Une formule magique pour prédire les cassures dans les aciers

© 2012 EPFL

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Les chercheurs de l'EPFL ont élucidé un mystère vieux de cent ans : ils ont compris la façon dont l'hydrogène détruit les aciers. Un nouveau modèle mathématique permet à présent de prédire les cassures dues à la présence de ces atomes destructeurs.

Véritable gangrène pour les aciers et autres métaux de structure, l'hydrogène est l'une des causes les plus importantes de rupture de pièces industrielles, tels que les pipelines. Au moindre défaut dans un matériau, ces atomes s'introduisent dans la craquelure, et fragilisent la structure de manière dramatique, la rendant cassante. En particulier lorsqu'une charge est exercée. Il suffit que le matériau soit en contact avec des substances agressives ou placé dans un environnement aqueux pour que l’hydrogène devienne dangereux. Ce phénomène de fragilisation est connu depuis une bonne centaine d'années, mais le processus physique est resté un mystère jusqu'ici, empêchant les scientifiques de prédire l'apparition de détériorations de ce type. Bill Curtin, du Laboratoire de modélisation mécanique multi-échelle à l'EPFL et son collaborateur Jun Song de l'Université McGill, ont empoigné le problème. Ils ont mis au point un modèle mathématique permettant de comprendre le comportement des atomes d'hydrogène dans des aciers à base de fer, mais aussi de prédire l'avènement d'une cassure. Une révolution dans le monde des matériaux, qui fait l'objet d'un article dans Nature materials.

L'hydrogène attiré par les fractures
Pour établir leur équation, les chercheurs ont étudié le comportement du fer à l'échelle atomique. Ils ont prouvé que la raison de la fragilisation des matériaux par l'hydrogène était due au fait que les molécules d'hydrogène ont tendance à s'agglomérer à la pointe d'une lésion. « En l'absence d'hydrogène, des dislocations se forment autour d’une fissure, l'empêchant de croître et permettant ainsi de répartir la tension dans le matériau et de le rendre plus résiliant et résistant, explique Bill Curtin. Or en se groupant autour d'une fissure, les molécules d'hydrogène empêchent la création de ces dislocations. En conséquence, la partie abîmée s'étend en une seule et large cassure, et le matériau devient extrêmement délicat».

Un modèle mathématique qui prédit les cassures
Grâce à leurs simulations, les scientifiques sont parvenus à établir un modèle mathématique complexe, qui permet de calculer le moment où un matériau en contact avec de l'hydrogène deviendra cassant. Plusieurs facteurs sont pris en compte, tels que la concentration d'hydrogène dans le milieu, la vitesse à laquelle les molécules d'hydrogènes se déplacent vers la cassure, selon le type d'acier en jeu, et la charge exercée sur la structure.
La combinaison de ces paramètres a permis aux chercheurs d’établir une tabelle prédisant le point de rupture pour de nombreux aciers. « Nos prédictions ont coïncidé avec nos expériences dans 9 cas sur 10, se réjouit Bill Curtin. Et le 10e cas était un cas situé à la limite».

Ces connaissances devraient permettre aux scientifiques d'aborder le problème avec de nouvelles armes. Il deviendra dès lors plus facile d'identifier les situations à risque, et de construire des matériaux plus résistants face à ce type de détérioration.

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Comment l'hydrogène entre-t-il en contact avec un matériau ?

• Lors d'opération de soudage dans des conditions humides (présence de H2o)
• Lorsque les aciers sont utilisés en présence d'hydrogène ou de mélanges gazeux hydrogénés (les hydrocarbures dans les pipelines, par ex.)
• L'hydrogène peut provenir de la corrosion due à un environnement aqueux, par exemple.

Plus d'informations: Atomic mechanism and prediction of hydrogen embrittlement in iron


Auteur: Laure-Anne Pessina

Source: EPFL