Une bactérie intestinale qui guérit le côlon

Illustration 3D de Clostridium scindens au sein de l’intestin. 2025 EPFL/K. Schoonjans - CC-BY-SA 4.0

Illustration 3D de Clostridium scindens au sein de l’intestin. 2025 EPFL/K. Schoonjans - CC-BY-SA 4.0

Des scientifiques de l’EPFL ont découvert comment une bactérie intestinale, Clostridium scindens, aide à restaurer la barrière intestinale lors de lésions en rétablissant l’équilibre des acides biliaires. Leurs résultats pourraient ouvrir la voie à de nouveaux traitements de la rectocolite hémorragique, une maladie inflammatoire chronique de l’intestin.

L’intestin humain abrite des milliards de bactéries qui jouent un rôle vital dans la digestion, l’immunité et la santé en général. Lorsque cet équilibre microbien est perturbé, cela peut contribuer au développement de maladies chroniques comme la rectocolite hémorragique (RCH), une maladie inflammatoire du gros intestin. Pour certains patients, les traitements actuels apportent un soulagement limité ou comportent des risques importants, dont une immunosuppression. Les chercheurs explorent maintenant d’autres moyens de rétablir la santé intestinale, en se concentrant sur la capacité du microbiote à régénérer la paroi intestinale.

L’une des caractéristiques de la RCH est une carence en certains acides biliaires, des molécules qui aident à digérer les graisses et à réguler l’homéostasie intestinale. Ces molécules ne sont pas seulement produites par le foie, elles sont aussi transformées par certaines bactéries intestinales en des formes qui favorisent la régénération de la barrière intestinale. Les patients atteints de RCH présentent des taux plus faibles de ces acides biliaires microbiens, ce qui suggère que leur restauration pourrait favoriser la guérison.

Les équipes de l'EPFL dirigées par Kristina Schoonjans, professeure au Laboratoire de signalisation métabolique, et Rizlan Bernier-Latmani, professeure au Laboratoire de microbiologie envrionnementale, ont identifié Clostridium scindens, une bactérie qui transforme les acides biliaires primaires en acides biliaires 7α-déshydroxylés, comme un acteur clé de la régénération intestinale. Leur étude montre que la supplémentation de l’intestin avec cette bactérie pourrait améliore la guérison lors d’ulcération, offrant un nouveau traitement potentiel pour la RCH et les troubles associés.

Les chercheurs ont testé leur hypothèse sur des souris atteintes de colite ulcéreuse, un modèle murin mimant la RCH. Ils ont introduit Clostridium scindens chez certaines souris alors que d’autres n’ont pas été traitées. L’équipe a ensuite suivi le rétablissement des animaux en mesurant la perte de poids, l’inflammation du côlon et les marqueurs de la régénération intestinale.

Les souris qui ont reçu Clostridium scindens ont récupéré plus rapidement, montrant une diminution de l’inflammation et une régénération accrue de la paroi intestinale. Les chercheurs ont découvert que ces effets étaient dépendants de TGR5, un récepteur répondant aux acides biliaires 7α-déshydroxylés, et stimule la prolifération et la différenciation des cellules souches intestinales. Lorsqu’ils ont testé le traitement chez des souris dépourvues de ce récepteur, les bénéfices ont disparu, ce qui confirme que le métabolisme des acides biliaires est essentiel à la régénération de la barrière intestinale.

Pour valider davantage leurs résultats, ils ont analysé les données de patients afin de déterminer si des mécanismes similaires étaient impliqués chez l’homme. Ils ont constaté que chez les patients atteints de RCH, les taux plus faibles d’acides biliaires 7α-déshydroxylés étaient fortement corrélés avec une altération du renouvellement cellulaire intestinal. Cela renforce le lien entre le métabolisme des acides biliaires et la régénération intestinale. «Nos résultats soulignent le potentiel des stratégies ciblées sur le microbiote intestinal pour moduler le métabolisme des acides biliaires et favoriser la restauration de la paroi intestinale», explique Antoine Jalil, principal auteur de l’étude.

Contrairement aux traitements conventionnels qui se concentrent sur la diminution de l’inflammation, cette approche cible le problème sous-jacent: l’altération de la capacité de l’intestin à s’auto-régénérer. En rétablissant l’équilibre naturel des acides biliaires grâce à des bactéries bénéfiques, cette stratégie pourrait offrir une alternative thérapeutique plus durable pour les patients atteints de RCH. Bien que d’autres recherches soient nécessaires pour explorer ses applications cliniques, les résultats soulignent le potentiel thérapeutique des interventions basées sur le microbiote intestinal.

Autres contributeurs

  • Université de Berne
  • Université de Lausanne
Financement

Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS)

EPFL

Références

Antoine Jalil, Alessia Perino, Yuan Dong, Jéromine Imbach, Colin Volet, Eduard Vico-Oton, Hadrien Demagny, Lucie Plantade, Hector Gallart-Ayala, Julijana Ivanisevic, Rizlan Bernier-Latmani, Siegfried Hapfelmeier, Kristina Schoonjans. (2025). Bile acid 7α-dehydroxylating bacteria accelerate injury-induced mucosal healing in the colon. EMBO Molecular Medicine 10 mars 2025. DOI: 10.1038/s44321-025-00202-w


Auteur: Nik Papageorgiou

Source: EPFL

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