Une station alliant production d'hydrogène et stockage d'énergie
Le système conçu par les chercheurs de l’EPFL répond à deux priorités de la transition énergétique: stocker l’énergie à large échelle et générer de l’hydrogène propre. Il pourrait se révéler particulièrement intéressant pour le domaine des transports.
Lutter contre le dérèglement climatique, trouver des alternatives aux énergies fossiles, atteindre les objectifs fixés par les plans de transition énergétique prévus par les états, dont la Suisse : le besoin d’utilisation des énergies renouvelables se fait de plus en plus pressant. Mais pour les intégrer dans le réseau électrique, il est nécessaire d’assurer un moyen de stocker à grande échelle l’énergie qu’elles génèrent. « Les énergies renouvelables sont soumises aux conditions météorologiques, entraînant des variations de production, indique Danick Reynard, doctorant au Laboratoire d’électrochimie physique et analytique (LEPA) de l’EPFL. Or le réseau ne peut pas supporter de variations excessives.» Comme il n’est pas soumis à ces conditions, l’hydrogène connaît donc un intérêt croissant comme vecteur d’énergie.
Les chercheurs du LEPA travaillent depuis plusieurs années sur ces deux domaines, le stockage et la production d’hydrogène. Ils viennent de démontrer la possibilité de coupler une batterie redox à flux traditionnelle – l’une des méthodes les plus prometteuses actuellement pour le stockage d’énergie stationnaire à grande échelle - à des réacteurs catalytiques, qui permettent de produire de l’hydrogène propre à partir des liquides de la batterie. Cette batterie à flux offre la même efficacité que celles traditionnelles, mais est plus flexible et avec une plus grande capacité de chargement. Elle permet en plus de générer de l’hydrogène propre et de manière moins coûteuse. Leurs résultats sont publiés dans Cell Reports Physical Science.
Les batteries à flux, le dispositif le plus prometteur pour stocker l’énergie
Les batteries redox à flux ont la forme de deux immenses cuves séparées par des cellules électrochimiques. Deux électrolytes liquides (des substances conductrices), l’un positif, l’autre négatif, circulent à travers ces cellules pour générer des réactions d’échange d’électrons. Comme les batteries à lithium-ion, utilisées dans nos téléphones par exemple, elles conservent l’énergie sous forme électrochimique. Par contre, elles ont une durée de vie beaucoup plus longue et disposent d’une puissance et d’une capacité flexibles, pouvant rapidement être adaptées à l’offre et à la demande d’électricité.
Les chercheurs du LEPA ont développé une telle batterie redox à flux, qu’ils ont couplée à des réacteurs catalytiques. Ces derniers peuvent produire l’hydrogène à partir des liquides circulant dans les cuves. « L’hydrogène est en effet produit par un processus chimique catalytique qui utilise l’énergie de la batterie pour « casser » des molécules d’eau en deux parties : de l’hydrogène et de l’oxygène », explique Danick Reynard. « Par contre, cet hydrogène est « vert » uniquement si l’électricité utilisée pour recharger la batterie provient d’énergie renouvelable. »
Un hydrogène propre et pur, une capacité de stockage flexible et augmentée
Ce système présente de nombreux avantages, aussi bien au niveau du stockage que de la production d’hydrogène. Les batteries à flux traditionnelles, lorsqu’elles sont complètement chargées, ne peuvent plus stocker d’énergie. « Avec notre dispositif, lorsque la batterie est complètement chargée, nous pouvons décharger le liquide dans les réacteurs externes. Cela produit de l’hydrogène, qui peut être stocké et utilisé ultérieurement, libérant de la place de stockage dans la batterie », souligne Danick Reynard.
Ensuite, l’hydrogène produit par ce système est pur et nécessite seulement une étape de séchage et de compression pour un stockage optimal. Ce système offre également des conditions de sécurité intéressantes, puisqu’il permet de produire séparément l’oxygène et l’hydrogène, alors que les systèmes traditionnels génèrent forcément les deux en même temps, augmentant potentiellement le risque d’explosion.
La station du futur des véhicules à hydrogène ?
Ce dispositif pourrait particulièrement intéresser le domaine des transports. L’arrivée de véhicules propres signifiera en effet des besoins supplémentaires en électricité et en hydrogène propre. Lorsque les conducteurs rechargeront leurs véhicules, cela générera en effet une demande supplémentaire d’électricité. Mais ces moments seront difficiles à planifier. « En plus de produire de l’hydrogène, les batteries pourront alors jouer le rôle de tampon face au stress induit sur le réseau électrique », conclut Danick Reynard. « Le domaine des transports représente en effet environ 33 % de la consommation d’énergie en Suisse (OFEN, 2020) ».
Financement SCCER, Swiss Competence Center for Energy Research (SCCER), Heat and Energy Storage (HaE)
Le LEPA remercie EOS Holding pour son support
Reynard & Girault, Cell Reports Physical Science 2, 100556, September 22, 2021 https://doi.org/10.1016/j.xcrp.2021.100556