Un wifi optique permet une communication subaquatique ultra-rapide
Hydromea, spin-off de l’EPFL, a développé un modem optique miniaturisé qui peut plonger jusqu’à 6000 mètres de profondeur. Sa connexion wifi est si sensible qu’elle est capable de récolter des données à très grande vitesse sur une distance de plus de 50 mètres sous l’eau.
Lorsque l’on veut connecter des dispositifs sous l’eau, peu d’options existent. Les ondes radio fonctionnent mal : très lentes, elles n’arrivent pas à se propager sur une grande distance, pas plus d’un mètre, car elles sont rapidement absorbées par l’eau. De nombreux capteurs n'offrent qu'une connexion filaire, mais ils ne sont pas pratiques car il faut retirer les appareils de l'eau pour récupérer leurs données. La communication acoustique est souvent utilisée, mais elle est très lente et peu fiable. Ce sont des obstacles importants, qui entravent les communications lorsqu'il s'agit d'activités de construction, d'inspection, de surveillance et de réparations sous-marines, par exemple dans le secteur de l'énergie offshore. La recherche en limnologie est, elle aussi, concernée par cette question.
Hydromea, une spin-off de l’EPFL, propose une autre solution : utiliser la lumière pour transmettre des données sous la surface de l'océan ou du lac. Appelé LUMA, le modem sous-marin développé par la start-up utilise pour la communication subaquatique une lumière bleue qui clignote très rapidement. Comment ? LUMA convertit les données en impulsions lumineuses et, de l’autre côté, convertit les impulsions lumineuses en données, et cela, en un clin d’œil. « Avec le modem optique, vous avez une connexion sans fil. Il suffit d’être sur la même longueur d’onde et vous pouvez communiquer à distance à très grande vitesse», précise Alexander Bahr, directeur général d’Hydromea.
Sur la même longueur d’onde
« Nous avons opté pour la lumière bleue, car l’eau est opaque pour les ondes électromagnétiques. Il n’existe qu’une petite bande de transparence pour de la lumière bleue et verte. C’est grâce à cela que nous pouvons transmettre des données sur de longues distances », explique Felix Schill, directeur technique. En effet, l'eau absorbe facilement la plupart des ondes, et en particulier les ondes infrarouges: seule la lumière bleue et verte peuvent la traverser. Les ondes lumineuses rouges et jaunes du soleil sont absorbées en quelques mètres seulement.
La partie compliquée de ce projet fut d’assurer une longue portée avec cette technologie optique et une fiabilité à toute épreuve. « La lumière se dissipe rapidement et communiquer à longue distance, par exemple sur 50 ou 100 mètres, devient très compliqué. Nous avons mis beaucoup de temps à développer un récepteur suffisamment sensible pouvant capter de minuscules impulsions lumineuses, même très éloignées », indique Felix Schill.
Descendre dans les abysses
Le modem, conçu pour descendre à une profondeur de 6000 mètres, est entièrement intégré dans un boitier en plastique, et recouvert de plastique transparent pour ne pas être écrasé dans les profondeurs. Des scientifiques de l’Institut Alfred Wegener pour la recherche polaire et marine, en Allemagne, l’ont déjà testé à 4280 mètres de profondeur dans le Pacifique. C’est avec cet institut que les deux entrepreneurs ont commencé à travailler. « Plus tard, nous avons été approchés par des industriels opérant en mer, qui ont besoin de notre technologie pour la pose de canalisations sous-marines, ou pour la construction de fondations des parcs éoliens en mer», souligne Alexander Bahr.
Ce projet de wifi subaquatique est né de recherches débutées en 2004, lorsque les deux entrepreneurs étaient étudiants en Australie. Il a muri au fil des ans pour aboutir lors de leur post doctorat à l’EPFL. Aujourd’hui, Alexander Bahr et Felix Schill poursuivent leurs collaborations avec l’École, en participant au développement de systèmes robotiques et de communication sur LéXPLORE, une plateforme posée sur le lac Léman au large de Vidy.
Le modem LUMA permet aux scientifiques en limnologie d’avoir accès à leurs données très régulièrement et de vérifier que leur matériel immergé est toujours en état de marche, les capteurs devant rester sous l’eau plusieurs mois. Pour établir la communication, ils ont besoin de deux modems, un modem est installé sur l’enregistreur de données qui recueille les données scientifiques des capteurs immergés, et l’autre est installé sur un robot sous-marin, qui plonge jusqu’à l’enregistreur et collecte instantanément ses données. «Les scientifiques de LéXPLORE nous font part de leurs commentaires sur leurs besoins spécifiques, ce qui nous aide à améliorer encore les performances de notre modem», conclut Alexander Bahr.