Une exposition pour appréhender l'impact des voyages académiques
L’installation «Travel Less Without Loss» proposée sur la Place Ada Lovelace illustre l’impact environnemental des voyages en avion et met en lumière qu’il n’existe actuellement qu’une seule solution pour réduire significativement l’empreinte CO2 associée: diminuer les vols intercontinentaux.
Cela ressemble à un jeu d’enfant en taille géante, mais c’est tout le contraire. Sur la place Ada Lovelace, en plein cœur du campus EPFL d’Ecublens, de gros cubes de couleurs vives trônent depuis le mois de septembre 2023 et interpelleront les passants jusqu’à la fin du semestre académique. Le plus grand, en rouge, symbolise le volume moyen de CO2 émis annuellement par une personne en Suisse, soit 14 tonnes. A côté, en vert, un cube bien plus petit indique les 2 tonnes auxquelles nous devrions nous limiter pour respecter l’Accord de Paris afin de contenir l'augmentation de la température mondiale à moins de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels. Les autres cubes montrent l’impact carbone par personne d’un aller-retour vers diverses destinations et par différents moyens: classe économique, classe affaires ou train.
Cette représentation physique en trois dimensions de l’impact climatique des vols en avion mérite d’être expérimentée sur site pour s’imprégner des rapports entre les volumes. L’exposition est accompagnée d’infographies qui dépeignent notamment la situation des voyages à l’EPFL. On y apprend par exemple que 86% des émissions de gaz à effet de serre (GES) liées aux voyages sont dues aux vols intercontinentaux, ce qui indique que pour réduire l’empreinte carbone de l’Ecole, il est indispensable de diminuer significativement ce type de voyage. En effet, si 63% des vols effectués par la communauté EPFL concernent une destination européenne, en tout ils ne représentent que 14% de l’empreinte climatique globale associée aux voyages.
«Les voyages sont la première source d’émissions de CO2-équivalent de l’École», résume Luca Fontana, responsable mobilités et voyages durables. «En 2023, nous avons adopté de nouvelles directives voyages, mais elles ne suffiront pas à elles seules à atteindre l’objectif fixé de réduire d’au moins 30% cette empreinte d’ici 2030.» D’où la raison de cette exposition, dans laquelle la vice-présidente pour la transformation responsable, Gisou van der Goot, s’est pleinement impliquée.
Elle s’en explique: «Informer les membres de la communauté EPFL a pour moi un double objectif. Le plus évident est celui de réduire l’empreinte CO2 de l’EPFL. Ce que montre l’exposition, avec une représentation 3D qui permet d'un peu mieux réaliser ce que représente l’impact ne serait-ce que d’un seul aller-retour en avion, c’est que l’unique moyen de réduire significativement notre empreinte est de renoncer à certains voyages intercontinentaux.»
Alerter la société
La vice-présidente ajoute: «Le second objectif, indirect mais tout aussi important, est d’alerter la société en montrant que nous, les scientifiques, sommes vraiment très inquiets. Tant que nous ne montrerons pas que nous changeons nos habitudes, ici, en voyageant moins, cette inquiétude ne sera absolument pas perçue, car pas vécue. Selon moi, les scientifiques – et tous les membres d’une institution académique comme la nôtre – ont la responsabilité civile d’alerter la société.»
Nous, les scientifiques, sommes vraiment très inquiets. Tant que nous ne montrerons pas que nous changeons nos habitudes, ici, en voyageant moins, cette inquiétude ne sera absolument pas perçue.
Une série de personnes du campus, à différentes fonctions, ont été invitées à témoigner: des membres du corps professoral, du corps intermédiaire, mais aussi du corps estudiantin ou du personnel administratif et technique. Leurs messages seront partagés tout au long du semestre sur les réseaux sociaux. On peut déjà en voir certains dans les couloirs de l’EPFL et sur la page internet dédiée au projet. Beaucoup d’amoureux du train s’y expriment. D’autres expliquent comment ils limitent leurs voyages en avion et ce que cela leur a apporté, du point de vue professionnel ou privé.
Renoncer à voyager, un jeu d’enfant? Non. Un choix difficile, mûrement réfléchi. Il ne s’agit pas de renoncer à tous les voyages, ce qui pourrait avoir des conséquences importantes sur les carrières scientifiques, mais à une partie d’entre eux. La marge de manœuvre est grande, en considérant que certains déplacements pourraient être combinés ou ne sont pas indispensables, en privilégiant les trajets les moins polluants – train ou vols directs – ainsi que les compagnies aériennes les plus efficientes.
Pour cela, la nouvelle agence de voyages centrale de l’EPFL arrivera à point nommé en décembre au sein de la nouvelle Maison de la mobilité. Cette dernière, maillon essentiel du dispositif destiné à assurer le respect des directives voyage, a été inaugurée le 2 octobre par l’EPFL avec Kuoni Business Travel et les Transports publics de la région lausannoise (tl).