Un outil pour identifier les coraux les plus résistants

Face au réchauffement climatique, impossible de préserver tous les récifs coralliens. Il faudra donc cibler. Des chercheurs de l’EPFL dévoilent dans Evolutionary Applications une méthode permettant d’établir quels coraux s’adaptent le mieux au stress thermique. Cette étude promet d’améliorer considérablement les stratégies de conservation de la biodiversité marine.

Hébergeant jusqu'à un tiers de la biodiversité marine, les écosystèmes coralliens doivent être préservés en priorité. Leur déclin exponentiel entraîne depuis vingt ans la disparition de nombreuses espèces ainsi que l’émergence de difficultés socio-économiques dans les zones tropicales où des activités telles que la pêche et le tourisme prédominent. À l'origine de ce problème se trouve le blanchissement des coraux, phénomène de dépérissement de l'organisme.

Les coraux blanchissent après avoir subi un stress thermique, cette fragilisation pouvant entraîner leur mort. Selon Oliver Selmoni, du Laboratoire de systèmes d’information géographique de l'EPFL, « le futur des récifs dépendra de la capacité des coraux à supporter le réchauffement des océans. La température est la raison majeure de la mort des coraux et nous avons trouvé un moyen de prédire quels sont les coraux plus ou moins sensibles à la température. C’est une information qui en l’état actuel est complètement absente dans les stratégies de conservation à l’échelle mondiale. »

Si les chercheurs s’accordent à dire que certains coraux se seraient habitués à des températures plus élevées pour mieux résister aux vagues de chaleur anormales, il reste difficile d’en déduire une systématique à l’échelle d’un récif. L’étude menée à l’EPFL, en partenariat avec l’Institut français de recherche pour le développement (IRD) de Nouméa en Nouvelle-Calédonie et avec les soutiens de l’United Nations Environment (UNEP) et l’International Coral Reef Initiative (ICRI), consiste à mettre en place une méthode pour localiser ces coraux « adaptatifs ». Il s’agit aussi de définir comment utiliser ces informations pour mieux protéger les coraux en renforçant leur potentiel d’adaptation. 

Une recherche sur deux axes

C’est la première fois qu’une analyse dite de « génomique environnementale » s’attache au milieu marin dans une perspective de conservation des coraux. Concentrée sur une espèce de corail phare de l’archipel de Ryukyu au Japon, l’étude associe informations génétiques et données satellitaires. Cette recherche sur deux axes recoupe ainsi une analyse génétique des coraux, localisés avec des informations environnementales liées aux variations thermiques de la mer durant les trente dernières années.

Afin de comprendre quelles variantes génétiques permettent aux coraux de vivre dans un environnement plutôt que dans un autre, les chercheurs ont établi un modèle pour calculer la probabilité d’adaptation en fonction d'indices objectifs, quantifiables et cartographiables. Cette démarche a révélé six régions génomiques impliquées dans la résistance des coraux au stress thermique. « Nous avons pu identifier les individus porteurs de génotypes adaptatifs potentiels et comprendre comment ils se dispersent vers les récifs voisins », expliquent les chercheurs.

À plus large échelle

Alors qu'aujourd'hui les aires marines protégées sont définies en fonction des sollicitations dues à l'activité humaine, les chercheurs de l'EPFL souhaitent déterminer leurs emplacements selon les capacités d’adaptation des coraux pour protéger les récifs ayant le plus de chances de survivre. Une autre solution à envisager serait de favoriser les mutations génétiques en transplantant des coraux adaptatifs dans des zones récifales moins résistantes à la hausse des températures.

Suite à une preuve de concept concluante, une application web a été développée au service des gestionnaires de zones marines protégées. Cet outil intègre des fonctions de hiérarchisation des coraux et devrait se développer à plus large échelle. En effet, les chercheurs de l’EPFL souhaitent étendre cette analyse à plusieurs espèces de corail afin d’intégrer davantage de caractéristiques génétiques. Deux projets d’envergure vont également appliquer cette approche à d’autres zones récifales dans lemonde : le Transnational Red Sea Center, fondé par le professeur Anders Meibom à l’EPFL et soutenu par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) pour promouvoir la conservation des récifs coralliens de la mer Rouge, et le réseau ManaCo, consortium sur la région pacifique visant à introduire de nouveaux outils de conservation marine.

Références

Seascape genomics as a new tool to empower coral reef conservation strategies: an example on north‐western Pacific Acropora digitifera.
Oliver Selmoni, Estelle Rochat, Gael Lecellier, Veronique Berteaux‐Lecellier, Stéphane Joost.

First published: 07 March 2020
https://doi.org/10.1111/eva.12944