Une méthode d'impression 3D pour des matériaux ultrarésistants

Cross-section of a Coupe transversale d’un hydrogel infusé de cuivre. ALCHEMY EPFL CC BY SA-infused hydrogel. ALCHEMY EPFL CC BY SA
Des scientifiques de l’EPFL ont mis au point une méthode d’impression 3D qui permet de faire croître des métaux et des céramiques dans un gel à base d’eau. Il en résulte des structures très denses, mais aussi extrêmement complexes.
La photopolymérisation en cuve est une technique d’impression 3D dans laquelle une résine photosensible est versée dans une cuve, puis durcie sélectivement pour obtenir la forme souhaitée à l’aide d’un laser ou d’une lumière ultraviolette. Mais le plus souvent ce procédé n’est utilisé qu’avec des polymères photosensibles, ce qui limite sa gamme d’applications utiles.
Certaines méthodes d’impression 3D ont été développées pour convertir ces polymères imprimés en métaux et en céramiques plus résistants. Mais, selon Daryl Yee, responsable du Laboratoire de chimie des matériaux et de la fabrication de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPFL, les matériaux fabriqués avec ces techniques pâtissent de graves revers structurels. «Ils ont tendance à être poreux, ce qui réduit considérablement leur résistance, et les pièces subissent un rétrécissement excessif, ce qui provoque une déformation», indique-t-il.

Avec son équipe, le professeur vient de publier un article dans Advanced Materials qui décrit une solution unique à ce problème. Plutôt que d’utiliser la lumière pour durcir une résine préinfusée avec des précurseurs métalliques, comme le faisaient les méthodes précédentes, l’équipe de l’EPFL crée d’abord une structure 3D à partir d’un simple gel à base d’eau appelé hydrogel. Ensuite, elle infuse cet hydrogel «vierge» avec des sels métalliques, avant de les transformer chimiquement en nanoparticules métalliques qui imprègnent la structure. Ce procédé peut ensuite être répété pour obtenir des composites à très forte concentration métallique.
Après 5 à 10 «cycles de croissance», une dernière étape de chauffage brûle l’hydrogel restant, révélant le produit fini: un objet métallique ou céramique ayant la forme du polymère brut d’origine, d’une densité et d’une résistance sans précédent. Comme les hydrogels ne sont infusés avec les sels métalliques qu’après fabrication, la technique permet de transformer un seul hydrogel en plusieurs composites, céramiques ou métaux différents.
«Nos travaux permettent non seulement de fabriquer des métaux et des céramiques de haute qualité à l’aide d’un processus d’impression 3D accessible et économique, mais aussi de mettre en lumière un nouveau paradigme dans la fabrication additive où la sélection des matériaux se fait après l’impression 3D plutôt qu’avant», résume Daryl Yee.
Cibler des architectures 3D avancées
Pour son étude, l’équipe a fabriqué des formes mathématiques complexes appelées gyroïdes à partir de fer, d’argent et de cuivre, démontrant la capacité de leur technique à produire des structures solides, mais complexes. Afin de tester la résistance de ses matériaux, elle a utilisé un appareil appelé machine d’essai universelle pour exercer une pression croissante sur les gyroïdes.
«Nos matériaux pouvaient résister à une pression 20 fois plus élevée que ceux fabriqués avec les méthodes précédentes, tout en présentant un rétrécissement de seulement 20% contre 60 à 90%», précise Yiming Ji, doctorant et premier auteur.
Nos travaux mettent en lumière un nouveau paradigme dans la fabrication additive où la sélection des matériaux se fait après l’impression 3D plutôt qu’avant
La technique est particulièrement intéressante pour la fabrication d’architectures 3D avancées qui doivent être à la fois solides, légères et complexes, comme les capteurs, les dispositifs biomédicaux ou les dispositifs de conversion et de stockage d’énergie. Par exemple, les catalyseurs métalliques sont essentiels pour permettre des réactions qui convertissent l’énergie chimique en électricité. D’autres applications pourraient inclure les métaux à surface élevée ayant des propriétés de refroidissement avancées pour les technologies énergétiques.
L’équipe va maintenant travailler à améliorer son procédé pour faciliter son adoption par l’industrie, notamment en augmentant encore la densité de ses matériaux. Un autre objectif est la rapidité: les étapes d’infusion répétées, bien qu’elles soient essentielles pour fabriquer des matériaux plus résistants, rendent la méthode plus chronophage que les autres techniques d’impression 3D pour convertir des polymères en métaux. «Nous travaillons déjà à réduire le temps de traitement total en utilisant un robot pour automatiser ces étapes», précise Daryl Yee.
Y. Ji, Y. Hong, D. R. Bhandari et D. W. Yee, «Hydrogel-Based Vat Photopolymerization of Ceramics and Metals with Low Shrinkages via Repeated Infusion Precipitation». Adv. Mater. (2025): e04951. https://doi.org/10.1002/adma.202504951