Un traitement anticancéreux qui musèle le gène Notch

Cellules cancéreuses © 2017 Cellestia Biotech

Cellules cancéreuses © 2017 Cellestia Biotech

Une molécule pour traiter des cancers liés à des mutations du gène Notch vient d’obtenir les autorisations nécessaires au démarrage des essais cliniques. Développée par la spin-off Cellestia Biotech, elle est prometteuse pour les 250'000 patients diagnostiqués chaque année avec ces mutations, indicatives de chances de guérison fortement réduites.

S’inscrivant dans la droite ligne des traitements ciblés, la molécule développée par Cellestia Biotech, une spin-off de l’EPFL, est destinée à traiter les cancers liés à des mutations du gène Notch. Des essais cliniques vont démarrer prochainement en Espagne. Ce traitement, administrable par voie orale, est le premier à agir en bloquant le problème à son origine, c’est-à-dire dans le noyau de la cellule. Il inhibe le protéine qui favorisent la multiplication des cellules cancéreuses, afin qu’un signal ne puisse être transmis.

Une des alternatives aux chimiothérapies aujourd’hui investiguée par les spécialistes est la cascade de signaux générés par des protéines depuis le noyau des cellules. Dans son état normal, le gène Notch est essentiel lors du développement embryonnaire, ainsi que dans la formation et l’entretien des cellules souches. Dans sa version délétère, la voie de signalisation défectueuse qu’il engendre favorise le développement de cellules cancéreuses et provoque des résistances aux traitements traditionnels. Cette voie de signalisation vicieuse a fait récemment l’objet de plusieurs études qui confirment son lien avec un pronostic négatif pour le cancer du sein, les leucémies et plusieurs types de lymphomes. Environ 250'000 patients dans le monde sont diagnostiqués chaque année avec une maladie liée à une mutation de ce gène.

Un mode d’action unique : se lier à la protéine pour la faire taire

Afin d’empêcher le gène de s’exprimer, la manière la plus sûre est de le faire taire à son origine. C’est-à-dire d’empêcher la protéine d’activer le signal dans le noyau. La molécule CB-103 découverte par Rajwinder Lehal, alors qu’il effectuait son doctorat dans le laboratoire de Freddy Radtke à l’EPFL, se lie avec elle et l’empêche de faire son travail. Toute les communications de Notch sont ainsi coupées, peu importe la cause de l’activation, conduisant ainsi à la mort des cellules cancéreuses. D’autres traitements ciblés sur cette voie de signalisation ont été investigués par différents groupes de recherche, mais leurs actions restent périphériques. Ils bloquent soit une seule partie de la voie de communication, soit des mécanismes en jeu dans d’autres processus cellulaires.

Un brevet a été déposé sur cette molécule ainsi que sur le développement et la commercialisation de plusieurs de ses semblables. Suite aux tests in vivo et in vitro, les chercheurs ont constaté une tolérance et une efficacité excellentes pour ce traitement. Il est de plus rapidement absorbé et distribué dans les tissus.

L’étude clinique, dont une partie du financement est déjà assurée par la levée de fonds de 8 millions réussie par l’entreprise en début d’année, permettra de vérifier divers paramètres comme la tolérance et la dose adéquate chez des patients adultes avec des tumeurs solides avancées ou métastatiques ainsi que chez des individus adultes avec des tumeurs hématologiques. Afin de s’assurer que les personnes enrôlées dans l’étude présentent bien le type de cancer qui correspond au champ d’action de la molécule, des biomarqueurs ont été développés en parallèle.

Une molécule très convoitée

«Au vu de son rôle critique dans la tumorigénèse, la voie de communication Notch est une cible thérapeutique importante, recherchée par de nombreuses entreprises pharmaceutiques», souligne Rajwinder Lehal, CSO de Cellestia Biotech. En raison de son application potentielle pour de multiples indications, le marché pour ces inhibiteurs serait estimé à 10 milliards de francs et les projections de vente de CB-103 sont de un milliard si elle est développée pour plusieurs traitements. La start up a en réserve d’autres molécules avec le même type d’action qu’elle va également tester pour le traitement d’autres types de cancers.