Une puce place les électrons libres sur la bonne fréquence

La puce photonique montée sur un support personnalisé. Yang et al 2025

La puce photonique montée sur un support personnalisé. Yang et al 2025

Mise au point à l’EPFL, une méthode permet d’étalonner des spectromètres à électrons avec une précision extrême en associant les fréquences micro-ondes, optiques et à électrons libres.

En science, la fréquence est l’une des grandeurs les plus précisément mesurables. Grâce aux peignes de fréquences optiques, des outils qui produisent un ensemble de fréquences précises et équidistantes, comme les graduations d’une règle, les scientifiques peuvent associer les fréquences à travers le spectre électromagnétique, allant des micro-ondes à la lumière optique. Cela permet de progresser dans les domaines de la mesure du temps, la spectroscopie et la navigation.

La spectroscopie de perte d’énergie des électrons (EELS) est un outil performant servant à étudier la structure et les propriétés des matériaux au niveau atomique. Elle mesure comment les électrons perdent de l’énergie lorsqu’ils traversent un échantillon. Alors que l’EELS offre une excellente résolution spatiale, sa résolution spectrale, c’est-à-dire sa capacité à mesurer l’énergie avec précision, n’est pas aussi performante que les méthodes optiques.

Les méthodes d’étalonnage actuelles de l’EELS reposent sur les niveaux d’énergie atomique, qui limitent à la fois la précision et la portée. Pour les applications qui exigent une haute précision spectrale, telles que l’analyse nanométrique des matériaux ou la spectroscopie vibrationnelle, cela pose un défi.

Tobias J. Kippenberg, professeur au Laboratoire de photonique et de mesures quantiques, Thomas LaGrange, chercheur au Laboratoire de microscopie ultrarapide et de diffusion d'électrons (LUMES), et Fabrizio Carbone, directeur du LUMES, ont relevé le défi. Ils ont mis au point une nouvelle technique qui apporte la précision des peignes de fréquences optiques au domaine des électrons libres. Publiés dans la revue Nature Communications, leurs travaux montrent qu’il est possible d’associer les mesures de fréquences dans les domaines des micro-ondes, de l’optique et des électrons libres à l’aide d’une puce photonique intégrée à un microscope électronique à transmission.

Au cœur de la méthode se trouve une puce de micro-résonateur en nitrure de silicium (Si3N4), intégrée à un microscope électronique à transmission. Les chercheurs ont projeté un laser à ondes continues sur la puce. Ce laser a été bloqué à une fréquence spécifique en se servant d’un peigne de fréquences optiques comme «règle».

Lorsque les électrons libres passaient près de la puce, ils interagissaient avec le champ électromagnétique du laser, captant de minuscules quantités d’énergie par paliers quantifiés. Cette interaction a modifié le spectre électronique en une structure semblable à un peigne, où chaque pic correspondait à un multiple de l’énergie photonique du laser, qui a été définie avec précision à l’aide du peigne de fréquences.

20 fois plus précis que les méthodes conventionnelles

En analysant le spectre électronique en forme de peigne, l’équipe a pu étalonner le spectromètre à électrons avec une précision remarquable. Les scientifiques ont comparé différents étalonnages et ont découvert que leur méthode pouvait détecter les erreurs systématiques dans la dispersion nominale du spectromètre et les corriger avec une grande précision. Cette nouvelle approche d’étalonnage est 20 fois plus précise que les méthodes conventionnelles, et elle est restée stable sur plusieurs fréquences laser.

Ils ont également montré que le spectre électronique seul pouvait être utilisé pour calculer la fréquence optique du laser, ce qui permettait principalement aux électrons libres de mesurer la lumière.

Cette technique ouvre la voie à la spectroscopie électronique de très haute précision. Cela pourrait améliorer notre capacité à étudier les propriétés vibrationnelles et électroniques des matériaux, à analyser les liaisons chimiques ou même à explorer les effets quantiques à l’échelle nanométrique. Comme elle utilise des microscopes électroniques à transmission courants en mode ondes continues, cette méthode est applicable à grande échelle. À l’avenir, ces travaux pourraient aboutir à une nouvelle norme pour définir les changements d’énergie en spectroscopie électronique et même permettre des peignes de fréquences basés sur des électrons.

Autre contributeur

Centre pour les sciences et l’ingénierie quantiques de l’EPFL

Financement

Air Force Office of Scientific Research

Conseil européen de la recherche

ERC Horizon 2020

EPFL

Références

Yujia Yang, Paolo Cattaneo, Arslan S. Raja, Bruce Weaver, Rui Ning Wang, Alexey Sapozhnik, Fabrizio Carbone, Thomas LaGrange, Tobias J. Kippenberg. Unifying frequency metrology across microwave, optical, and free-electron domains. Nature Communications 24 septembre 2025. DOI: 10.1038/s41467-025-62808-5


Auteur: Nik Papageorgiou

Source: Sciences de Base | SB

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