Une exposition explore nos interactions avec les objets et machines

Portrait Luc Mattenberger ©photo© Christian Hartmann Carre
L'artiste genevois Luc Mattenberger crée des œuvres axées sur les fonctions cérébrales, l'apprentissage automatique et l'industrie du bien-être. Pour le festival Les Culturelles du Collège des humanités, il expose une série de sculptures et présente une performance.
L'exposition « Be Fluid » aura lieu du 14 au 16 mai (11h-18h), avec une performance le 14 mai à 18h30. Ce projet s'appuie, de manière expérimentale, interrogative et originale, sur l'un des domaines de recherche prioritaires de l'EPFL : la santé.
« J’ai appelé ce projet Be Fluid afin d’aller dans le courant du : go with the flow », dit Luc Mattenberger. « C'est un peu un cliché de le dire comme ça, mais je pense qu'on est à un moment clé de l’interaction entre les hommes et les objets. D’autant plus que les machines tendent aujourd’hui vers une certaine autonomie et certains de ces procédés deviennent trop complexes pour que le commun des humains, voire même ceux qui les ont programmés, ne puissent les comprendre. »
L’exposition présente trois sculptures en mouvement (Fontaine, Peanut Ball et Up-Down), ainsi que d'autres œuvres qui se rapportent au bien-être et au transhumanisme, tout en tenant compte de la perception du spectateur..
Fontaine, créée en 2022, est une colonne de plexiglas illuminée d'où l'eau déborde continuellement, invitant les spectateurs à observer la trajectoire de l'eau et à entrer dans un état de transe. Peanut Ball, créée spécialement pour cette exposition, consiste en un ballon de gymnastique enfermé dans une structure tubulaire en acier avec un vérin qui appuie sur un côté à intervalles réguliers, suscitant potentiellement des émotions chez les spectateurs à cause du ballon « maltraité » par le vérin électrique. Avec Up-Down, Luc Mattenberger fournit un tabouret sur lequel les visiteurs et visiteuses peuvent s'asseoir, derrière lequel se trouve une colonne avec un panneau d'aluminium où deux cercles noirs concentriques se déplacent dans deux directions, selon une chorégraphie codée par un ordinateur. Avec cette sculpture, Luc Mattenberger s'intéresse à l'endroit où se porte l'attention du spectateur.
« Mon point d'entrée a été le moteur à explosion, instrument de la révolution industrielle, objet de fascination. Ça m'a amené à m'intéresser de plus en plus à la question cérébrale et aux interactions entre cerveau et machine, mais aussi à penser le cerveau comme une machine. Finalement, on connait encore assez mal le cerveau. Le fonctionnement cérébral, par contre, on le connaît bien par rapport à il y a quelques années, mais il y a encore beaucoup d'inconnues sur sa plasticité, son développement, les zones qui sont activées, les processus de compensation, ou encore lorsqu’il y a des dommages au cerveau. Ces questions deviennent artistiques car elles touchent à la perception et sont un miroir tendu au monde ».
La performance pour Be Fluid a été créée en collaboration avec le musicien et compositeur bâlois Christoph Huber. Elle est basée sur des enregistrements EEG de l'activité cérébrale du Dr Reto Odermatt, chercheur à l'université de Bâle et de Luc Mattenberger lors d'expériences de stimulation et de privations sensorielles. La performance inclut les trois sculptures et ajoute de la musique générative et des activations sonores sur chacune d'entre elles.
S'intéressant à la perception et au fonctionnement du cerveau, Luc Mattenberger intègre la recherche dans son travail. Il a eu l'occasion de se former auprès d'un psychothérapeute qui pratique l'hypnose et qui a commencé à la mettre en œuvre pour des enfants souffrant de graves brûlures. Il a également passé beaucoup de temps à se familiariser avec la technique de réduction du stress basée sur la pleine conscience (MBSR). Il a même fait des expériences sur lui-même lorsqu'il était en résidence à Marfa, Texas.
« J’ai commencé à me dire, que j’allais essayer de m'utiliser un peu plus comme un rat de laboratoire. J'avais une liste de chansons qui avaient été répertoriées comme étant utilisées à Guantanamo à des fins de torture et j'ai décidé que pendant toute la durée de mon séjour aux États-Unis, je ne mettrais rien d'autre sur mon autoradio que cette liste. Et tous les soirs, je roulais vers le Mexique en écoutant cette playlist pendant un mois et demi ».
Si Luc Mattenberger s'intéresse à la manière dont les gens perçoivent son travail, il reconnaît qu'il ne saura jamais ce que les gens ressentent lorsqu'ils découvrent ses œuvres.
« Je suis assez curieux de voir la réception qui sera faite de mes œuvres dans le contexte de l’EPFL qui est différent d'un contexte d'espace ou même d'institution artistique. Je suis assez curieux de voir le regard que peuvent avoir des scientifiques et chercheur-e-s à l’EPFL. Peut-être qu’il sera très critique et tant mieux, car l’art est avant tout un territoire de débat, de recherche esthétique et d’expérience, ce qui en fait un lieu unique. »