Un procédé rend le captage du carbone plus sélectif et moins coûteux

Crédit: iStock (Boy Wirat)

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Des scientifiques de l’EPFL ont mis au point une méthode évolutive pour produire des membranes de graphène poreuses qui séparent efficacement le dioxyde de carbone. Cette avancée pourrait réduire le coût et l’empreinte écologique de la technologie de captage du carbone.

Le captage du dioxyde de carbone (CO2) issu des émissions industrielles est essentiel dans la lutte contre le changement climatique. Cependant, les méthodes actuelles, comme l’absorption chimique, sont coûteuses et énergivores. Les scientifiques considèrent depuis longtemps le graphène – un matériau mince et ultrarésistant – comme une alternative prometteuse pour la séparation gazeuse. Cependant, fabriquer des membranes de graphène efficaces et de grande surface reste un défi.

Une équipe de l’EPFL, dirigée par le professeur Kumar Agrawal, titulaire de la Chaire Gaznat (capture et valorisation de CO2), vient de mettre au point une technique évolutive pour créer des membranes de graphène poreuses qui filtrent sélectivement le CO2 des mélanges gazeux. Son approche permet de réduire les coûts de production tout en améliorant la qualité et les performances des membranes, ouvrant ainsi la voie à des applications concrètes dans le domaine du captage du carbone et au-delà.

Les membranes de graphène sont excellentes pour séparer les gaz, car elles peuvent être conçues avec des pores de la bonne taille pour laisser passer le CO2 tout en bloquant les molécules plus grosses, telles que l’azote. Elles sont donc idéales pour capturer les émissions de CO2 des centrales électriques et des processus industriels. Mais il y a un hic: la fabrication de ces membranes à une échelle significative est difficile et coûteuse.

La plupart des méthodes existantes emploient des feuilles de cuivre, au coût élevé, pour produire du graphène de haute qualité nécessaire aux membranes. Elles nécessitent également des techniques de manipulation délicates qui introduisent souvent des fissures, réduisant ainsi l’efficacité des membranes. Le défi a consisté à trouver un moyen de créer de grandes membranes de graphène de haute qualité de manière économique et reproductible.

L’équipe de l’EPFL a relevé ce défi. Tout d’abord, les scientifiques ont mis au point une méthode pour produire du graphène de haute qualité sur des feuilles de cuivre bon marché, ce qui a significativement réduit les dépenses matérielles. Ensuite, ils ont amélioré un processus chimique utilisant l’ozone (O3) pour graver de minuscules pores dans le graphène, permettant une filtration hautement sélective du CO2. Surtout, ils ont optimisé la façon dont le gaz interagit avec le graphène, assurant une formation uniforme des pores sur de grandes surfaces, une étape clé vers l’évolutivité industrielle.

Pour résoudre le problème de la fragilité des membranes, les chercheuses et chercheurs ont aussi élaboré une nouvelle technique de transfert. Au lieu de faire flotter le délicat film de graphène sur un support, ce qui entraîne souvent des fissures, ils ont conçu un processus de transfert direct à l’intérieur du module membranaire qui élimine les problèmes de manipulation et réduit les taux de défaillance à presque rien.

Grâce à leur nouvelle approche, les scientifiques ont réussi à créer des membranes de graphène de 50 cm² – une surface beaucoup plus grande que ce qui était faisable auparavant – avec une intégrité presque parfaite. Les membranes ont montré une sélectivité exceptionnelle du CO2 et une perméance élevée aux gaz, ce qui signifie qu’elles laissent passer efficacement le CO2 tout en bloquant les gaz indésirables.

En outre, en optimisant le processus d’oxydation, les scientifiques ont pu augmenter la densité des pores sélectifs pour le CO2, améliorant ainsi les performances. Des simulations informatiques ont confirmé que l’amélioration du flux gazeux à travers la membrane a joué un rôle crucial dans l’obtention de ces résultats.

Schéma d’une membrane de graphène séparant le CO2 du N2. 2025 EPFL/Ivan Savicev CC-BY-SA 4.0
Une membrane de graphène séparant le CO2 du N2. 2025 EPFL/Ivan Savicev CC-BY-SA 4.0

Cette avancée pourrait changer la donne pour le captage du carbone. Les technologies traditionnelles de captage du CO2 reposent sur des procédés chimiques énergivores, ce qui les rend complexes et coûteuses pour une utilisation généralisée. Les membranes de graphène, quant à elles, ne nécessitent aucun apport de chaleur et fonctionnent à l’aide d’une simple filtration sous pression, ce qui réduit nettement la consommation d’énergie.

Au-delà du captage du carbone, cette méthode pourrait être appliquée à d’autres besoins de séparation gazeuse, y compris la purification de l’hydrogène et la production d’oxygène. Grâce à son procédé de fabrication évolutif et à ses matériaux économiques, l’innovation de l’EPFL rapproche les membranes en graphène de leur viabilité commerciale.

Références

Jian Hao, Piotr Mieczyslaw Gebolis, Piotr Marcin Gach, Mojtaba Chevalier, Luc Sébastien Bondaz, Ceren Kocaman, Kuang-Jung Hsu, Kapil Bhorkar, Deep J. Babu, Kumar Varoon Agrawal. Scalable synthesis of CO₂-selective porous single-layer graphene membranes. Nature Chemical Engineering 11 April 2025. DOI: 10.1038/s44286-025-00203-z


Auteur: Nik Papageorgiou

Source: EPFL

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