Une rencontre pour prouver que vous êtes une vraie personne virtuelle

People's hands using social media © 2021 iStock

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La facilité avec laquelle on peut créer de fausses identités virtuelles joue un rôle important dans la circulation de l’information – et de la désinformation – sur le web. Les rencontres de «pseudonymes», qui permettraient de vérifier la personnalité et non l’identité, pourraient-elles résoudre ce problème?

Les plateformes de réseaux sociaux ont complètement modifié la circulation de l’information sur le web. Malgré les nombreux avantages présentés par les réseaux sociaux, l’anonymat qu’ils permettent, associé à la simplicité de création de nombreux comptes, peut également aboutir à la diffusion de fausses informations, de théories du complot, et à la déformation du discours politique.

Une solution serait d’oublier tout simplement l’anonymat et de lier tous les comptes à une identité vérifiée, mais l’anonymat est un élément important de la liberté d’expression sur le web, ce qui écarte cette solution. Aujourd’hui, le professeur Bryan Ford de la Faculté informatique et communications (IC) a développé une idée: le recours aux événements physiques, qu’il appelle «fêtes de pseudonymes», pour concilier anonymat en ligne et responsabilité, un défi exploré dans un article du Centre international de gouvernance des risques (IRGC) de l’EPFL, co-écrit par son directeur adjoint Aengus Collins.

Alors que les problèmes technologiques ont tendance à nécessiter des approches technologiques, cette idée est relativement similaire. Ces événements se tiendraient régulièrement, une fois par mois ou par an, et offriraient un jeton numérique permettant la vérification de personnalité. Ces jetons numériques ne contiendraient pas d’informations d’identification mais prouveraient que la personne associée au jeton est réelle et qu’elle s’est présentée dans un lieu à un moment donné. Ces jetons pourraient alors servir à vérifier la personnalité sur les réseaux sociaux.

«Cela contribuerait à la responsabilité de plusieurs façons», affirme le professeur Ford. «D’abord, cela résoudrait le problème d’augmentation des cas de harcèlement en ligne, car même si un utilisateur a créé plusieurs comptes, les "likes" ou "shares" qui leur sont associés ne compteraient qu’une seule fois. Ensuite, si cette personne faisait quelque chose d’injurieux sur l’un de ces réseaux, tous les comptes associés à sa "personnalité" seraient sanctionnés.»

«Les comptes basés sur des preuves de personnalité, et encore anonymes, ne seraient plus si simples à remplacer, les sanctions prises contre les comptes injurieux devenant plus efficaces et les auteurs de ces derniers ne pouvant plus développer leur rhétorique en créant une multitude de faux comptes», ajoute Aengus Collins.

Bien entendu, les événements physiques présentent des défis logistiques. Afin d’empêcher les individus d’obtenir de multiples jetons pour eux-mêmes ou pour les vendre, ces événements devraient être simultanés. Ainsi, les individus ne pourraient participer qu’à un seul événement à chaque cycle. Il devrait également y avoir une grande transparence et une responsabilité dans l’organisation de ces fêtes, de sorte que les facilitateurs ne puissent pas augmenter les chiffres de participation et conserver des jetons supplémentaires pour eux.

Comme les événements seraient organisés au niveau local et de manière indépendante, du moins au début, des mesures devraient être prises pour que les différents groupes reconnaissent les jetons de chacun. Par ailleurs, les jetons numériques devraient avoir une date d’expiration pour que les individus ne puissent pas les accumuler cycle après cycle. Il faudrait également une option à distance pour les personnes dans l’incapacité de participer en personne, par exemple pour motif professionnel ou en raison d’un handicap.

Bryan Ford explique que malgré ces défis, basés sur sa recherche, cette approche reste le meilleur moyen d’établir des preuves de personnalité sur le web. «Il existe d’autres manières, comme la biométrie utilisée par le gouvernement ou le fait de se fier aux participants d’un réseau numérique, pour attester de la validité de la personnalité de leurs connexions. Cependant, sur les quatre objectifs clés pour les preuves de personnalité que j’ai définis – égalité, inclusivité, confidentialité et sécurité – une analyse préliminaire suggère que seules les fêtes de pseudonymes semblent en mesure de les atteindre.»

La proposition de fêtes de pseudonymes suscite un grand nombre de questions: Qui serait en charge de l’organisation et de la gestion de ces événements? Ces événements deviendraient-ils obligatoires? Comme ils commenceraient à petite échelle et au niveau local, comment pourraient-ils se développer? Quelle serait l’implication des grandes entreprises technologiques et des plateformes de réseaux sociaux pour que ces jetons numériques signifient réellement quelque chose sur le web?

Bien qu’il y ait clairement des problèmes de mise en œuvre à surmonter, Bryan Ford et Aengus Collins y voient une idée intéressante qui pourrait donner un nouvel élan à la résolution de ces problèmes.

Pour en savoir plus sur les fêtes de pseudonymes destinées à freiner la diffusion de fausses informations sur le web, vous pouvez lire l’article «Using ‘proof of personhood’ to tackle social media risks».


Auteur: Stephanie Parker

Source: EPFL