Une nouvelle technologie quantique réunit électrons et photons libres

Représentation artistique de la génération d'états de paires électron-photon. - © Ryan Allen / Second Bay Studios
Des scientifiques suisses et allemands ont démontré la génération d'états de paires électron-photon de manière contrôlée pour la première fois, en utilisant des circuits photoniques intégrés sur une puce. Grâce à une nouvelle technique, ils ont réussi à détecter avec précision les deux espèces de particules. Cette expérience promet une microscopie électronique à amélioration quantique et fait entrer les électrons libres dans la boîte à outils des technologies quantiques.
Des ordinateurs plus rapides, une communication sans faille, des capteurs au-delà de la limite quantique standard - les technologies quantiques ont le potentiel de révolutionner nos vies, tout comme l'a fait l'invention des ordinateurs ou de l'internet. Des experts du monde entier tentent de mettre en œuvre les résultats de la recherche fondamentale dans les technologies quantiques.
C'est pourquoi ils ont parfois besoin de particules individuelles, comme les photons - les particules élémentaires de la lumière, dotées de propriétés particulières. Cependant, l'obtention de particules individuelles est compliquée et nécessite des méthodes complexes. Diverses applications utilisent déjà des électrons libres pour générer de la lumière, comme c'est le cas dans les tubes à rayons X.
Une nouvelle étude, récemment publiée dans la revue Science, démontre pour la première fois une nouvelle méthode pour générer des paires électrons libres/cavité-photons en utilisant des circuits intégrés photoniques basés sur des puces dans un microscope électronique. L'étude est le fruit d'une collaboration entre les groupes de Claus Ropers, de l'Institut Max Planck (MPI) de Göttingen pour les sciences multidisciplinaires et de l'Université de Göttingen, et de Tobias Kippenberg de l'EPFL, l'École polytechnique fédérale de Lausanne.
Physique fondamentale des particules dans les microscopes électroniques
Dans l'expérience, le faisceau d'un microscope électronique traverse une puce photonique intégrée, composée d'un résonateur en micro-anneau et de ports de sortie en fibre optique. Cette nouvelle approche, utilisant des structures photoniques fabriquées à l'EPFL (Lausanne) pour des expériences TEM réalisées au MPI-NAT (Göttingen), a été établie dans une étude récente. Lorsqu'un électron interagit avec le champ évanescent du vide du résonateur en anneau, le système évolue vers un état de paire électron-photon, une superposition entre les cas d'un photon généré et d'aucun photon généré. Conformément aux lois de conservation de l'énergie et de la quantité de mouvement, dans le cas où un photon est généré, l'électron perd le quantum d'énergie d'un seul photon. Grâce à une nouvelle méthode de mesure, l'énergie de l'électron et les photons générés sont détectés simultanément, révélant ainsi les états sous-jacents de la paire électron-photon.
La technologie quantique du futur avec des électrons libres
Outre l'observation de ce processus pour la première fois au niveau de la particule unique, ces résultats mettent en œuvre un nouveau concept de génération de photons ou d'électrons uniques. Plus précisément, la mesure de l'état de la paire permet de créer des sources de particules annonciatrices, où la détection d'une particule signale la génération de l'autre. Ce concept est nécessaire pour de nombreuses applications de la technologie quantique et vient s'ajouter à sa panoplie croissante d'outils.
"Cette méthode ouvre de nouvelles possibilités fascinantes en microscopie électronique. Dans le domaine de l'optique quantique, les paires de photons intriqués améliorent déjà l'imagerie. Grâce à nos travaux, ces concepts peuvent désormais être explorés avec des électrons", explique Claus Ropers, directeur de Max Planck.
Dans la première expérience de preuve de principe, les chercheurs utilisent les paires électron-photon corrélées générées pour l'imagerie en mode photonique, obtenant une amélioration du contraste de trois ordres de grandeur. Le Dr Yujia Yang, postdoc à l'EPFL et co-auteur principal de l'étude, ajoute : "Nous pensons que notre travail a un impact substantiel sur le développement futur de la microscopie électronique en exploitant la puissance de la technologie quantique."
Un défi particulier pour la future technologie quantique est de savoir comment interfacer différents systèmes physiques. "Pour la première fois, nous faisons entrer les électrons libres dans la boîte à outils de la science de l'information quantique. Plus largement, le couplage des électrons libres et de la lumière à l'aide de la photonique intégrée pourrait ouvrir la voie à une nouvelle classe de technologies quantiques hybrides", explique Tobias Kippenberg, professeur à l'EPFL.
Les travaux issus de la collaboration entre les deux équipes de l'EPFL et du MPI-NAT contribuent au domaine actuellement émergent de l'optique quantique à électrons libres, et démontrent une puissante plateforme expérimentale pour la spectroscopie et l'imagerie électronique basée sur des événements et déclenchée par des photons. "Notre travail représente une étape critique dans l'utilisation des concepts de l'optique quantique en microscopie électronique. Nous prévoyons d'explorer davantage les orientations futures, comme les états photoniques exotiques annoncés par les électrons et la réduction du bruit en microscopie électronique", déclare Guanhao Huang, doctorant à l'EPFL et co-auteur principal de l'étude.