fin de vie nécessite de prendre en compte les imperfections géométriques potentielles ainsi que les propriétés mécaniques réelles des éléments après leur premier usage. Le défi vient de phénomènes complexes liés au vieillissement et aux déformations provoquées par des effets à long terme associés à la charge mécanique. On peut dire que l'acier de construction se prête mieux au réemploi que d'autres matériaux en raison de sa résistance et du peu de traitement nécessaire à sa réutilisation. Selon notre recherche récente, en associant de nouvelles techniques basées sur des données et des processus de simulations numériques, nous pourrions obtenir des prévisions plus fiables sur la capacité de charge des éléments en acier au cours de leur cycle de vie. Il serait donc essentiel d’utiliser un modèle intégrant la conception aux états limites des éléments en acier récupérés, afin de répondre aux critères de performance dans les conceptions futures des bâtiments et de permettre une utilisation plus réfléchie des ressources matérielles.
Concevoir la déconstruction
Avoir accès à des plans de structure qui favorisent une déconstruction avec un minimum d'énergie et d'efforts est un vrai défi dans le domaine de l'ingénierie du réemploi orientée sur la performance. Sur le même modèle, des principes pourraient être appliqués afin de développer des fusibles «faciles à remplacer» dans des structures qui contiennent des risques de déformation suite aux catastrophes naturelles. De nombreux avantages en découleraient. Premièrement, cela permettrait de définir des méthodes simples pour séparer les matériaux de construction sans opérations énergivores. Deuxièmement, d’accélérer le processus de construction et de déconstruction. Troisièmement, de rétablir les fonctionnalités d’un bâtiment plus rapidement après une catastrophe naturelle, en réduisant les pertes associées au temps d’arrêt et aux déplacements de population. Les scientifiques de mon laboratoire à l’EPFL étudient dans ce but le développement et la validation de nouveaux schémas de structures métalliques qui permettent de conserver une conception simple tout en améliorant les performances face aux multiples aléas.
Dimitrios Lignos, Professeur Ordinaire, Directeur de l’Institut de Génie Civil, Directeur du Laboratoire des Structures Métalliques Résilientes à l’EPFL (RESSLab)
- Cette chronique est parue en octobre 2023 dans les quotidiens La Côte (Vaud), Le Nouvelliste (Valais) et Arcinfo (Neuchâtel), dans le cadre d'un partenariat avec le groupe de presse ESH Médias visant à faire connaître la recherche et l'innovation de l'EPFL dans le secteur de la construction auprès du grand public.