Un peigne compact pour la photonique de nouvelle génération

Générateur de peignes de fréquences électro-optiques hybrides. Plus de 2000 lignes couvrant 450 nm sont générées dans un espace <1 cm². Crédit : Junyin Zhang (EPFL)

Générateur de peignes de fréquences électro-optiques hybrides. Plus de 2000 lignes couvrant 450 nm sont générées dans un espace <1 cm². Crédit : Junyin Zhang (EPFL)

Des chercheuses et chercheurs ont créé un peigne électro-optique à bande ultra-large qui réunit 450 nm de précision lumineuse dans une puce plus petite qu’une pièce de monnaie, ouvrant ainsi la voie à des dispositifs photoniques plus intelligents et plus efficaces.

Dans le domaine de l’optique moderne, les peignes de fréquences sont des outils précieux. Ces dispositifs servent de règles pour mesurer la lumière, permettant des avancées dans les télécommunications, la surveillance de l’environnement et même l’astrophysique. Mais créer des peignes de fréquences compacts et efficaces a été un défi jusqu’à présent.

Introduits en 1993, les peignes de fréquences électro-optiques se sont révélés prometteurs pour la génération de peignes optiques par modulation de phase en cascade, mais les progrès ont ralenti en raison de leur forte demande de puissance et de leur largeur de bande limitée. C’est ainsi que le domaine a été dominé par les lasers femtosecondes et les micropeignes à solitons Kerr qui, bien qu’efficaces, nécessitent un réglage complexe et une puissance élevée, ce qui limite l’utilisation sur le terrain.

Mais les avancées récentes dans les circuits photoniques intégrés électro-optiques en couches minces ont suscité un regain d’intérêt, avec des matériaux comme le niobate de lithium. Cependant, atteindre une bande passante plus large avec une puissance moindre est resté un défi, la biréfringence intrinsèque (fractionnement des faisceaux lumineux) du niobate de lithium fixant également une limite supérieure pour la bande passante réalisable.

Des scientifiques de l’EPFL, de la Colorado School of Mines et de la China Academy of Science se sont penchés sur ce problème en combinant des micro-ondes et des circuits optiques sur la nouvelle plateforme de tantalate de lithium. Comparé au niobate de lithium, le tantalate de lithium présente une biréfringence intrinsèque 17 fois plus faible. Sous la direction du professeur Tobias J. Kippenberg, les chercheuses et chercheurs ont développé un générateur de peignes de fréquences électro-optiques qui atteint une couverture spectrale sans précédent de 450 nm avec plus de 2000 lignes de peigne. Cette avancée étend la bande passante du dispositif et réduit les besoins en puissance hyperfréquence de près de 20 fois par rapport aux conceptions précédentes.

L’équipe a introduit une architecture «triple résonance intégrée», où trois champs en interaction – deux optiques et un micro-ondes – résonnent en harmonie. Cela a été réalisé à l’aide d’un nouveau système co-conçu qui intègre des circuits micro-ondes monolithiques avec des composants photoniques. En intégrant un résonateur à guide d’ondes coplanaire distribué sur des circuits intégrés photoniques au tantalate de lithium, l’équipe a significativement amélioré le confinement micro-ondes et l’efficacité énergétique.

La taille compacte du dispositif, occupant un espace de 1 x 1 cm², a été rendue possible grâce à la faible biréfringence du tantalate de lithium. Cela minimise les interférences entre les ondes lumineuses, ce qui permet une génération fluide et cohérente de peignes de fréquences. De plus, le dispositif fonctionne à l’aide d’une simple diode laser distribuée à rétroaction libre, ce qui le rend beaucoup plus convivial que ses homologues à solitons Kerr.

La portée à très large bande du nouveau générateur de peignes, couvrant 450 nm, dépasse les limites des technologies électro-optiques actuelles. Il y parvient avec un fonctionnement stable sur 90 % de la plage spectrale libre, éliminant ainsi le besoin de mécanismes de réglage complexes. Cette stabilité et cette simplicité ouvrent la voie à une application pratique et déployable sur le terrain.

Le nouveau dispositif peut représenter un changement de paradigme dans le domaine de la photonique. Grâce à sa conception robuste et à son faible encombrement, il peut impacter des domaines tels que la robotique, où la télémétrie laser précise est essentielle, et la surveillance de l’environnement, où la détection précise des gaz est essentielle. En outre, le succès de cette méthodologie de co-conception souligne le potentiel inexploité de l’intégration de l’ingénierie micro-ondes et photonique pour les dispositifs de prochaine génération.

Tous les échantillons ont été fabriqués au Centre de MicroNanoTechnologie (CMi) et dans la salle blanche de l’Institut de physique (IPHYS) de l’EPFL. Les plaquettes LTOI ont été fabriquées à Shanghai Novel Si Integration Technology (NSIT) et au SIMIT-CAS.

Financement

Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS)

Références

Junyin Zhang, Chengli Wang, Connor Denney, Johann Riemensberger, Grigory Lihachev, Jianqi Hu, Wil Kao, Terence Blésin, Nikolai Kuznetsov, Zihan Li, Mikhail Churaev, Xin Ou, Gabriel Santamaria-Botello, Tobias J. Kippenberg. Ultrabroadband integrated electro-optic frequency comb in lithium tantalate. Nature 22 janvier 2024. DOI: 10.1038/s41586-024-08354-4


Auteur: Nik Papageorgiou

Source: EPFL

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