Une avancée pour traiter les infections bactériennes résistantes

An illustration of the chip-embedded nanotweezers trapping bacteriophages. Credit: Nicolas Villa/EPFL

An illustration of the chip-embedded nanotweezers trapping bacteriophages. Credit: Nicolas Villa/EPFL

Des scientifiques de l’EPFL ont mis au point une technique innovante qui fait appel à la lumière pour manipuler et identifier des bactériophages sans avoir recours à des marqueurs chimiques ni à des biorécepteurs. Cette technique pourrait accélérer et révolutionner les phagothérapie qui peuvent traiter les infections bactériennes résistantes aux antibiotiques.

Face à la résistance aux antibiotiques qui représente une menace redoutable pour notre santé, les scientifiques sont constamment à la recherche de nouveaux moyens de traiter les infections bactériennes. Alors qu’un nombre croissant de souches bactériennes déjoue les médicaments qui ont notre confiance depuis des décennies, une solution alternative pourrait être trouvée dans les bactériophages, qui sont des virus s’attaquant aux bactéries.

La phagothérapie, ou l’utilisation de bactériophages pour combattre les infections bactériennes, gagne en attractivité en tant qu’alternative viable aux antibiotiques traditionnels. Mais il y a un problème: trouver le bon phage pour une infection donnée revient à chercher une aiguille dans une botte de foin, alors que les méthodes actuelles impliquent de réaliser des cultures fastidieuses et des essais longs.

Récemment, des scientifiques de l’EPFL, en collaboration avec le CEA de Grenoble et le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), ont mis au point des nanopinces sur puce qui peuvent piéger et manipuler des bactéries et des virions (la forme infectieuse d’un virus) en utilisant une puissance optique minimale. L’étude, dirigée par Nicolas Villa et Enrico Tartari de l’équipe de Romuald Houdré de l’EPFL, a été publiée dans la revue Small.

Les nanopinces sont une sorte de «pinces optiques». Elles utilisent un faisceau laser hautement focalisé pour maintenir et manipuler en trois dimensions des objets microscopiques (par exemple des virions) et même submicroscopiques tels que des atomes. La lumière crée une force de gradient qui attire les particules vers un point focal de haute intensité, les maintenant efficacement en place sans contact physique.

Les pinces optiques ont été inventées en 1986 par le physicien Arthur Ashkin, qui en avait élaboré les principes à la fin des années 1960. L’innovation technologique d’Ashkin lui a valu le prix Nobel de physique en 2018. Les pinces optiques restent un domaine de recherche intense.

Il existe différents types de pinces optiques. Par exemple, les pinces optiques à espace libre peuvent manipuler un objet dans un environnement ouvert tel que l’air ou un liquide sans aucune barrière physique ni structure guidant la lumière. Mais dans cette étude, les chercheuses et chercheurs ont créé des nanopinces intégrées dans un dispositif optofluidique qui est équipé des technologies optiques et fluidiques sur une seule puce.

La puce comporte des cavités en cristal photonique à base de silicium – les nanopinces, qui sont essentiellement de minuscules pièges qui poussent doucement les phages en position grâce à un champ de force généré par la lumière. Le système a permis aux chercheuses et chercheurs de contrôler avec précision des bactéries et des virions et d’obtenir des informations en temps réel sur les micro-organismes piégés.

Cette approche se démarque par le fait qu’elle permet de distinguer les différents types de phages sans utiliser de marqueurs chimiques ni de biorécepteurs de surface, ce qui peut prendre du temps et s’avérer parfois inefficace. Au contraire, les nanopinces distinguent les phages en «lisant» les changements uniques que chaque particule provoque dans les propriétés de la lumière. La méthode sans marqueur permet d’accélérer considérablement la sélection des phages thérapeutiques, ce qui promet des délais plus courts pour les potentiels traitements phagiques.

Cette recherche a également des implications au-delà de la phagothérapie. La possibilité de manipuler et d’étudier des virions en temps réel ouvre de nouvelles pistes de recherche microbiologique, offrant aux scientifiques un outil performant pour des tests et des expérimentations rapides. Cela pourrait permettre de mieux comprendre les virus et leurs interactions avec les hôtes, ce qui est inestimable dans la lutte permanente contre les maladies infectieuses.

Financement

Fonds national suisse de la recherche scientifique

Réseau RENATECH (France)

Agence nationale de la recherche (ANR)

Références

Nicolas Villa, Enrico Tartari, Simon Glicenstein, Hugues de Villiers de la Noue, Emmanuel Picard, Pierre R. Marcoux, Marc Zelsmann, Grégory Resch, Emmanuel Hadji, Romuald Houdré. Optical Trapping and Fast Discrimination of Label-Free Bacteriophages at the Single Virion Level. Small 28 January 2024. DOI: 10.1002/smll.202308814