UrbanTwin: la durabilité en double

Digital Twin City. 2022 EPFL/Unknown CC-BY-SA 4.0

Digital Twin City. 2022 EPFL/Unknown CC-BY-SA 4.0

Plusieurs instituts de recherche suisses, dont l'EPFL, ont commencé à travailler sur le projet UrbanTwin, qui vise à développer un modèle durable, piloté par l'intelligence artificielle, des systèmes d’énergie, d’eau et de déchets de la ville d’Aigle. Le but: aider à l'implémentation de mesures durables efficaces.

La gémellité est un phénomène fascinant: des jumelles ou jumeaux identiques, même séparés à la naissance, peuvent se ressembler en termes d’apparence, de caractère, de capacités et de goûts personnels. Elle démontre le pouvoir de l’ADN à créer des résultats étonnamment prévisibles.

À travers le projet UrbanTwin, un consortium d’instituts de recherche suisses du domaine des EPF dirigé par l’EPFL, envisage de concevoir des jumeaux identiques d’un autre type, en utilisant des réseaux neuronaux au lieu de l’ADN pour créer le «jumeau» d’une ville suisse. Aigle a été choisie en raison de sa taille et parce qu'elle dispose d'un large éventail de sources d'eau et comprend déjà une infrastructure de surveillance énergétique très détaillée.

UrbanTwin fait partie des dix initiatives conjointes financées au niveau national dans les domaines stratégiques de l’énergie, du climat et de la durabilité environnementale, et vise à développer et à valider un outil global pour aider les décisionnaires à atteindre les objectifs environnementaux tels que la Stratégie énergétique 2050 et l’approche de “ville éponge” adaptée aux aléas climatiques. Cet outil reposera sur un modèle détaillé d’infrastructures urbaines critiques telles que l’énergie, l’eau, les bâtiments et la mobilité. Il simulera avec précision l’évolution de ces infrastructures interconnectées dans le cadre de divers scénarios climatiques et évaluera l’efficacité des actions liées au changement climatique.

«Les zones urbaines sont responsables de 75 % des émissions de gaz à effet de serre, tandis que la hausse des températures a un impact significatif sur leur habitabilité. Par leur nature, elles intègrent plusieurs systèmes, notamment l'énergie, l'eau, les bâtiments et les transports. De ce fait, elles représentent le cadre idéal pour mettre en œuvre une réponse coordonnée et multisectorielle au changement climatique en s'appuyant sur la numérisation comme approche systémique», explique David Atienza, directeur scientifique du centre EcoCloud et directeur du Laboratoire des systèmes embarqués (ESL) de l'EPFL. David Atienza et François Maréchal, professeur à l'EPFL, sont les coordinateurs d'UrbanTwin.

«Avec UrbanTwin, nous voulons collecter des informations provenant de multiples sources d'information avec des plateformes d'intelligence artificielle (IA) de pointe et les intégrer à l'aide de technologies de cloud computing sur un modèle détaillé d'infrastructures urbaines critiques, telles que l'énergie, l'eau (propre et usagée), les bâtiments et la mobilité, ainsi que leurs interdépendances», poursuit Atienza.

«Illustrant ce que la numérisation et l'IA peuvent offrir, cet outil sera capable de prendre en compte les facteurs socio-économiques et environnementaux sous-jacents, tout en évaluant au préalable l'efficacité des actions liées au changement climatique, ajoute Atienza. L'objectif est de développer une technologie qui soit ouverte et qui puisse être appliquée à d'autres zones urbaines dans n'importe quelle région de Suisse.»

Il était également essentiel de disposer d'un environnement urbain flexible et réaliste, tel que celui d'Aigle, à utiliser comme étude de cas. «En se référant au démonstrateur d'Aigle, nous développerons un cadre de modélisation et de contrôle avancé pour le contrôle journalier et intrajournalier de systèmes multi-énergie urbains/ruraux. Ce cadre sera capable d'intégrer les contraintes physiques des systèmes électriques, de mobilité, de chauffage, refroidissement et d'eau, ainsi que la représentation de la nature stochastique des ressources disponibles. Sur la base de ce cadre, un outil de planification pour les systèmes énergétiques intégrés qui prend en compte leur fonctionnement quotidien sera développé. L'objectif est de produire des décisions de planification satisfaisant intrinsèquement les besoins opérationnels quotidiens et intrajournaliers», explique Mario Paolone, responsable du Laboratoire des systèmes électriques distribués de l'EPFL.

Le transfert de technologies est un thème récurrent, la collaboration interinstitutionnelle en est un autre. Cinq institutions participent à ce projet: l’EPFL, l’ETHZ, le WSL (Institut fédéral suisse de recherches sur la forêt, la neige et le paysage), l’EMPA (Laboratoire fédéral suisse d’essai des matériaux et de recherche) et l’EAWAG (Institut fédéral suisse des sciences et technologies aquatiques).

Le système de surveillance de l’eau comprendra la sélection de la meilleure source d’approvisionnement en eau douce, la mesure de sa qualité ainsi que la modélisation de l’évacuation des eaux usées. Il comprendra également un travail de détection, avec un système capable de repérer les sources de pollution le plus rapidement possible et d’envoyer des alertes avec l’origine localisée et signalée.

La coopération interinstitutionnelle en matière de recherche est au cœur d'UrbanTwins. Giulio Masinelli, doctorant sous la supervision conjointe de l'EMPA et de l’EPFL, développera de nouveaux systèmes de détection multiparamétriques intelligents pour créer le jumeau numérique de la ville. «Nous pouvons produire des données en installant des capteurs sur les éviers mesurant la qualité de l’eau dans la ville, le niveau de pH, la concentration de sel et d’autres paramètres», explique-t-il. Nous utiliserons l’apprentissage machine pour recueillir des observations, puis faire des prédictions – avec des contraintes physiques. Ce sont ces contraintes qui rendent une simulation efficace, car elle devient un modèle flexible comportant une multitude de paramètres.»

«De nombreux travaux sont consacrés à l’application d’équations différentielles partielles aux données afin que le système puisse être généralisé sans que les contraintes physiques et les données non familières n’entraînent une baisse de qualité. Le résultat est un réseau neuronal qui peut produire des résultats en quelques millisecondes. Les paramètres peuvent ensuite être affinés afin qu’ils fonctionnent avec toutes les données. Il ne faut pas rester trop proche d’un seul ensemble de données si l’on veut obtenir de bonnes prédictions», poursuit-il.

UrbanTwin représente une excellente opportunité pour ces chercheuses et chercheurs de collaborer avec des équipes différentes à une époque difficile pour les scientifiques suisses. Avec l'exclusion de la Suisse du programme Horizon Europe, le financement national est la seule option actuelle. David Atienza a bon espoir que ce projet améliore la situation à son échelle: «Si nous pouvons améliorer la façon dont les administrateurs municipaux gèrent leurs ressources et augmenter les niveaux d’efficacité, ce serait un grand pas en avant.»

Aujourd’hui, nous utilisons de plus en plus souvent l’intelligence artificielle dans la recherche. Pour David Atienza et François Maréchal, «l’intelligence artificielle, telle qu’elle sera mise en œuvre via UrbanTwin, promet de fournir un excellent outil pour aider les décideurs, en recherchant dans de vastes réserves de données pour trouver des anomalies ou aider à émettre des recommandations. UrbanTwin sera un système holistique d’intelligence artificielle et l'on s’attend à des résultats inattendus.»


Auteurs: Tanya Petersen, John Maxwell

Source: EPFL

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