Une puce photonique à très large bande amplifie les signaux optiques

Puce photonique en phosphure de gallium comportant de multiples guides d'ondes en spirale et d'autres structures de test. Crédit : Nikolai Kuznetsov (EPFL)

Puce photonique en phosphure de gallium comportant de multiples guides d'ondes en spirale et d'autres structures de test. Crédit : Nikolai Kuznetsov (EPFL)

Des scientifiques de l’EPFL et IBM Research ont mis au point amplificateur optique basé sur une puce photonique qui surpasse largement les amplificateurs optiques traditionnels en termes de bande passante et d’efficacité. Cette avancée pourrait redéfinir les interconnexions des centres de données, les accélérateurs d’IA et l’informatique haute performance.

Photo: Macrophotographie empilée au point d’une puce photonique fabriquée en phosphure de gallium comportant plusieurs guides d’ondes en spirale et d’autres structures d’essai. La largeur de la puce n’est que de 0,55 cm. En raison de la forte non-linéarité Kerr du phosphure de gallium, de l’indice de réfraction élevé et de l’absorption à deux photons négligeable, cette puce permet d’obtenir une amplification paramétrique optique et une conversion de fréquence extrêmement efficaces sur les bandes de communication S, C et L. Crédit: Nikolai Kuznetsov (EPFL).

Les réseaux de communication modernes reposent sur des signaux optiques pour le transfert de grandes quantités de données. Mais tout comme un signal radio faible, ces signaux optiques doivent être amplifiés pour parcourir de longues distances sans perdre d’informations. Les amplificateurs les plus courants, appelés amplificateurs à fibre dopée à l’erbium (EDFA), servent cet objectif depuis des dizaines d’années, permettant des distances de transmission plus longues sans avoir besoin de régénération fréquente du signal. Cependant, ils fonctionnent dans une bande passante spectrale limitée, ce qui restreint l’expansion des réseaux optiques.

Pour répondre à la demande croissante de transmission de données à haut débit, les scientifiques ont cherché des moyens de développer des amplificateurs plus puissants, plus flexibles et plus compacts. Mais même si les accélérateurs d’IA, les centres de données et les systèmes informatiques haute performance traitent des quantités de données toujours plus importantes, les limites des amplificateurs optiques actuels deviennent de plus en plus évidentes.

Le besoin d’une amplification à très large bande, c’est-à-dire d’amplificateurs fonctionnant sur une plus grande plage de longueurs d’ondes, est plus urgent que jamais. Les solutions existantes, telles que les amplificateurs Raman, offrent quelques améliorations, mais elles sont encore trop complexes et énergivores.

Aujourd’hui, des chercheuses et chercheurs sous la houlette de Tobias Kippenberg de l’EPFLet Paul Seidler à IBM Research Europe—Zurich, ont mis au point un amplificateur paramétrique à ondes progressives (TWPA) basé sur une puce photonique qui permet d’amplifier le signal à très large bande sous une forme compacte sans précédent. Utilisant la technologie du phosphure de gallium sur du dioxyde de silicium, le nouvel amplificateur atteint un gain net de plus de 10 dB sur une bande passante d’environ 140 nm, soit trois fois plus large qu’un EDFA conventionnel en bande C.

La plupart des amplificateurs s’appuient sur des éléments de terres rares pour renforcer les signaux. Le nouvel amplificateur utilise plutôt la non-linéarité optique, une propriété où la lumière interagit avec un matériau pour s’amplifier. En concevant soigneusement un minuscule guide d’ondes en spirale, les chercheuses et chercheurs ont créé un espace où les ondes lumineuses se renforcent mutuellement, amplifiant les signaux faibles tout en limitant le bruit. Non seulement cette méthode rend l’amplificateur plus efficace, mais elle lui permet également de travailler sur une plage beaucoup plus vaste de longueurs d’ondes, le tout dans un dispositif compact de la taille d’une puce.

L’équipe a choisi le phosphure de gallium en raison de ses propriétés optiques exceptionnelles. Premièrement, il présente une forte non-linéarité optique, ce qui signifie que les ondes lumineuses qui le traversent peuvent interagir de manière à augmenter la puissance du signal. Deuxièmement, il a un indice de réfraction élevé, ce qui permet à la lumière d’être étroitement confinée dans le guide d’ondes et ainsi d’avoir une amplification plus efficace. En utilisant du phosphure de gallium, les scientifiques ont obtenu un gain élevé avec un guide d'ondes de seulement quelques centimètres de longueur, ce qui a considérablement réduit l’empreinte de l’amplificateur et le rend pratique pour les systèmes de communication optique de nouvelle génération.

Les chercheuses et chercheurs ont démontré que leur amplificateur à puce pouvait atteindre 35 dB de gain tout en maintenant le bruit faible. De plus, des signaux remarquablement faibles ont pu être amplifiés, l’amplificateur étant capable de gérer des puissances d’entrée couvrant six ordres de grandeur. Ces caractéristiques rendent le nouvel amplificateur hautement adaptable à une variété d’applications au-delà des télécommunications, telles que la détection de précision.

L’amplificateur a également amélioré les performances des peignes de fréquences optiques et des signaux de communication cohérents, deux technologies clés dans les réseaux optiques et la photonique modernes, montrant que de tels circuits intégrés photoniques peuvent surpasser les systèmes d’amplification traditionnels basés sur la fibre.

Le nouvel amplificateur a des implications considérables pour l’avenir des centres de données, des processeurs IA et des systèmes informatiques haute performance, qui peuvent tous bénéficier d’un transfert de données plus rapide et plus efficace. Les applications s’étendent au-delà de la transmission de données, à la détection optique, à la métrologie et même aux systèmes LiDAR utilisés dans les véhicules autonomes.

Autres contributeurs

  • Centre pour les sciences et l’ingénierie quantiques de l’EPFL
  • IBM Research Europe - Zurich
Financement

Programme de recherche Horizon 2020 de l’Union européenne (MICROCOMB)

Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS)

Air Force Office of Scientific Research

Références

Kuznetsov, N., Nardi, A., Riemensberger, J., Davydova, A., Churaev, M., Seidler, P., Kippenberg, T. J. An ultra-broadband photonic-chip-based traveling-wave parametric amplifier. Nature 12 mars 2025. DOI: 10.1038/s41586-025-08666-z


Auteur: Nik Papageorgiou

Source: Institut d’électricité et microtechnique

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