Une infection aide à mieux comprendre les ganglions lymphatiques

Le nématode Heligmosomoides Polygyrus, utilisé comme modèle parasite gastro-intestinal pour comprendre le mécanisme derrière la lymphangiogenèse des ganglions lymphatiques © Lalit Kumar Dubey / EPFL

Le nématode Heligmosomoides Polygyrus, utilisé comme modèle parasite gastro-intestinal pour comprendre le mécanisme derrière la lymphangiogenèse des ganglions lymphatiques © Lalit Kumar Dubey / EPFL

En étudiant une infection par des vers, des scientifiques de l'EPFL ont découvert comment les vaisseaux lymphatiques croissent à l'intérieur des ganglions lymphatiques, avec des implications majeures pour le cancer et les inflammations.

Les ganglions lymphatiques sont de petits organes en forme de rein que l'on trouve dans l'ensemble de l'organisme. Remplis de cellules immunitaires, ils ont pour fonction d'éliminer les corps étrangers et soutiennent le système immunitaire. Les ganglions lymphatiques communiquent avec les tissus et entre eux par les vaisseaux lymphatiques, qui transportent les fluides et les objets des tissus vers le système sanguin, et inversement. Normalement, les vaisseaux lymphatiques croissent au stade embryonnaire. Ils poussent toutefois aussi chez les adultes, lors de cicatrisations, en cas de cancer ou d'inflammations. Mais le mécanisme exact de la «lymphangiogenèse» demeure inconnu. Des scientifiques de l'EPFL viennent d'identifier les molécules qui signalent la croissance de vaisseaux lymphatiques au cours d'infections par des vers. Ce travail est publié dans Nature Communications.

Les vaisseaux lymphatiques drainent les pathogènes des tissus vers les ganglions lymphatiques récepteurs, où la réponse immunitaire commence. Ils permettent également à des lymphocytes et à des cellules dendritiques – qui signalent le matériel pathogène pour déclencher le système immunitaire – de s'écouler dans et hors des ganglions lymphatiques. Pour cette raison, la lymphangiogenèse est importante dans la réponse immunitaire contre les infections.

Mais des études récentes ont montré que la lymphangiogenèse peut aussi réguler les réponses immunitaires pendant l'inflammation. Ce lien entre l'inflammation et la lymphangiogenèse est essentiel pour notre compréhension de la réponse immunitaire adaptative, plus lente mais plus spécialisée, et qui implique des cellules T et B.

Le laboratoire de Nicola Harris à l'EPFL a étudié le ganglion lymphatique mésentérique, qui recueille des fluides et des corps dans l'intestin de la souris. La recherche, conduite par Lalit Kumar Dubey, fait suite à un article de 2016 du groupe, qui montrait comment une infection par des vers incitait les lymphocytes B à «parler» aux cellules endothéliales du ganglion lymphatique mésentérique et à déclencher une réponse immunitaire.

Dans la présente étude, les chercheurs se sont servis d'une imagerie immunofluorescente de tissus entiers pour générer une image de la manière dont les cellules interagissent entre elles lorsque le ganglion lymphatique mésentérique est infecté par le ver Heligmosomoides polygyrus bakeri (Hpb) - un outil standard dans le domaine. Ensuite, ils ont déterminé la nature moléculaire et les conséquences de ces interactions.

L'imagerie a montré que l'infection par Hpb suscite une lymphangiogenèse de grande envergure dans les ganglions lymphatiques mésentériques de la souris. Cela s'accompagne également d'un afflux de cellules dendritiques, qui signale le début d'une réponse immunitaire.

«Nous avons découvert une communication multidirectionnelle entre les lymphocytes B, les fibroblastes et les cellules lymphatiques endothéliales à l'intérieur des ganglions lymphatiques», dit Nicola Harris. «Cette communications à trois voies déclenche la lymphangiogenèse à la suite d'une infection intestinale par le ver Hpb.»

Plus important encore, les scientifiques ont également identifié les véritables molécules biologiques impliquées dans le processus. Elles comprennent des protéines sécrétées ou liées à la cellule, que les cellules des trois types utilisent pour communiquer entre elles.

Plus spécifiquement, la lymphangiogenèse était provoquée par une interaction complexe entre des cytokines inflammatoires, des cellules réticulaires fibroblastiques, et des lymphocytes B dans le ganglion lymphatique. Le résultat final est la libération d'une protéine nommée facteur d'activation des lymphocytes B, qui à son tour stimule la production du facteur de croissance vasculaire endothélial (VEGF) à partir des lymphocytes B. Celui-ci suscite la prolifération de cellules endothéliales pour la formation d'une nouvelle vascularisation lymphatique.

L'étude démontre une dimension innovante et précédemment inconnue de la lymphangiogenèse, impliquant une communication entre les cellules du ganglion lymphatique mésentérique. Ces découvertes peuvent contribuer à nos connaissances et peut-être déboucher sur des traitements futurs pour les maladies immunitaires et peut-être même certaines formes de cancer.

Contributeurs

  • Université de Lausanne
  • Kantonsspital St-Gallen
  • Animalerie de l'EPFL
  • Plate-forme d'histologie de l'EPFL
  • Plate-forme de bio-imagerie de l'EPFL
  • Plate-forme de cytométrie de l'EPFL

Financement

  • Prix Leenards pour la recherche médicale translationnelle (Fondation Leenhards).

Référence

Lalit Kumar Dubey, Praneeth Karempudi, Sanjiv A. Luther, Burkhard Ludewig, Nicola L. Harris. Interactions between fibroblastic reticular cells and B cells promote mesenteric lymph node lymphangiogenesis following helminth infection. Nature Communications 28 August 2017. DOI: 10.1038/s41467-017-00504-9