Une nouvelle dimension pour la culture de cellules

© 2012 Alain Herzog

© 2012 Alain Herzog

Le système développé par QGel permet de nouveaux tests pour des médicaments anticancéreux et des expériences inédites en génie tissulaire et en médecine régénérative.


Les cellules souches et cancéreuses, notamment, peuvent désormais être cultivées en trois dimensions pour servir à différentes expériences. La matrice commercialisée par la start-up QGel, basée au Parc scientifique d’Ecublens, offre un environnement similaire à celui d’un organisme vivant et adaptable selon les besoins. L’entreprise a reçu jeudi le Prix de Vigier, doté de 100'000 francs.

La matière de base ressemble à un gel. C’est en fait un polymère biocompatible et dégradable dans lequel peuvent être mis différentes composantes bioactives comme du collagène ou un facteur de croissance. Produit dans le jura Suisse, il se présente sous la forme d’un petit flacon de gel déshydraté auquel doit être ajouté de l’eau. On peut ainsi reproduire approcher la matrice extracellulaire dans laquelle vivent les cellules dans les organismes vivant. Contrairement à la boîte de pétri traditionnelle où les cellules forment une simple couche, des études ont montré qu’avec cette substance, elles grandissent et s’associent comme elles le font dans leur milieu naturel.

Exclure rapidement davantage de molécules
Cultiver des cellules cancéreuses dans un tel environnement permet de faire des études de médicaments potentiels dans des conditions proches du in vivo. Par exemple, on sait que lorsque la tumeur grandit, l’oxygène se raréfie en son sein. La matrice développée par la start-up permet de reproduire ce phénomène, et d’autres, qui font varier l’efficacité de la substance active. La longévité accrue des cellules cultivées in vitro dans le gel permet aussi de rajouter le médicament testé à différents intervalles, pour étudier l’impact du moment de l’administration. Cela permet d’exclure davantage de molécules dès les premières phases de test.


C’est la matrice extracellulaire qui confère aux tissus certaines propriétés. Le secret du bien-être des cellules passe donc par un environnement sur mesure. Des facteurs de croissance, des protéines, des peptides ou autres peuvent être ajoutés dans le gel. Dans le cas des cellules souches par exemple, il est possible d’y mettre des molécules qui indiquent aux cellules quel tissu, nerf ou vaisseau elles doivent former et dans quelle direction elles doivent croître.
«La recherche en médecine régénérative, le génie tissulaire ainsi que le développement de nouveaux médicaments devraient gagner en rapidité et en fiabilité», explique Matthias Lütolf, professeur de bioingénierie des cellules souches et cofondateur de la start-up avec Colin Sanctuary, CEO. D’autant que le robot permettant de faire des tests rapides et à grande échelle a été adapté pour l’utilisation de ce gel. L’industrie cosmétique se montrerait également intéressée pour tester la toxicité de certaines substances - d’autant qu’en Europe les tests in vivo seront interdits dès 2013.

Prochain objectif, créer son laboratoire
Le produit commercialisé par QGel est issu d’un travail de longue halène piloté par Jeff Hubbell, actuellement professeur au Laboratoire de médecine régénératrice et de biopharmacologie de l’EPFL, auquel sont associées aussi des recherches effectuées à Stanford, l’ETHZ, l’Université de Zurich et au California Institute of Technologie. «D’autres groupes de recherche développent des systèmes permettant de faire de la culture de cellules en trois dimensions, mais aucun n’est à la fois aussi stable, utilisable par les robots de tests pharmaceutiques, peu onéreux, reproductible à l’identique et modulable», souligne Matthias Lütolf. Déjà utilisé par de nombreux instituts de recherche, le prochain objectif de la start-up est de rassembler 2 millions de francs pour créer son propre laboratoire, afin de générer elle-même les gels sur mesure et les revendre aux groupes pharmaceutiques.