Une fibre électronique pour une détection extensible

La genouillère intelligente du laboratoire FIMAP. 2025 EPFL/Hugo Masson CC BY SA

La genouillère intelligente du laboratoire FIMAP. 2025 EPFL/Hugo Masson CC BY SA

Des scientifiques de l’EPFL ont mis au point un capteur électronique à base de fibres qui reste fonctionnel même lorsqu’il est étiré à plus de 10 fois sa longueur initiale. Ce dispositif est prometteur pour les textiles intelligents, les appareils de rééducation fonctionnelle et la robotique souple.

L’expression «métal liquide» peut évoquer quelque chose de dangereux, comme le mercure ou l’acier fondu. Mais au Laboratoire des fibres et matériaux photoniques (FIMAP) de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPFL, il s’agit simplement d’un mélange d’indium et de gallium non toxique, qui reste liquide à température ambiante et qui est très prometteur pour le développement de fibres électroniques destinées aux dispositifs portables et aux capteurs robotiques.

Malheureusement, comme l’explique Fabien Sorin, responsable du FIMAP, il est extrêmement difficile de traiter les métaux liquides et de produire des fibres électroniques qui allient une conductivité élevée et stable à l’extensibilité. Mais le laboratoire a relevé ce défi en utilisant une technique appelée étirage thermique, qui est traditionnellement utilisée pour concevoir des fibres optiques.

«Nous avons intégré l’étirage thermique dans un processus très simplifié de production de capteurs à fibres aux propriétés électroniques adaptées avec précision, ce qui en fait des candidats prometteurs pour les textiles intelligents destinés à des applications de sport et de surveillance de la santé», indique Fabien Sorin.

L’équipe a utilisé cette technique, récemment publiée dans Nature Electronics, pour créer une genouillère intelligente capable de surveiller les mouvements de l’utilisatrice ou de l’utilisateur et le fonctionnement des articulations pendant l’activité.

Simple, sensible, extensible

Le processus d’étirage thermique commence par la création d’une version macroscopique de la fibre électronique appelée préforme, qui contient des composants métalliques liquides soigneusement disposés selon un motif 3D. La préforme est ensuite chauffée et étirée, comme du plastique fondu, pour fabriquer des fibres de quelques centaines de microns à millimètres de diamètre qui conservent le même motif 3D.

Schématique du processus d'étirage thermique. 2025 EPFL/FIMAP CC BY SA

Stella Laperrousaz, doctorante et principale autrice, explique que ce motif est l’une des clés de l’innovation de l’équipe, car il permet de contrôler quelles zones d’une fibre sont actives (électroconductrices) ou inactives (isolantes).

«Lorsque le métal liquide est mélangé à une matrice élastomère souple, il forme de nombreuses petites gouttelettes. Le processus de chauffage et d’étirage de la préforme casse ces gouttelettes et active le métal liquide. Cela signifie que nous pouvons régler avec précision la fonctionnalité d’une seule fibre en contrôlant quelles zones deviennent actives sous l’effet de la contrainte de cisaillement provoquée par le processus d’étirage de préforme.»

Les tests ont montré que les fibres de l’équipe restaient très sensibles même lorsqu’elles étaient étirées à plus de 10 fois leur longueur initiale, ce qui conférait à la technique un avantage significatif par rapport à d’autres méthodes qui peinent à équilibrer performances électriques, extensibilité et facilité de traitement.

Une genouillère intelligente

Pour valider le principe, les scientifiques ont intégré leurs fibres électroniques dans une genouillère souple, puis ont enregistré les performances du dispositif en le testant sur un sujet en mouvement (marche, course, accroupissement et saut). La genouillère surveillait de manière fiable l’angle de flexion du genou du sujet et était même capable de reconstituer avec précision sa foulée pendant la course.

«Grâce à sa facilité d’intégration, notre fibre pourrait facilement être utilisée pour surveiller les mouvements et détecter des anomalies dans d’autres articulations, comme les chevilles, les épaules ou les poignets», précise Fabien Sorin, ajoutant que la technique est également potentiellement très évolutive.

«Les dispositifs électroniques conventionnels sont généralement trop fragiles ou trop rigides pour être intégrés dans des textiles. En revanche, notre fibre pourrait être intégrée dans des mètres, voire des kilomètres, de tissu avec une mise à l’échelle suffisante. Ce tissu pourrait ensuite être utilisé pour fabriquer des dispositifs portables, des prothèses souples ou des capteurs pour les membres robotisés.»

Références

Laperrousaz, S., Chen, X., Cleusix, M. et al. Electronic fibres via the thermal drawing of liquid-metal-embedded elastomers. Nat Electron (2025). https://doi.org/10.1038/s41928-025-01485-0


Auteur: Celia Luterbacher

Source: Sciences et techniques de l'ingénieur | STI

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Fabien Sorin et Stella Laperrousaz. 2025 EPFL/Hugo Masson CC BY SA
Fabien Sorin et Stella Laperrousaz. 2025 EPFL/Hugo Masson CC BY SA
Mélange 'métal liquide' d’indium et de gallium. 2025 EPFL/Hugo Masson CC BY SA
Mélange 'métal liquide' d’indium et de gallium. 2025 EPFL/Hugo Masson CC BY SA
La genouillère intelligente équipée de capteurs. 2025 EPFL/FIMAP CC BY SA
La genouillère intelligente équipée de capteurs. 2025 EPFL/FIMAP CC BY SA
La genouillère intelligente. 2025 EPFL/Hugo Masson CC BY SA
La genouillère intelligente. 2025 EPFL/Hugo Masson CC BY SA
Image d'une fibre à l'étirage thermique. 2025 EPFL/FIMAP CC BY SA
Image d'une fibre à l'étirage thermique. 2025 EPFL/FIMAP CC BY SA

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