Une puce pour dresser le profil d'une seule cellule

© 2015 EPFL

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Des chercheurs de l’EPFL ont développé une technique innovante pour étudier des cellules isolées grâce à des billes d’affinité et des microfluides. Cette toute nouvelle méthode est désormais testée sur des tumeurs.

Les cellules d’une population donnée, provenant par exemple d’une tumeur, peuvent fortement varier les unes des autres en matière de biochimie et de fonction. Pour mieux comprendre et pouvoir tenir compte de ces fluctuations, il est nécessaire de dresser le profil de chaque individu, notamment en ce qui concerne les interactions entre son ADN, son l’ARN et les protéines. Or, c’est un réel défi, en raison de la fragilité et de la petite taille des cellules, ainsi que de la nature des biomolécules qu’elles contiennent. Des scientifiques de l’EPFL l’ont toutefois relevé, en proposant une méthode intégrée et ultrasensible d’étude des cellules individuelles. Combinant des billes d’affinité et des microfluides, elle pourra être prochainement utilisée dans les diagnostics cliniques. Cette étude phare est publiée par le journal Small.

L’analyse efficace des cellules isolées se heurte à deux obstacles majeurs. Premièrement, il y a dans chaque cellule une grande variété de types de biomolécules, chacun n’y étant, de plus, qu’en faible quantité. Deuxièmement, un grand nombre de cellules doivent être traitées, surtout lorsqu’il s’agit de détecter des modifications aux occurrences très rares.

Le laboratoire de Horst Vogel, à l’EPFL, a pu surmonter ces difficultés en combinant diverses microtechnologies. Grâce à une méthode mise au point par le doctorant Michael Werner, la molécule cible à l’intérieur d’une cellule est saisie par des billes de silicone de taille (sub)micrométrique, recouvertes en amont d’agents de capture, comme des anticorps. Une fois absorbée par la cellule, ladite bille se retrouve d’abord enfermée dans une cage intracellulaire appelée phagosome, qui l’empêche d’accéder à sa cible. Afin de la libérer, les chercheurs ont dû utiliser une astuce photochimique. Outre les billes, ils ont incubé les cellules avec des molécules photosensibles. Celles-ci s’incorporent à la membrane du phagosome, puis la déchirent lorsque les cellules sont éclairées. Les billes peuvent ainsi aller capturer et extraire avec précision toutes les molécules cibles du cytoplasme.

Les cellules sont ensuite passées à travers une puce microfluidique. Il s’agit ici d’un petit système conçu pour contrôler le flux de minuscules volumes de liquides à travers un réseau de petits canaux de 100 μm d’épaisseur, ancrés dans des lames de verre. Ceux de cette étude sont si fins que les cellules ne peuvent les traverser qu’une par une. En chemin, elles croisent un laser ultra concentré capable de les attraper en interagissant avec les billes qu’elles contiennent. Puis, les cellules captives sont ensuite lysées, afin que le piège ne renferme plus que les billes et les biomolécules recherchées, qui peuvent enfin être analysées.

Afin de démontrer la validité de leur concept, les scientifiques de l’EPFL ont passé au crible un grand nombre de types de cellules. Ils collaborent désormais avec le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) de Lausanne pour tester leur système sur des cellules cancéreuses issues de tumeurs réelles, qui montrent une variabilité importante en matière de profils de signalisation cellulaire. «Nous espérons que la caractérisation de ces variations va permettre d’améliorer les traitements de la maladie au cas par cas», explique Horst Vogel.

Source

Werner M, Palankar R, Arm L, Hovius R, Vogel H. Microfluidic Single-Cell Analysis with Affinity Beads.Small DOI: 10.1002/smll.201402650