Un time-lapse virtuel pour capturer des phénomènes ultrarapides

© 2019 Jamani Caillet - Une goutte d'eau vient de s'écraser sur une surface sèche.

© 2019 Jamani Caillet - Une goutte d'eau vient de s'écraser sur une surface sèche.

Des chercheurs de l’EPFL ont développé une nouvelle technique de traitement d’images pour capturer des phénomènes extrêmement rapides, et ce avec n’importe quel appareil photo. Nommée Virtual Frame Technique, elle dépasse les performances obtenues par les appareils ultrarapides, en restant accessible à tous et à moindre coût.

Une fissure qui se répand dans un matériau, une balle élastique qui tombe sur une surface solide, une goutte d’eau qui s’écrase sur une surface sèche ou un morceau de sotch qui se décolle : de nombreux phénomènes présents dans la nature ou l’industrie se produisent extrêmement rapidement. Capturer leur déroulement en détail permettrait de mieux les comprendre, mais les appareils photo spécialisés coûtent très cher, et ceux standards ne sont pas assez rapides.

Le Laboratoire de mécanique des interfaces souples de l’EPFL, en collaboration avec des chercheurs du SMR lab de l’Université Harvard, a développé une nouvelle méthode d’imagerie. A partir d’une seule photo prise avec n’importe quel appareil, smartphone compris, la Virtual Frame Technique (VFT) permet de recréer des milliers d’images, montrant le déroulement du phénomène capturé. Ses performances dépassent celles du matériel spécialisé.

Une photo floue comme point de départ

Concrètement, les chercheurs travaillent à partir d’une photo prise avec un appareil quelconque. « Si vous photographiez une goutte d’eau qui tombe et s’écrase sur une surface avec un appareil standard, le rendu du mouvement et de l’impact sera flou », explique John Kolinski, professeur à la Faculté des Sciences et Techniques de l’Ingénieur de l’EPFL et à la tête du laboratoire de mécanique des interfaces souples. « Or cette partie floue sur la photo contient justement tout le déroulement du processus, spatial et temporel. En l’exploitant, cela nous permet de reconstituer le phénomène. » La VFT consiste donc à utiliser cette zone.

Une technique adaptée à des phénomènes binaires

Les scientifiques vont d’une part travailler à l'illumination du phénomène avant de la prise de vue, afin de s’assurer que la partie floue puisse être utilisable. « La lumière doit soit être complètement bloquée, soit complètement passer », souligne John Kolinski. D’autre part, grâce à des techniques poussées de traitement d’images, les scientifiques vont ensuite améliorer la résolution temporelle de l’image.

Ils vont également la transformer en une image binaire, c’est-à-dire avec des pixels noirs ou blancs uniquement. En effet, beaucoup des phénomènes observés sont binaires : dans le cas d’une fissure par exemple, un matériau est soit fissuré, soit non fissuré. Lorsqu’une goutte s’écrase sur une surface, la surface est soit sèche, soit mouillée. Cela signifie que seules deux couleurs sont nécessaires pour l’observer. Or les appareils photo traditionnels proposent plus de 15’000 nuances, ce qui est inutile ici. En sacrifiant cet aspect, les chercheurs peuvent utiliser toute la capacité du capteur pour augmenter la fréquence d’images, sans nuire à la résolution. La résolution temporelle peut encore être améliorée en éclairant le phénomène au bon moment.

Un time-lapse sur un temps ultra court

La zone floue va ainsi devenir utilisable, et être décomposée en des milliers de nouvelles images, qui illustrent tout le processus, dans le temps et dans l’espace. « On pourrait comparer cela à un time-lapse d’un phénomène ultra rapide », note John Kolinski. Les scientifiques ont testé cette technique avec différents types d’appareils photo, depuis le matériel sophistiqué aux appareils des téléphones portables. Pour tous ces phénomènes, l’utilisation de la VFT a permis d’atteindre un nombre d’images par seconde plus élevé.

Références

Publication dans Optics Express

S. Dillavou, S. M. Rubinstein, and J. M. Kolinski. The virtual frame technique: ultrafast imaging with any camera. Optics Express, Vol. 27, Issue 6, pp. 8112-8120 (2019)

DOI: https://doi.org/10.1364/OE.27.008112


Auteur: Clara Marc

Source: EPFL