Une reprise prudente pour les start-up de l'EPFL
La période du confinement a marqué un temps d’arrêt dans le développement de la majorité des start-up, une interruption des tests parfois difficilement rattrapables, et de nombreuses inquiétudes. La reprise de l’économie ces prochains mois sera décisive, les spécialistes préconisent la prudence mais se disent plutôt optimistes quant au futur des levées de fonds.
Aussi dynamiques et flexibles soient-elles, les start-up sont fragiles en période de crise. Un temps de recherche et développement étendu, un chiffre d’affaire souvent faible ou inexistant pendant plusieurs années, ainsi qu’un fort besoin d’investissements externes constituent autant de points d’achoppement lorsque l’économie se grippe. Pour assurer ces prochains mois, plus d’un quart des 208 entreprises du Parc d’innovation de l’EPFL, ont demandé un cautionnement auprès de la Confédération. La manière dont l’économie reprendra sera bien entendu déterminante pour le développement de ces jeunes entreprises. Si aucune faillite n’est à déplorer, les experts du campus préconisent la prudence pour ces prochains mois. Ils se montrent toutefois plutôt confiants quant aux levées de fonds.
Quelques start-up en croissance
Le parc d’innovation du campus n’ayant pas fermé ses portes, de nombreuses start-up ont en partie poursuivi le développement de leurs dispositifs, moyennant les adaptations sanitaires de rigueur. « Quelques personnes qui travaillaient à des tests de matériel ont continué à se rendre dans nos locaux », confirme par exemple Laurent Coulot, CEO d’Insolight. D’autres jeunes entreprises, comme Ouay, fondée par des étudiants, dont l’atelier était situé dans un laboratoire de l’EPFL, ont rapatrié en urgence le matériel à domicile avant la fermeture du campus.
Mais les deux mois de confinement ont particulièrement entravé le développement des start-up du domaine médical. Leurs tests dans les hôpitaux ont été stoppés net, réduisant parfois à néant plusieurs mois de travail et d’investissements financiers.
À l’inverse, certaines start-up ont pu adapter très rapidement leurs dispositifs pour répondre à des besoins nouveaux : des bornes pour compter les personnes mises au point par Technis, les robots nettoyeurs de Rovenso ou encore les tests de sepsis d’Abionic. Alors que d’autres développent depuis plusieurs années des technologies qui trouvent maintenant un écho particulier, à l’image des masques transparents de Hello Mask.
Pas de panique chez les investisseurs
Les start-up qui ont tiré bénéfice de la pandémie ne sont cependant pas la majorité et pour certains observateurs, près de la moitié des start-up seraient en danger. Jean-Philippe Lallement, directeur du Parc scientifique, a senti dans un premier temps un vent de panique lié au manque de visibilité. Celui-ci s’est ensuite atténué avec l’annonce des cautionnements par la Confédération fin avril. De très nombreuses sociétés du campus y ont d’ailleurs fait appel et quelque 10 millions francs d’aide ont déjà été accordés par le canton de Vaud par exemple, mais « c’est une aide bienvenue mais pas idéale pour une start-up, car le prêt est remboursable sur cinq ans, or il peut s’écouler davantage de temps avant qu’elle ne commence à assurer une rentabilité », souligne Jordi Montserrat. Le parc scientifique a également mis au point un plan d’aide, auquel 70 sociétés de l’EPFL et du Campus Biotech ont eu recours. Il permet d’alléger des notes de crédit sur le loyer ou des frais annexes dus au parc d’innovation. Pour une grande partie des sociétés, la crise a tout de même engendré en parallèle une réduction des coûts qui devrait leur permettre d’attendre une reprise de l’activité économique. « Il va falloir entre quatre et douze mois pour que les affaires reprennent, estime Jordi Montserrat, responsable Venture Kick pour la Suisse romande, en espérant qu’il n’y ait pas un deuxième confinement. »
Tout n’a cependant pas été à l’arrêt durant deux mois : plusieurs importantes levées de fonds à l’image de Lunaphore qui a conclu un tour de financement de 25 millions et Flybotix 1,5. Les fonds disponibles ne semblent d’ailleurs pas moins élevés qu’avant d’autant que deux nouveaux fonds de capital-risque basés en Suisse et avant tout destiné à de jeunes entreprises du pays viennent de voir le jour. Mais l’équilibre est rompu et une certaine frilosité des investisseurs ces prochains mois est à craindre. « Les entrepreneurs pourraient connaitre un peu moins de marge de manœuvre pour négocier les conditions de la levée de fonds », souligne Jean-Philippe Lallement, directeur du Parc scientifique. « À moins qu’une reprise « en V », comme l’espèrent certains experts, ne se montre rapidement, mieux vaut être un peu conservateur pour une fois », conclue Jordi Montserrat.
Trois start-up racontent leur travail durant le semi-confinement:
Insolight prépare une levée de fonds
Insolight, qui met au point des panneaux solaires avec un rendement de près de 30%, devait débuter des tests d’assemblage sur des lignes de production en Espagne en avril. « Les fournisseurs fermaient les uns après les autres. Nous avons donc, in extremis avant la fermeture des frontières, fait rapatrier le matériel en Suisse afin d’effectuer des tests dans nos locaux», souligne Laurent Coulot, CEO. Le parc scientifique n’ayant pas fermé ses portes, quelques employés ont continué à se rendre dans l’atelier, moyennant les précautions de rigueur, alors que le reste de l’équipe travaillait à domicile.
Dans l’incertitude qui régnait au début du confinement, le CEO a fait une demande de subvention pour réduction d’horaire de travail (RHT) mais le but a été de ne pas devoir l’activer. « Nous avons vu assez rapidement que nous pourrions atteindre nos objectifs avec un léger décalage. Par ailleurs ces aides sont d’avantage destinées aux petites et moyennes entreprises qui vivent uniquement sur leurs revenus, comme certains coiffeurs ou petites boutiques. La survie de notre start-up n’est pas liée uniquement aux revenus, et le risque de retarder nos développements est sans doute préjudiciable, surtout vis-à-vis des investisseurs.
Ces derniers ont d’ailleurs continué à faire confiance à Insolight puisque la jeune entreprise est en train de conclure une levée de fonds approchant 5 millions. « Nous avons eu quelques craintes au départ concernant certains investisseurs qui auraient pu jeter l’éponge. Mais elles ont assez vite été dissipées ».
Abionic aide à détecter le sepsis chez des patients positifs au Covid-19.
Lorsque le semi-confinement est entré en vigueur, Abionic, spin-off de l'EPFL s’apprêtait à lancer l’Abioscope, une machine qui promet de détecter la septicémie jusqu'à 72 heures plus tôt que la norme de soins d'aujourd'hui. Or il s’est avéré que sa technologie, déployée depuis début mars dans plusieurs hôpitaux en Suisse, en France et en Italie le diagnostic de cette surinfection bactérienne auprès des patients COVID-19. «Nous fournissons aux médecins la plateforme de diagnostic la plus rapide au monde. Notre appareil a démontré sa capacité à identifier la septicémie et la surinfection bactérienne jusqu'à 72 h plus tôt, ce qui contribue à diminuer le taux de mortalité des patients covid-19», souligne Nicolas Durand, CEO.
La septicémie affecte plus de 30 millions de personnes dans le monde et tue probablement 6 millions de personnes chaque année. Selon le professeur Jean-Daniel Chiche, futur chef désigné des soins intensifs au CHUV et interviewé sur BFM.tv, la septicémie pourrait être responsable de la moitié des décès de patients adultes COVID-19 gravement malades. La raison pour laquelle la septicémie apparait chez ces patients n’est pas connue, mais un diagnostic précoce conduit à la mise en œuvre d’un traitement, y compris la prescription d'antibiotiques appropriés au bon moment.
La septicémie est la réponse extrême du corps à une infection. Il s'agit d'une urgence médicale mettant la vie en danger. Elle se produit lorsqu'une infection déjà présente - peau, poumons, voies urinaires par exemple –déclenche une réaction dans le reste du corps. Sans un traitement rapide, la septicémie peut entraîner des lésions tissulaires, une défaillance d'organe et la mort.
Écrit par Hillary Sanctuary
Lorsque le confinement a été annoncé, Ouay, qui propose des boitiers intelligents pour permettre aux personnes âgées de communiquer simplement avec leur entourage, avait déployé des systèmes auprès de partenaires clients. « Nous avons malheureusement dû dépcaler notre phase de test, mais le confinement confirme l’utilité de nos dispositifs. Ils auraient facilité la vie des personnes âgées qui se sont retrouvées d’avantage isolées encore », estime Sven Borden, CEO de la start-up. Côté financier, la start-up n’a pas demandé la RHT. « Nous avons stoppé nos activités et rapatrié à domicile le matériel qui se trouvait sur le campus. » Les tests auprès de personnes âgées vont reprendre cet été. "Le coronavirus a permis à un certain nombre d’entre elles de se familiariser avec les smartphones et tablettes, ce qui est un point encourageant pour nos solutions, qui allient l'utilisation de ces derniers avec celle d’un boitier intelligent simple d'utilisation." Seul pause forcée ces prochains mois : les examen repoussés au mois d’août.