Un robot aquatique écologique conçu à partir d'aliments pour poissons

Le robot comestible est une alternative aux capteurs environnementaux électroniques. 2025 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0
Un robot comestible fabriqué par des scientifiques de l’EPFL tire parti de l’association combustible biodégradable et tension superficielle pour se déplacer à la surface de l’eau. Il représente ainsi une alternative sûre – et nutritive – aux capteurs environnementaux élaborés à partir de polymères artificiels et d’électronique.
Le robot en forme de bateau profite du même phénomène que celui utilisé par certains insectes aquatiques pour se propulser sur la surface de l’eau: l’effet Marangoni. Une réaction chimique à l’intérieur d’une minuscule chambre amovible produit du dioxyde de carbone qui, à son tour, pénètre dans un canal de combustible pour expulser ce dernier. La diminution soudaine de la tension superficielle de l’eau causée par le combustible éjecté propulse alors le robot vers l’avant.
Cette conception astucieuse est non seulement efficace, permettant aux robots de se déplacer librement sur la surface de l’eau pendant plusieurs minutes, mais aussi totalement biodégradable et innofensif. En effet, les composants de la réaction chimique, l’acide citrique et le bicarbonate de soude, sont souvent utilisés pour une célèbre expérience scolaire simulant une éruption volcanique. Et le «combustible» est le propylène glycol, un liquide que l’on trouve fréquemment dans les produits de soins de la peau.
«Bien que le développement de robots nageurs miniatures pour les environnements naturels ait progressé rapidement, ceux-ci sont généralement élaborés à partir de plastiques et comprennent des batteries et d’autres composants électroniques. Cela pose des problèmes pour un déploiement à grande échelle dans des écosystèmes sensibles, explique Shuhang Zhang, doctorant à l’EPFL. Dans ces travaux, nous montrons comment ces matériaux peuvent être remplacés par des composants entièrement biodégradables et comestibles.»
Shuhang Zhang et une équipe du Laboratoire des systèmes intelligents, sous la houlette de Dario Floreano de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur, ont récemment publié leur recherche dans Nature Communications.
Locomotion bioinspirée
Le robot est conçu pour être non seulement inoffensif pour la faune aquatique, mais aussi bénéfique. Pour ajouter de la résistance et de la rigidité à la structure externe, qui mesure environ 5 cm de long, les chercheuses et chercheurs ont utilisé des aliments pour poissons ayant une teneur en protéines 30 % plus élevée et une teneur en matières grasses 8 % plus faible que les granulés disponibles dans le commerce. En fin de vie, le dispositif peut donc servir de nourriture à la faune aquatique.
Le remplacement des déchets électroniques par des matériaux biodégradables fait l’objet d’études approfondies, mais les matériaux comestibles présentant des profils nutritionnels et des fonctions ciblés n’ont guère été envisagés, et ouvrent un monde d’opportunités pour la santé humaine et animale,
L’équipe de l’EPFL envisage de déployer les robots en grand nombre. Chaque dispositif serait équipé de capteurs biodégradables pour recueillir des données environnementales telles que le pH de l’eau, la température, les polluants et la présence de microorganismes, qui pourraient être lues après la collecte ou par télédétection.
Plutôt que de contrôler précisément le mouvement directionnel des robots, l’équipe a fabriqué des variantes «virage à gauche» et «virage à droite» en modifiant la conception asymétrique du canal de combustible. Ce niveau de contrôle est tout ce qui est nécessaire pour disperser les robots à la surface de l’eau, et leurs mouvements pseudo-aléatoires imitent ceux des insectes, ce qui en fait des contenants parfaits pour fournir des nutriments ou des médicaments aux poissons. Les chercheuses et chercheurs avancent même l’hypothèse que les robots pourraient stimuler le développement cognitif des poissons en captivité, mais d’autres recherches sont nécessaires pour explorer cette question, car aucune expérience animale n’a été menée pour l’étude de l’EPFL.
Une frontière alimentaire robotique
Ces travaux sont la dernière innovation dans le domaine en plein essor de la robotique comestible et alimentation robotisée. Le Laboratoire des systèmes intelligents a déjà publié plusieurs articles sur les dispositifs comestibles, y compris les actionneurs souples comestibles comme les manipulateurs d’aliments et les aliments pour animaux de compagnie, les circuits de commande comestibles et l’encre conductrice comestible pour la surveillance de la croissance des cultures. Dario Floreano a également publié une perspective sur la nourriture robotisée avec des collègues du consortium RoboFood, un projet qu’il coordonne et qui a été lancé en 2021 avec un financement de l’UE de 3,5 millions d’euros pour explorer le potentiel de ces dispositifs.
«Le remplacement des déchets électroniques par des matériaux biodégradables fait l’objet d’études approfondies, mais les matériaux comestibles présentant des profils nutritionnels et des fonctions ciblés n’ont guère été envisagés, et ouvrent un monde d’opportunités pour la santé humaine et animale», indique Dario Floreano.
Zhang, S., Kwak, B., Zhu, R. et al. Edible aquatic robots with Marangoni propulsion. Nat Commun 16, 4238 (2025). https://doi.org/10.1038/s41467-025-59559-8