Une molécule naturelle supprime l'anxiété chez les rats

© EPFL/iStock (PeopleImages)

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Une étude menée par l’EPFL révèle que l’urolithine A peut éliminer l’anxiété élevée chez les rats en réparant la fonction mitochondriale dans leurs cellules cérébrales. Les résultats ouvrent une nouvelle voie vers des approches nutritionnelles pour aider à réduire l'anxiété.

Les troubles anxieux touchent des millions de personnes dans le monde, et environ 14 % de la population en souffrent chaque année. Ces affections sont souvent invalidantes, et les traitements actuels ne sont pas suffisamment efficaces pour de nombreux patients et patientes, car ils se concentrent sur la gestion des symptômes plutôt que sur les causes biologiques du trouble.

Pour compliquer les choses, les médicaments pour traiter l’anxiété peuvent aussi avoir des effets secondaires ou entraîner des problèmes de dépendance, tout en atténuant souvent les émotions normales.

Ces dernières années, des études menées par l’équipe de Carmen Sandi, professeure au Laboratoire de génétique comportementale de l’EPFL, ont mis en évidence un lien entre l’anxiété et les mitochondries cérébrales, les fournisseurs d’énergie des cellules qui sont essentiels pour alimenter les cellules et les aider à fonctionner correctement. Des problèmes de fonction mitochondriale on été mis en évidence aussi bien chez des animaux que chez des personnes souffrant d’anxiété, mais seules quelques études ont cherché à déterminer si le fait de les résoudre pouvait réellement réduire l’anxiété.

Carmen Sandi a désormais dirigé une nouvelle étude montrant que le rétablissement de la santé des mitochondries pourrait être la clé pour réduire l’anxiété. Dans le cadre de cette étude menée par une équipe avec David Mallet et Dogukan Ülgen comme co-auteurs et en collaboration avec Amazentis et l'université de Columbia, les chercheur·euses ont exploré les effets anxiolytiques de l'urolithine A, une molécule produite par les bactéries intestinales et déjà reconnue pour favoriser la santé mitochondriale.

Une approche systémique

« Des études antérieures ont tenté de rétablir génétiquement la fonction mitochondriale directement dans le cerveau à l’aide d’injections virales. C’est la première étude qui se concentre sur une approche systémique », explique Carmen Sandi. S’intéressant au noyau accumbens, une aire cérébrale impliquée dans l’anxiété et les émotions, les scientifiques ont étudié les effets de l’urolithine A sur les rats, en observant leur comportement et ce qui se passait à l’intérieur de leurs cellules cérébrales.

L'équipe a administré le seul complément alimentaire à base d'urolithine A cliniquement validé, hautement pur et breveté (« Mitopure® ») à deux modèles murins présentant un niveau d'anxiété élevé : un premier groupe de rats non consanguins, qui présentaient des différences interindividuelles d'anxiété au sein de leur population. Un deuxième groupe de rats ayant été sélectionné pour leur réactivité accrue au stress et présentant une prédisposition génétique entrainant une forte anxiété. Les chercheurs ont également utilisé des rats peu anxieux comme groupe témoin.

Les chercheurs et les chercheuses ont ensuite mélangé de l'urolithine A à la nourriture des animaux à une dose similaire à celle utilisée dans les études précédentes (25 mg/kg/jour). Ils ont ensuite suivi les changements dans les comportements liés à l'anxiété pendant deux mois et ont utilisé le séquençage de l’ARN à noyau cellular unique afin de vérifier les niveaux d’expression de gènes au sein des « neurones épineux moyens » du noyau accumbens des rats. Ils ont également utilisé l’électrophysiologie et l’imagerie pour voir comment la structure et la fonction de ces neurones changeaient.

« Un effet anxiolytique solide »

Les résultats sont sans équivoque : l’urolithine A a complètement supprimé les comportements d’anxiété chez les rats anxieux (« un effet anxiolytique solide ») tout en laissant les niveaux d’anxiété des rats normaux inchangés. Au niveau cellulaire, ils ont constaté que l’urolithine A rétablissait les perturbations des réseaux de gènes mitochondriaux, et rétablissait une activité saine dans les voies cellulaires responsables de la production d’énergie et du maintien des cellules en bonne santé.

Ils ont également constaté que le mécanisme de mitophagie, qui est le processus par lequel les cellules éliminent les mitochondries endommagées, était constamment déséquilibrée chez les rats anxieux, mais était corrigée par le traitement à l’urolithine A.

Le traitement à base d’urolithine A a aussi restauré la structure et la fonction des neurones des rats, rétablissant les petites connexions (leurs « épines ») nécessaires au bon fonctionnement des circuits cérébraux. Les niveaux élevés d’une protéine appelée Mitofusine 2, qui maintient les mitochondries en bonne santé et qui était auparavant liée à des comportements anxieux, sont également revenus à la normale.

Vers des essais cliniques

Plus important encore, tous ces changements moléculaires et cellulaires correspondaient aux améliorations observées dans l’anxiété des rats. Il est intéressant de noter que l’urolithine A n’a pas eu d’effet évident sur les rats peu anxieux, ce qui laisse penser qu’elle agit précisément là où les circuits cérébraux sont perturbés.

Ces travaux confirment, à partir de deux modèles chez le rat, que les problèmes mitochondriaux entraînent l’anxiété. En ciblant et en réparant directement ce dysfonctionnement, la supplémentation en urolithine A pourrait éviter certains des effets secondaires observés avec les médicaments actuels et ouvrir la voie à des interventions nutritionnelles plus précises pour traiter l'anxiété. L’innocuité de l’urolithine A ayant déjà été démontrée chez l’être humain, les résultats de l’étude pourraient rapidement être transposés dans des essais cliniques. « C’est ce que nous voulons faire par la suite », déclare Carmen Sandi.

Autres contributeurs

  • Amazentis S.A.
  • Université Columbia
Financement

Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS)

Brain Behavior Research Foundation (BBRF)

Fondation FYSSEN

Références

David Mallet, Doğukan Hazar Ülgen, Jocelyn Grosse, Olivia Zanoletti, Isabelle Guillot de Suduiraut, Anna S Monzel, Davide D’Amico, Chris Rinsch, Martin Picard, Simone Astori, Carmen Sandi. Urolithin A abolishes high anxiety and rescues the associated mitochondria-related transcriptomic signatures and synaptic function. Biological Psychiatry, 06 octobre 2025. DOI: 10.1016/j.biopsych.2025.07.020


Auteur: Nik Papageorgiou

Source: EPFL

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