Un torrent sous surveillance pour protéger tout le Valais

© 2011 EPFL

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Des travaux menés au Laboratoire d’hydraulique environnementale de l’EPFL et au Crealp (Centre de recherche sur l’environnement alpin, Sion) visent à modéliser le dépôt des sédiments charriés par la rivière Navisence et à établir des scénarios pour l’avenir de la station de Zinal, qu’ils pourraient menacer. Les résultats de ces recherches intéresseront d’autres régions du Vieux pays.


Dans combien de temps le Val d’Anniviers sera-t-il comblé ? Plus vite qu’on le pense, si l’on en croit l’augmentation du dépôt des sédiments à attendre au cours de ce siècle, réchauffement climatique oblige. Certes, beaucoup d’eau coulera encore dans les torrents valaisans avant qu’il se retrouve sous les gravats. Pour certaines communes, la menace des pierres et des laves torrentielles est toutefois sérieuse, même à court terme.

Les cours d’eau de montagne charrient en effet des sédiments de toutes sortes et de toutes tailles. Selon l’endroit où ils s’accumulent, ces débris essentiellement rocheux peuvent constituer un danger. Des lacs peuvent se créer en amont et submerger des constructions. Si ces barrages naturels viennent à céder, par exemple en cas de crue, le mélange d’eau et de gravats peut être dévastateur en aval.

Jusqu’à 2000 camions de roches
Il en est ainsi de Zinal, station touristique bien connue, que longe une rivière nommée Navisence. Celle-ci prend sa source sous le Glacier de Zinal, au Sud du Val d’Anniviers, puis recueille les eaux de plusieurs torrents avant de s’approcher du village. Pour parer aux dangers liés au transport des sédiments issus des glaciers, de petits barrages chargés de retenir les pierres ont été installés sur ces torrents. Ils stockent aujourd’hui quelque 10 000 mètres cubes de matériaux et arrivent à saturation. «Il n’est guère envisageable d’évacuer ces matériaux vers la plaine, explique Christophe Ancey, professeur associé au Laboratoire d’hydraulique environnementale (LHE) de l’EPFL. La route du val d’Anniviers est l’une des plus tortueuses du canton, et il serait nécessaire pour tenir le rythme d’y faire circuler 1250 à 2000 camions par an!»

Que faire dès lors de ces masses impressionnantes de roches et de graviers, dont il est prévu que la quantité augmente de plus en plus vite en raison de la fonte des glaciers et du pergélisol? En partenariat avec le CREALP (Centre de recherche sur l’environnement alpin de l’Etat du Valais), l’EPFL étudie la possibilité de pouvoir les laisser sur place, dans la vallée, sans pour autant défigurer ses zones protégées. Des recherches menées à la fois sur le terrain et en laboratoires.

En amont de Zinal, les méandres de la Navisence ont formé les «Plats de la Lé», une zone suffisamment plane pour servir de piste de ski de fond en hiver. L’Etat du Valais veut savoir s’il est possible de retenir les sédiments dans ce secteur, voire d’en déposer par couches minces sur cette grande surface. «Tout le défi est de trouver le moyen d’y retenir les sédiments, reprend Christophe Ancey. Faudra-t-il construire des barrages? Se contenter de talus «naturels»? Mais alors, que se passera-t-il en cas de crue?

150 ans d’évolution
Sur la base de cette situation bien réelle et qui aura besoin de solutions appropriées, de nombreuses recherches ont été entreprises à l’EPFL et auprès des autres partenaires. Notamment pour mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre lors du transport et du dépôt des sédiments. Des capteurs ont ainsi été installés sous le lit d’un torrent par le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage) «écoutent» en permanence le passage des roches et mesurent le débit. Plusieurs campagnes ont eu lieu dans le courant de cet été. Les données obtenues sont mises en relation avec les températures et les précipitations pour tenter d’établir un modèle. «Nous avons pu constater à plusieurs reprises qu’il n’y a pas forcément de corrélation directe entre les phénomènes climatiques et le passage des sédiments», relève Christophe Ancey.

Pour tenter d’y voir plus clair, un capteur, sous forme d’une boule de 10 cm de diamètre qui peut être jetée dans l’eau d’un torrent, est en cours d’élaboration à l’EPFL. Il doit permettre de mesurer les accélérations, la trajectoire et les forces impliquées dans ce genre de mouvements, et pourrait aussi être utilisé dans les avalanches. Un travail historique, s’appuyant sur d’anciennes photos aériennes et des relevés topographiques, permet également de retracer l’évolution de la situation depuis 1950, dans l’optique de la simuler jusqu’à l’an 2100.

La fonte des glaciers engendre donc d’autres risques que ceux – déjà importants – du manque d’eau et de la diminution de puissance des centrales électriques. «Anniviers est notre zone de travail, mais l’ensemble du Valais est concerné», prévient Christophe Ancey.