Une technologie ultramoderne pour révéler des murs anciens

Les fondations de murs romains sont clairement visibles depuis le ciel. © Sensefly

Les fondations de murs romains sont clairement visibles depuis le ciel. © Sensefly

L’intervention de deux start-up de l’école donnera un regard inédit sur les vestiges de l’importante villa romaine mise au jour dans le périmètre du chantier du Centre de congrès de l'EPFL. Les photos aériennes prises par les drones de Sensefly seront assemblées par Pix4d pour générer une vue d’ensemble des constructions ayant pu appartenir à Dorinius.

L’EPFL n’a pas raté son rendez-vous avec l’Histoire. Découvertes lors de la phase préparatoire du chantier du futur Centre de congrès de l’Ecole, les traces d’un établissement romain important pourront être rendues spectaculaires grâces aux compétences de deux start-up issues de deux laboratoires.

Pour ne pas trop retarder le chantier, les archéologues mandatés par le Canton pour travailler sur le site ont dû opérer par secteurs. Sitôt qu’ils avaient effectué le relevé d’une «tranche», les pelleteuses entraient en action. «En tant que telles, les fondations que nous avons trouvées ne justifiaient pas d’être conservées», explique Christophe Henny, responsable des fouilles menées par l’entreprise Archéodunum. A aucun moment il n’aura donc été possible d’avoir une vue d’ensemble de la villa romaine qui a pu appartenir à Dorinius, propriétaire terrien dont les archéologues supposaient l’existence en raison du nom du lieu-dit Dorigny.

Grâce à Sensefly et Pix4d, deux start-up issues des laboratoires de l’EPFL, cet inconvénient sera toutefois de courte durée. Jean-Christophe Zufferey, directeur de Sensefly et chercheur au Laboratoire des systèmes intelligent (LIS), a en effet régulièrement envoyé ses drones « swinglet CAM » au-dessus du chantier de fouille. Ces ailes volantes entièrement automatisées et pourvues d’un appareil photo ont ainsi pu immortaliser chaque étape des découvertes en haute définition. Pix4d, société en cours de création issue du Laboratoire de vision par ordinateur (CVLAB), se spécialise quant à elle dans la compilation d’images. Ses algorithmes surpuissants seront ainsi capables de reconstituer fidèlement le plan de la villa, dans toute son étendue et avec ses dépendances, comme s’il avait été possible d’en prendre une photographie aérienne unique.


Jean-Christophe Zufferey, directeur de Sensefly, s'apprête à lancer l'un de ses drones. © Alain Herzog - EPFL

Une villa et ses dépendances
Ces découvertes – qui ont pour la plupart déjà disparu – méritent en effet qu’on y accorde de l’importance. Trois éléments datant probablement du Haut-Empire (entre le 1er siècle avant et le 3e siècle après J.-C.) ont pu être clairement distingués.

  • Au sud-est s’élevait une grange (25 mètres par 22) comportant trois petits locaux fermés et une grande pièce occupant la majeure partie de la surface du bâtiment. Une partie du sol était vraisemblablement recouverte par un plancher, sans doute incendié, comme en témoigne la noirceur du sol sur une bande de trois mètres de large longeant deux des murs. Les archéologues ont également relevé des fosses à l’usage encore indéterminé – peut-être des activités de forge. Elles pourraient aussi être antérieures à cet édifice: des traces d’une occupation plus ancienne ont également été trouvées.
  • Plus au nord-ouest s’étendait le complexe principal accueillant les pièces d’habitation. Un imposant corps de bâtiment en « T », dont la façade s’étendait sur 27 mètres, était flanqué d’une aile au moins, dont les fondations ont été retrouvées sur le côté gauche. « Quelques éléments peuvent nous laisser supposer un plan symétrique, avec une aile de même type sur le côté droit », suggère Christophe Henny. Le tout s’organisait autour d’une cour. Tout compté, le front de cette habitation a pu s’étendre sur une largeur de 80 mètres.
  • Un troisième bâtiment rectangulaire de 12 mètres par 10, dont l’usage n’a pas encore pu être identifié, vient s’ajouter au complexe en direction de Morges.

Christophe Henny, archéologue, sur le chantier de fouille. © Alain Herzog
Christophe Henny, archéologue, devant la fondation d'un des murs de la grange. © Alain Herzog - EPFL.

Autant d’éléments qui constituent la première preuve d’un établissement dans ce secteur, l’agglomération (vicus) de Lousonna s’arrêtant deux kilomètres plus à l’est, du côté de la Bourdonnette. «C’est une distance raisonnable pour implanter une villa par rapport aux sépultures qui marquaient l’extrémité ouest de Lousonna. Il est assez normal d’observer une zone de campagne entre les deux», estime Thierry Luginbühl, directeur de la section d’archéologie de l’Université de Lausanne.

Les terrains où s’étendent aujourd’hui les Hautes écoles lausannoises s’étaient en effet révélés avares en traces archéologiques. Seule une installation de captage, pourvue d’une conduite creusée dans un tronc abattu en 166 après J.-C., a pu être récemment mise au jour, lors de la construction du Starling Hotel, au sud du campus de l’EPFL. Cette nouvelle découverte permettra donc de compléter les connaissances historiques sur ce coin de terre au développement fulgurant.