Une aorte artificielle qui réduit la pression sanguine
Des scientifiques du Centre pour muscles artificiels de l’EPFL ont imaginé une aorte en silicone capable de soulager le travail du cœur. Cette recherche pourrait proposer aux patients une alternative à la transplantation cardiaque.
« L’insuffisance cardiaque touche plus de 23 millions de personnes dans le monde. Bien que la transplantation se révèle la norme pour les patients atteints de cette pathologie, il existe une demande en thérapies alternatives en raison de la pénurie de donneurs de cœur. De nouvelles conceptions de dispositifs d’assistance cardiaque pourraient éliminer ou retarder la nécessité d’une transplantation », explique Yves Perriard, professeur à l’EPFL et responsable du Centre pour muscles artificiels de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur.
Partis de ce constat, une dizaine de chercheurs issus du Laboratoire d’actionneurs intégrés ont travaillé durant quatre ans à la réalisation d’une assistance cardiaque basée sur des actionneurs souples. Leur étude est publiée dans la revue Advanced Science.
Aorte de silicone et d’électrodes
Au naturel, l’aorte est élastique. Quand le sang est expulsé du ventricule gauche, elle se gonfle. Puis elle se resserre et expulse l’hémoglobine, qu’elle a stocké temporairement, dans le corps. Lors d’insuffisance cardiaque par exemple, le cœur doit fournir plus d’énergie pour effectuer cette tâche. Les scientifiques ont imaginé un segment d’aorte artificielle composée de membranes en silicone et d’électrodes. Ce système se place juste après la valve aortique et accentue le rôle de l’aorte : on parle alors d’aorte « augmentée ». Lorsqu’une tension électrique est appliquée, le tube s’élargit et devient plus grand que l’aorte naturelle. « Ce dispositif a l’avantage de modifier la pression vue par le cœur, précise Yoan Civet, collaborateur scientifique du laboratoire. L’idée n’est pas de remplacer le cœur, mais de l’aider. »
Réduire l’énergie cardiaque
Pour leurs expériences, les chercheurs ont construit un simulateur composé de pompes et de chambres qui reproduit les conditions physiologiques humaines de flux et de pression. « Grâce à notre dispositif, nous avons constaté une réduction de 5,5 % de l’énergie cardiaque », déclare Yoan Civet. À l’avenir, ils prévoient de poursuivre les tests de leur aorte artificielle et travaillent déjà sur un nouveau design pour augmenter les performances.
Mais le véritable défi résidait dans la confection de l’aorte artificielle « Nous sommes partis d’une page blanche et avons dû mettre en place un nouveau procédé de fabrication pour augmenter le volume du tube en silicone. En même temps, les tensions électriques appliquées étaient divisées de moitié par rapport à une membrane seule à cause du claquage électrique du matériau. Il a fallu comprendre et résoudre ce problème particulier lié à l’empilement de couche », souligne le chercheur, qui ajoute que l’équipe de scientifiques a déposé une demande de brevet pour cette technologie. Ils espèrent que cette structure sera utile par la suite pour résoudre d’autres problèmes médicaux, comme les troubles urologiques qui nécessitent une approche similaire.
Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’une collaboration entre l’ETH Zürich, l’Université de Berne et l’EPFL. Le groupe a reçu une bourse de douze millions de francs de la fondation Werner-Siemens sur douze ans pour développer une assistance cardiaque, un système urologique et un dispositif pour la reconstruction faciale. Le tout à base d’actionneurs souples.