Une souche de lèpre indigène au sud des Etats-Unis

© Heidi and Hans-Jürgen Koch

© Heidi and Hans-Jürgen Koch

La contamination a eu lieu suite à des contacts avec des tatous, comme le confirme une analyse menée à l’EPFL de l’ADN de ces animaux et d’humains infectés.

Grâce à une analyse de l’ADN et un travail de terrain minutieux, une équipe de recherche internationale a confirmé l’existence d’un lien entre des cas de lèpre chez des humains vivant aux Etats-Unis et un contact direct avec des tatous. Fruit d’une collaboration entre le Global Health Institut de l’EPFL et le National Hansen’s Disease Program, l’étude a prouvé qu’une souche encore jamais détectée de la bactérie Mycobacterium leprae avait émergé au Sud des USA et s’était propagée suite à des contacts avec des tatous porteurs de la maladie. Les résultats de cette recherche sont publiés le 28 avril dans le New England Journal of Medicine.
Quelque 150 cas de lèpre sont recensés chaque année aux Etats-Unis. La plupart sont des personnes ayant travaillé à l’étranger, dans des régions où cette maladie est endémique et où il est donc très probable qu’elles l’aient contractée. Or, il est apparu qu’un tiers de ces patients l’auraient en réalité attrapée de manière indigène, ce qui a fortement alerté les autorités sanitaires. L’hypothèse selon laquelle la maladie aurait été transmise par des tatous – seuls autres êtres à porter la bactérie causant la lèpre – a été confirmée en comparant l’ADN de ces animaux et des humains infectés, opération menée à l’EPFL.



Le bacille de la lèpre trouvé chez les tatous
Depuis les années 1970, on sait que les tatous sont des porteurs potentiels de la lèpre, probablement introduite il y a 500 ans par des immigrants européens. L’étude démontre qu’il y a bien eu une contamination entre espèces et qu’il y a une souche unique. “Il existe une forte corrélation entre la localisation géographique de cette variété particulière de M. leprae et la présence de tatous au sud des Etats-Unis, explique Stewart Cole, directeur du Global Health Institute de l’EPFL et leader dans l’étude du génome du bacille de la lèpre. Notre recherche montre clairement que la bactérie trouvée chez les tatous et chez les humains est la même.”
Les analyses ont porté sur 33 tatous sauvages et 50 patients atteints par la maladie. La nouvelle souche de la bactérie, appelée 3I, a été détectée dans 28 animaux et 22 êtres humains, qui n’avaient pas fait de séjour à l’étranger. Les chercheurs ont utilisé le séquençage du génome pour identifier la nouvelle souche et la comparer à celles que l’on connait en Europe, au Brésil et en Asie, ainsi que le génotypage pour identifier et classifier l’échantillon. Il est rapidement devenu clair que les personnes n’ayant jamais voyagé en dehors des Etats-Unis mais vivant dans les régions où les tatous infectés sont les plus nombreux avaient été contaminées par la même souche. C’est pourquoi les chercheurs recommandent, dans leur article, de «décourager les contacts directs et fréquents avec les tatous, ainsi que leur consommation» et préconisent également une surveillance de la population de ces mammifères.

On ne sait pas exactement pourquoi ni comment ces animaux contractent et portent cette maladie. Il y a certainement plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte, dont une possible déficience du système immunitaire, par exemple. Mais la température de leur corps, de 32° C, en font de parfaits incubateurs pour la bactérie, qui prospère entre 30° C et 32° C. C’est notamment ce qui explique que la lèpre n’atteigne que les extrémités du corps humains - sa température étant trop élevée pour une infection généralisée - et que 90% des personnes entrant en contact direct avec le microbe ne développent pas de maladie. «La dernière chose que nous souhaitons est de déclencher la panique dans la population, dit Stewart Cole. La meilleure manière de combattre cette infection passe par la prudence et l’éducation.»

La stigmatisation de la lèpre
José Ramirez est l’un des patients ayant participé à l’étude. Ancien travailleur émigré venant de Houston, il a contracté la lèpre après avoir chassé et mangé du tatou. Toute sa vie durant, il s’est battu contre les stigmates et les préjugés sociaux et espère aujourd’hui que ces recherches feront voir cette maladie sous un jour nouveau. «C’est une opportunité de donner la parole aux personnes atteintes, de ne plus utiliser le mot lèpreux, qui a une mauvaise connotation dans le monde entier, et de donner une autre compréhension de cette maladie et de ses causes», dit-il. Cet homme, qui s’est battu contre cette maladie durant cinq ans avant qu’elle ne soit enfin diagnostiquée, a pu en guérir grâce à l’administration d’antibiotiques, prouvant ainsi que la lèpre est une infection bactériologique qui peut être traitée.