Une puce qui mesure le vide

Ian Rousseau, CEO de Hexisense, amène sur le marché une puce à base de gallium pour mesurer le vide © 2019 Alain Herzog

Ian Rousseau, CEO de Hexisense, amène sur le marché une puce à base de gallium pour mesurer le vide © 2019 Alain Herzog

Indispensable pour la fabrication ou la conservation d’innombrables objets du quotidien, par exemple pour la lyophilisation, le vide physique doit être mesuré avec précision. Une spin-off de l’EPFL, Hexisense, amène sur le marché une puce à base de gallium, qui permet de différencier avec une précision inégalée et de manière peu onéreuse la quantité de molécules de certains gaz.

Une puce qui mesure le videQuel est le point commun entre un miroir, un pot de yogourt, une batterie de voiture électrique ou encore une lampe LED ? Le vide, le vrai -celui où les molécules de gaz sont chassées- est essentiel à leur fabrication. Dans la vie courante, lorsqu’on verse la dernière goutte d’une bouteille, cette dernière est considérée comme vide. En physique, le constat est beaucoup plus nuancé. Les pompes d’aspiration laissent une partie plus ou moins importante du gaz en fonction du procédé utilisé. Le vide est donc évalué en fonction de la pression exercée par la quantité de molécules qui restent dans le contenant. Cette mesure est cruciale pour les industriels. Une spin-off de l’EPFL en cours de création, Hexisense, s’apprête à commercialiser une petite puce qui pourrait leur simplifier la vie.

Une puce idéale pour la lyophilisation

Prenons la lyophilisation. Cette technique de conservation des aliments permet de conserver la forme et la couleur ainsi qu’une grande partie des propriétés nutritives et gustatives. Souvent utilisée pour la recherche et la production en produits alimentaires et médicaments, elle est très gourmande en énergie et en temps. Le séchage sous vide représente le point d’achoppement, car aucun moyen de contrôle peu coûteux n’existe pour déterminer le moment précis où le procédé peut être arrêté. Les machines poursuivent donc leur travail de manière exagérée. Le capteur mis au point au Laboratoire en semi-conducteurs avancés pour la photonique et l’électronique de l’EPFL pourrait par exemple remédier à cet inconvénient en indiquant en temps réel la quantité de vapeur d’eau restante.

Les gaz résiduels des systèmes sous vide sont variés : azote, oxygène, argon, hydrogène, vapeur d’eau…. Pour mesurer cela, les industriels ont pour l’instant deux options. L’une, peu onéreuse, permet avec divers systèmes de mesure basés sur la déformation, le déplacement, la chaleur etc., de mesurer la pression totale de tous ces gaz. L’autre, le spectromètre de masse, permet de les différencier, mais ne peut être placé dans chaque système en raison du coût de l’appareil. La petite puce de 0,4 cm2, développée et bientôt commercialisée par la spin-off en création, entend rendre accessible la mesure différenciée des gaz pour tous les systèmes.

De la lumière pour décoller les molécules de gaz

Le principe de ce petit capteur tire parti de deux phénomènes physiques de son principal composant : le nitrure de gallium. Sa réactivité à la lumière et son pouvoir semi-conducteur. Dans une chambre à vide, lorsque les molécules de gaz se raréfient, elles migrent vers les parois et s’y fixent. Le gallium a la particularité, lorsqu’il est exposé à une source lumineuse, de repousser les molécules de gaz. Une LED est donc placée sur la puce, permettant de décoller les molécules des parois. Une fois éteinte, c’est le pouvoir semi-conducteur du gallium qui permettra d’évaluer avec quelle célérité elles y retournent. Des algorithmes spécifiques mettent ensuite en relation le nombre de molécules sur la surface avec la pression partielle. Sélectives, ces minuscules puces peuvent se targuer d’une excellente efficience puisqu’elles sont capables de détecter par exemple un taux de moins de 0.5% d’oxygène dans de l’azote.

La puce universelle ne craint ni la chaleur ni les chocs

Ces puces universelles sont résistantes à la chaleur, qui peut aller jusqu’à 250 degrés, et ne contiennent aucun système microélectromécanique, ce qui leur permet de ne pas craindre les vibrations mécaniques ni les chocs. De plus, au contraire des jauges de vide à base d’ionisation utilisées pour les pressions basses, ce capteur ne produit pas de particules ionisées ou de champs magnétiques qui pourraient perturber certains équipements techniques. Ces avantages notamment, confèrent à ce système d’un nouveau genre une omnipotence qui pourrait faciliter le travail des professionnels puisqu’il suffira de placer quelques-unes de ces puces dans les systèmes de vide pour obtenir les données souhaitées.

Démarrage de la production

Les deux inventeurs, Ian Rousseau et Pirouz Sohi, qui poursuit son doctorat au Laboratoire en semiconducteurs avancés pour la photonique et l’électronique, soutenus par divers programmes de démarrage tels que Bridge, accélérateur commun au Fonds National Suisse et Innosuisse, un EPFL Innogrant, Enable, ou encore Venture Kick, démarrent maintenant la fabrication de ces petites puces. L’objectif de la spin-off Hexisense, est de développer, produire et commercialiser les capteurs entièrement au sein d’une entreprise : de la conception au packaging en passant par la caractérisation et la fabrication.