Une vie à cent à l'heure dédiée au sport automobile

"Cette année, nous optimisons la voiture pour la rendre plus fiable", Jade Gibouin, présidente de l'EPFL Racing Team. © Alain Herzog 2024 EPFL

"Cette année, nous optimisons la voiture pour la rendre plus fiable", Jade Gibouin, présidente de l'EPFL Racing Team. © Alain Herzog 2024 EPFL

Etudiante en génie mécanique, Jade Gibouin est cette année présidente de l’EPFL Racing Team qui dévoile ce lundi soir sa nouvelle voiture de course électrique. Elle consacre tout son temps libre à ce projet, et elle est fière qu’il compte désormais un quart de femmes.

Dans la vie, il faut parfois savoir foncer, sans trop réfléchir. C’est ce qu’a fait Jade Gibouin en s’inscrivant à l’EPFL « sur un coup de tête, 2h avant la deadline ». Après avoir suivi le lycée français Louis-le-Grand en filière scientifique, l’étudiante opte pour le génie mécanique, un domaine large avec de nombreux débouchés. Mais surtout une porte de choix pour concrétiser son objectif : entrer dans l’EPFL Racing Team. Un projet interdisciplinaire MAKE dont le but est de concevoir une voiture de course électrique pour participer aux compétitions de la Formula Student.

La course automobile, Jade Gibouin est tombée dedans via Netflix, fascinée par la série Formula One : pilotes de leurs destins, et l’envers du décor, tout ce qui se cache derrière le jour J sur le circuit. Petite, elle suivait de temps en temps les grands prix de F1 avec son grand-papa garagiste, mais sans vraiment crocher à cet univers. Maintenant, en tant que présidente de l’EPFL Racing Team, la course automobile est son moteur. « Je consacre beaucoup plus de 15 heures par semaine à ce projet, j’y bosse sur tout mon temps libre, mes week-ends et mes vacances. Il faut savoir s’organiser, car les journées sont très longues, mais on est toutes et tous passionnés, et ça apporte énormément », relève-t-elle.

Sa première année à l’EPFL, elle a vécu le Covid et la fermeture du campus. « J’étais à peine arrivée en Suisse, c’était dur, mais j’ai quand même réussi à rencontrer quelques personnes », sourit-elle. Pas du genre à se laisser abattre et sociable, l’étudiante a ensuite rapidement intégré le projet pour lequel elle a choisi l’EPFL. « A la fin de l’année scolaire, j’ai postulé pour l’EPFL Racing Team. Je n’avais pas de compétences pour construire la voiture, alors j’ai montré que j’étais motivée pour la communication et la logistique et j’ai été prise. J’ai appris sur le tas, en me montrant curieuse.»

Deux fois plus de femmes

De fil en aiguille, après avoir rejoint le comité en tant que responsable des finances et logistique, elle s’est retrouvée à la tête de ce projet qui réunit environ 80 étudiantes et étudiants de différentes sections, dont 20 femmes. «En génie mécanique, on est 16% de femmes, c’est un milieu encore très masculin, comme le sport automobile. Mais tout le monde est assez bienveillant, même si en tant que femme il faut parfois parler un peu plus fort pour se faire entendre», note Jade. Elle s’attache à promouvoir l’EPFL Racing Team auprès d’un public féminin, participe à des ateliers de promotion des sciences, comme le Coding club des filles, et il lui tient à cœur de montrer aux femmes qu’elles peuvent aussi intégrer le milieu du sport automobile. Actuellement, le projet compte quatre cheffes d’équipe, dont Ece Ergöz à la tête de la division « Power Electronics ». «On est deux fois plus de femmes dans l’équipe cette année, notamment à des postes clé, on se sent plus écoutée, j’espère que ça continuera comme ça », remarque l’étudiante en génie électrique et électronique.

Optimiser dans une atmosphère agréable

Pour Jade, il est aussi important de créer un climat où tout le monde se sent bien et de ne pas balayer sous le tapis les éventuels conflits. «Cette année, avec la vice-présidente, nous avons effectué un entretien de 10 minutes avec chaque membre de l’équipe, ça nous a permis de voir comment les personnes se sentent et de déceler les éventuels problèmes.» Manager une équipe, démarcher les entreprises ou encore négocier les contrats, autant de compétences que Jade a dû acquérir. «C’est une grande travailleuse, très minutieuse, elle a vraiment envie que tout le monde s’unisse pour remplir les objectifs fixés», souligne Samuel Cotture, coordinateur des espaces de prototypage du SPOT et du SKIL. Il conseille l’EPFL Racing Team avec André Hodder, co-académique advisor. Ayant suivi le projet depuis ses débuts, Samuel Cotture ajoute «L’EPFL Racing Team a une courbe d’évolution incroyable. Cette année, il y a beaucoup de nouvelles personnes dans l’équipe, donc on est plutôt dans l’optimisation. Il y a eu de si grands développements techniques en peu de temps, c’est rare.»

En génie mécanique, on est 16% de femmes, c’est un milieu encore très masculin, comme le sport automobile. Mais tout le monde est assez bienveillant, même si en tant que femme il faut parfois parler un peu plus fort pour se faire entendre.

Jade Gibouin, présidente de l'EPFL Racing Team

L’équipe présentera ce lundi 3 juin le bolide qu’elle a élaboré en neuf mois. Une monocoque complète en carbone avec quatre roues motrices, un système de conduite autonome et une batterie de 9.3 KWh. «Pour une question de durabilité, on essaye de reprendre un maximum de pièces de voiture en voiture. Cette année, nous optimisons la voiture pour la rendre plus fiable, car la construire est une première étape, mais il faut ensuite réussir à la faire rouler. L’année passée, nous avons implémenté beaucoup de nouveautés technologiques et nous avons eu peu de temps avant les compétitions pour tester notre voiture et se familiariser avec. Nous avons donc rencontré quelques problèmes et pris plusieurs heures pour les régler mais ça nous a permis d’apprendre », explique Jade.

C’est le principe des projets MAKE, se former en mettant les mains dans le cambouis, s’améliorer au fil des erreurs commises et mutualiser les connaissances disciplinaires pour innover. L’EPFL Racing Team participera cet été à cinq compétitions, dont une en Suisse. Après, Jade Gibouin pourra peut-être souffler un peu, reprendre la natation et une vie sociale. Pour la suite, elle n’ose pas vraiment rêver à une opportunité dans le milieu de la F1. « Bien sûr, je la saisirai, mais c’est un domaine très prisé, des anciens de l’EPFL Racing Team ont réussi à y entrer, mais les places sont rares.» En attendant, il y a des questions urgentes à régler, André Hodder l’appelle. Alors, elle fonce.


Auteur: Laureline Duvillard

Source: People

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