Une planification adéquate peut réduire les ilots de chaleur urbains
Dans sa thèse, Martí Bosch, chercheur à l’EPFL, propose un outil pour quantifier spatialement les effets des mesures d’atténuation – espaces verts et choix des matériaux - sur les ilots de chaleur urbains.
C’est bien connu quand il fait chaud, il fait encore plus chaud en ville. En particulier la nuit quand le béton et le bitume restituent la chaleur accumulée durant le jour. Se crée ce que l’on appelle des ilots de chaleur. La nuit, au centre de Lausanne par exemple, il peut faire jusqu’à 8 degrés de plus que dans la périphérie de l’agglomération. La solution consiste à végétaliser là où c’est encore possible, et à long terme, à prendre en compte ce facteur dans la planification du développement urbain. La thèse de Martí Bosch, docteur au sein de la Faculté ENAC de l’EPFL, a pour objectif de mesurer les impacts environnementaux de l’étalement urbain. Dans ce cadre, l’ingénieur en environnement propose un outil qui permet de quantifier spatialement les effets des mesures de mitigation sur les ilots de chaleur urbains.
« La plupart des études sur les ilots de chaleur ont été faites à l’échelle de très petits quartiers, car les simulations sont assez lourdes. Notre modèle est plus simple, mais il permet de travailler à l’échelle de toute une agglomération. C’est ainsi que l’on parvient le mieux à identifier et à mesurer les ilots de chaleur », explique Martí Bosch qui a réalisé sa thèse à la Communauté d’étude pour l’aménagement du territoire (CEAT), dirigée par Jérôme Chenal.
Première application réelle
Les chercheurs ont d’abord recensé les données disponibles à commencer par les courbes de température des onze stations de l’agglomération lausannoise. Les variations nocturnes du mercure entre le centre et les limites de l’agglomération étaient attendues. En revanche, les chercheurs ont été surpris par le fait que l’altitude – Lausanne subit un dénivelé de près 400 mètres – ne joue quasi aucun rôle. « C’est vraiment la végétation qui fait la différence », insiste le chercheur. Ce qui est une bonne nouvelle, car il est plus facile de planter des arbres que de déplacer une ville. A noter toutefois que le potentiel effet climatisant du lac n’a pas été pris en compte.
Martí Bosch s’est ensuite basé sur un modèle développé par le Natural Capital Project à l’Université de Stanford, mais qui n’avait encore jamais été appliqué. En collaboration avec les concepteurs du programme, il a montré comment l’appliquer dans une ville, en l’occurrence Lausanne, afin de simuler les effets des mesures de mitigation des ilots de chaleur. Trois mécanismes biophysiques principaux sont à disposition, à savoir l’ombre, l’évapotranspiration et l’albédo (le pouvoir réfléchissant d’une surface).
« Il y a certes des simplifications dans cette thèse qui posent des limites méthodologiques, admet le chercheur. Mais l’intérêt est surtout d’avoir un outil de planification urbaine qui permet d’évaluer les plans d’urbanisation et leurs effets sur les ilots de chaleur et les possibilités de les atténuer ».
Miter ou densifier ?
Parallèlement, dans sa thèse Martí Bosch a aussi quantifié le changement de l’utilisation des sols en lien avec l’urbanisation à Berne, Zurich et Lausanne entre 1980 et 2016. A Zurich, la deuxième couronne présente une densité proche de l’hyper centre, tandis que celles de Berne et Lausanne, sont encore peu denses. Vers quoi tendront Berne et Lausanne à l’avenir ? « Le modèle permet d’évaluer de futurs développements– mitage de la deuxième couronne ou densification de la première – et leurs conséquences en matière d’ilots de chaleur », résume le chercheur. Finalement, c’est l’éternel arbitrage qui attend les planificateurs entre le danger d’exposer davantage de personnes à la chaleur excessive dans les centres-ville et celui de sacrifier des terres arables. Le travail du doctorant fournit un outil supplémentaire d’aide à la décision.