Un recyclage plus écologique pour le PET

2023 EPFL/DePoly- CC-BY-SA 4.0

2023 EPFL/DePoly- CC-BY-SA 4.0

Recycler le PET à température ambiante, même lorsqu’il est mélangé avec d’autres plastiques ou sale : la spin-off DePoly a démontré la faisabilité de son procédé avec un dispositif pilote capable de traiter 50 tonnes par an. Grâce à une récente levée de fonds de 12,3 millions, elle prépare une usine d’une capacité 10 fois plus élevée.

Habits, bouteilles, emballages, chaussures… fort de son image de produit recyclable, le PET est teinté de vert dans l’imaginaire collectif. Pourtant, sur les 45’000 tonnes de bouteilles produites chaque année en Suisse, près de 20% ne passeront pas par les filières de recyclage d’après les chiffres de l’association faîtière Swissrecycling. Mélangé avec d’autres plastiques ou sale, le PET est incinéré. La Suisse est pourtant bonne élève en la matière : ce taux est inférieur à 50% à l’échelle de la planète, selon une étude menée pour l’ONG Zero Waste Europe. Afin d’améliorer ce bilan carbone, DePoly, une start-up de l’EPFL, propose une solution à température ambiante permettant de traiter ce matériau même lorsqu’il est étroitement lié avec d’autres fibres ou souillé. Son unité pilote permet actuellement de recycler 50 tonnes par an. Grâce à une toute récente levée de fonds de 12,3 millions, la jeune entreprise va s’atteler à mettre en fonction dès 2024 une usine d’une capacité de 500 tonnes par an afin de démontrer la faisabilité à une échelle industrielle.

Comme le processus ne nécessite pas de chauffage, il permet de garder intact d’autres composés, comme le coton, qui serait mélangé avec du PET dans des habits par exemple

Samantha Anderson, CEO

Le tri n’est pas nécessaire

Lorsque Samantha Anderson, une canadienne débarquée en Suisse en 2015 pour y effectuer son doctorat, présente son processus de recyclage du polyéthylène téréphtalate (PET), cela semble simple. Le plastique, tous types et couleurs confondus, est broyé puis mélangé avec des composants chimiques dont la recette est évidemment gardée secrète. Après quelques heures, tous les autres types de plastique restent intacts et peuvent être évacués vers d’autres filières. Les polymères du PET sont séparés et ressortent sous la forme de poudre (acide téréphtalique) et de liquide (l’éthylène glycol), qui pourront servir à la fabrication de nouveau matériau. Le procédé s’insère dans la filière actuelle et pourrait être adapté pour le traitement d’autres types de plastiques. « Comme le processus ne nécessite pas de chauffage, il permet de garder intact d’autres composés, comme le coton, qui serait mélangé avec du PET dans des habits par exemple », souligne la CEO.

Christopher Ireland, Samantha Anderson and Bardiya Valizadeh, cofounders 2023 EPFL/DePoly - CC-BY-SA 4.0

Suite à l’obtention de son doctorat en 2019, la chercheuse tenait à mettre son savoir au service de « quelque chose d’utile à la société ». Elle teste donc avec ses deux cofondateurs, Bardiya Valizadeh et Christopher Ireland, durant plusieurs mois, des formules d’un procédé mis au point au Laboratoire de simulation moléculaire de l’EPFL à Sion. C’est un vendredi soir en fin de journée que pour la première fois le PET commence à se décomposer sous ses yeux. À leur retour au laboratoire le lundi matin, la matière est entièrement décomposée. Reste à l’équipe à peaufiner la formule, adapter les quantités, espérer que cela fonctionne pour des volumes plus importants. Lorsqu’on parle de procédé chimique, on craint de perdre en polluants tous les avantages du traitement. « Les molécules utilisées sont en vente dans le commerce, de plus elles ne sont pas à usage unique », souligne Samantha Anderson.

Avec la levée de fonds de 12,3 millions conclue il y a quelques jours, la start-up va élaborer sa première usine de démonstration en Valais. Prévue pour 2024, elle aura pour mission de traiter ce qui ne peut pas être recyclé par la filière habituelle : le PET sale, ou non trié. Vainqueur du prestigieux prix Venture en 2019, classée dans les 100 start-up suisses les plus prometteuses depuis trois ans, elle semble convaincre les spécialistes suisses des jeunes pousses. Mais l’ambitieuse jeune femme vise déjà l’international. La solution ne serait-elle pas plutôt d’éradiquer le plastique de nos habitudes que de trouver des solutions palliatives ? « C’est vrai, j’en suis la première convaincue, admet-elle. Cependant le jour où il aura disparu de nos habitudes est loin d’arriver. En attendant, des tonnes de matière sont incinérées chaque jour faute d’être parfaitement triées ou légèrement souillées. »


Auteur: Cécilia Carron

Source: EPFL

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