Un nouveau Master qui appelle à repenser la gestion des villes

Le Master en systèmes urbains offre une perspective systémique et interdisciplinaire. © HKaerial 2025 EPFL
La Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit (ENAC) proposera dès la rentrée 2025 un Master en systèmes urbains. Son objectif est de former des spécialistes pour gérer de manière durable les zones urbaines et les territoires environnants. Les inscriptions sont ouvertes jusqu'au 31 mars.
Le changement climatique, l’épuisement des ressources naturelles ou encore l’impact des activités humaines et industrielles sur l’environnement et la santé, amènent à repenser la gestion des villes et des zones urbaines. Pour former des expertes et experts capables d’appréhender les défis liés à la durabilité en sortant du silo de leur discipline, la Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit (ENAC) proposera dès la rentrée 2025 un nouveau Master en systèmes urbains. « Notre but est d’amener une vision interdisciplinaire, avec des ingénieures, ingénieurs, et architectes capables de penser de manière systémique la transition des territoires, relève Vincent Kaufmann, professeur à l’EPFL responsable du laboratoire de sociologie urbaine (LASUR) et directeur académique de ce nouveau Master. Nous avons une forte demande des associations professionnelles en ce sens. » Et d’ajouter, « à l’EPFL, nous formons des ingénieures et ingénieurs très performants pour identifier des solutions techniques à des problèmes complexes, et nous visons avec cette nouvelle formation à atteindre l’excellence dans l’apport de compétences qui vont permettre d’implémenter ces solutions. »
Notre but est d’amener une vision interdisciplinaire, avec des ingénieures, ingénieurs, et architectes capables de penser de manière systémique la transition des territoires.
Ce Master conférera le droit de porter le titre d’ingénieure ou ingénieur EPF, les diplômés et diplômées devront donc disposer d’excellentes compétences mathématiques et techniques. Mais l’objectif est qu’ils soient également des stratèges faisant preuve de créativité dans la recherche de solutions tout en prenant en compte les aspects politiques, sociaux et économiques. Le programme mettra l’accent sur une approche par la pratique via des projets et des ateliers avec des intervenantes et intervenants externes. Après un cursus de base, les étudiantes et étudiants pourront choisir entre trois spécialisations : mobilité et transports face au changement climatique, transitions écologiques dans les systèmes urbains et santé et bien-être en milieu urbain. « Il y a eu beaucoup d’itération sur ces spécialisations. Nous les avons retenues, car elles concernent des enjeux actuels très importants », explique Vincent Kaufmann.
Nous avons un gros besoin d’ingénieures et ingénieurs qui ne sont pas des spécialistes, mais des généralistes qui comprennent l’ensemble du système, avec une vision macro.
Transition écologique et nouveau paradigme
En matière de mobilité, un des principaux défis est la croissance très forte du trafic, mais aussi le réchauffement climatique qui pèse sur les infrastructures. Les CFF financent d’ailleurs durant 5 ans un poste à 20% de «Professor of Practice» dédié à ce nouveau Master. « Nous devons mieux utiliser et optimiser les infrastructures pour qu’elles soient résilientes. Dans notre pays, la mobilité ferroviaire est un facteur clé, relève Vincent Ducrot, directeur général des CFF et diplômé de l’EPFL en génie électrique. Nous avons un gros besoin d’ingénieures et ingénieurs qui ne sont pas des spécialistes, mais des généralistes qui comprennent l’ensemble du système, avec une vision macro. »
Nous devons arrêter le réflexe de destruction et de construction, valoriser l’existant, privilégier l’économie circulaire, respecter la nature.
La transition écologique appelle un changement de paradigme qui impose de prendre en compte les dimensions sociales, politiques et culturelles dans l’aménagement des zones urbaines et des territoires environnants. « Nous devons arrêter le réflexe de destruction et de construction, valoriser l’existant, privilégier l’économie circulaire, respecter la nature. Il faut repenser l’organisation territoriale, on se rend compte que la densification à coup de projets immobiliers neufs, telle qu’a été prônée ces dernières décennies, pose problème en matière d’impact écologique. Mais cette nouvelle vision est encore confrontée à beaucoup de résistances dans le milieu politique et celui de la construction », relève Luca Pattaroni, professeur à l’EPFL à la direction du LASUR, et à la tête de la spécialisation transitions écologiques dans les systèmes urbains.
Exploiter les données pour un impact durable
Aux futurs diplômés et diplômées du Master d’implémenter cette nouvelle culture du bâti, qui passe aussi par l’exploitation pertinente des nombreuses données à disposition. La spécialisation santé et bien-être en milieu urbain vise justement à en faire usage pour mieux évaluer les travaux effectués afin d’atténuer les effets du réchauffement climatique sur la qualité de vie et la santé. « Nous disposons de beaucoup de données sur la population qui sont inutilisées. En matière de gestion urbaine, elles permettent de mesurer l’impact des actions entreprises, par exemple le fait de privilégier des infrastructures bleues (rivières, lacs, étangs, etc..) et vertes (plantation d’arbres, parois végétalisées etc..) pour lutter contre les îlots de chaleur ou l’imperméabilisation des sols », relève Stéphane Joost, maître d’enseignement et de recherche au laboratoire de géochimie biologique (GEOME-LGB), et responsable de la spécialisation santé et bien-être en milieu urbain.
Nous disposons de beaucoup de données sur la population qui sont inutilisées. En matière de gestion urbaine, elles permettent de mesurer l’impact des actions entreprises.
Exploiter les données démographiques et socio-économiques est également utile pour s’assurer que l’aménagement des zones urbaines profite à toutes les couches de la population. « Les gens ne sont pas répartis sur le territoire au hasard, la mixité socio-économique n’a jamais existé dans les quartiers, et les études montrent que les personnes avec un statut socio-économique bas sont plus exposées aux risques pour la santé, notamment à la pollution. Les quartiers du Vallon ou de la Bourdonnette illustrent ce type de problème qui ne doit pas être rejeté sur la responsabilité individuelle, car pour des raisons économiques, beaucoup de gens n’ont pas le choix », explique Stéphane Joost.
En offrant une perspective systémique, le Master en systèmes urbains vise à apporter un nouvel ensemble de compétences à la croisée de l’architecture, du génie civil et des sciences et ingénierie de l’environnement, les trois sections de l’ENAC. « La structure de notre faculté permet cette vision novatrice, et il ne s’agit pas uniquement de la porter en Suisse. Nous envisageons également de développer des collaborations internationales afin d’étendre l’impact de cette formation », note Marina Nicollier, coordinatrice de ce nouveau Master.