Une lumière sur la supraconductivité

© 2013 Alain Herzog/EPFL

© 2013 Alain Herzog/EPFL

Des scientifiques de l’EPFL ont utilisé une technique novatrice de spectroscopie afin de comprendre comment la supraconductivité naît au sein d’un métal.

La supraconductivité définit l’aptitude qu’ont certains matériaux de transporter l’électricité sans aucune résistance. Jusqu’ici, ce phénomène a uniquement pu être observé à des températures extrêmement basses, et nombreux sont les chercheurs qui tentent de découvrir un matériau capable de devenir supraconducteur à température ambiante. Les obstacles sont toutefois nombreux, entre autres parce que le fonctionnement particulaire des supraconducteurs usuels reste un mystère. Or, un article de Nature Communications raconte comment des scientifiques de l’EPFL ont eu recours à une technique unique de spectroscopie pour décrypter le comportement non conventionnel des électrons d’un métal, comportement qui détient peut-être la clé de ses qualités de supraconducteur.

Quasi-particules et liquides de Fermi

Lorsqu’un courant électrique traverse un matériau, les électrons en mouvement sont retenus par ses particules et par leur interaction les uns avec les autres. Résultat, ils « ralentissent » et perdent de l’énergie, un phénomène appelé résistance électrique. Chez les physiciens, cet éventail d’interactions complexes porte le nom de quasi-particule, concept inventé par leur pair Lev Landau (1908–1968).

Une quasi-particule n’est pas une vraie particule. C’est plutôt un pack virtuel qui englobe un électron et ses interactions avec ses semblables. De charge et de spin identiques à un électron, sa quantité de mouvement et son énergie sont toutefois renormalisées en fonction des interactions entre électrons.

Le concept de quasi-particule permet de décrire de quelle manière les particules chargées négativement interagissent à l’intérieur d’un métal. Quand celui-ci est porté à basse température (p.ex. pour atteindre la supraconductivité), le processus entier d’électrons en interaction peut être décrit via un modèle théorique appelé liquide de Fermi, baptisé ainsi d’après Enrico Fermi (1901–1954), un autre physicien célèbre. Cet état décrit en substance une situation où les électrons à l’intérieur d’un métal à basse température interagissent faiblement. Cependant, si cette interaction augmente, le liquide de Fermi se mue en un état non-liquide de Fermi. Un tel comportement non conventionnel pourrait se cacher derrière la nature elle aussi exceptionnelle de la supraconductivité.

Isoler et mesurer les électrons

Une équipe de chercheurs de l’EPFL constituée de Johan Chang, Martin Månsson et Joël Mesot a utilisé une technique moderne de spectroscopie afin de définir comment chaque électron se comporte dans un supraconducteur. Cette méthode, appelée ARPES, consiste principalement à éclairer la surface d’un métal à basse température (15K), avec pour résultat de lui fait absorber de l’énergie et émettre des quasi-particules. Grâce à l’ARPES, les scientifiques ont été capables de mesurer la quantité de mouvement ainsi que l’énergie de chaque quasi-particule émise.

Cette étude a montré que le métal est certes passé d’un modèle liquide de Fermi à un état non-liquide de Fermi, mais de façon progressive. S’il était attendu que ce changement se produise de façon instantanée, les données recueillies ont prouvé que les quasi-particules avec une direction spécifique de quantité de mouvement affichaient un comportement de type liquide de Fermi, tandis que des quasi-particules non-liquide de Fermi ont été observées le long d’autres directions.

Cette recherche a ainsi porté un éclairage fondamental sur l’état métallique non conventionnel des supraconducteurs et les interactions entre électrons, qui constituent la base de la supraconductivité. Grâce à une meilleure compréhension de ce phénomène, il pourrait bientôt être possible de désigner des candidats pour des supraconducteurs haute température aussi performants que novateurs.

Cette étude est née d’une collaboration entre l’EPFL, l’Institut Paul Scherrer, le Kungliga Tekniska Högskolan, l’Université de Lyon, l' Université de Bristol et ETH Zürich.

Référence

J. Chang, M. Månsson, S. Pailhès, T. Claesson, O. J. Lipscombe, S. M. Hayden, L. Patthey, O. Tjernberg & J. Mesot. 2013 Anisotropic breakdown of Fermi liquid quasiparticle excitations in overdoped La2−xSrxCuO4. Nature Communications 4, Article number: 2559.