Un nouveau livre explore plus de 200 ans d'énergie en Suisse
Nicolas Chachereau, chercheur au CDH, et Cédric Humair, maître d’enseignement et de recherche à l’Unil, viennent de publier L'énergie en Suisse : De 1800 à nos jours dans lequel ils retracent l’histoire de la production et de la consommation d’énergie en Suisse, du bois aux énergies renouvelables.
L’objectif du livre est de combler un manque historiographique en proposant une synthèse de l’histoire énergétique suisse au cours des deux derniers siècles.
« Des études existent sur des sources d’énergie spécifiques, mais il n’existait pas de livre offrant une vue d’ensemble en français », explique Nicolas Chachereau.
Le livre s’ouvre sur la plus ancienne forme d’énergie, l’énergie animale et le bois, puis suit une progression plus ou moins chronologique avec le charbon, l’hydroélectricité, le pétrole et le gaz naturel, le nucléaire, et enfin les énergies renouvelables.
« Il y a un risque de donner l’impression que chaque source d’énergie remplace simplement la précédente », précise-t-il. « Mais il est rare qu’une source d’énergie disparaisse complètement. Il s’agit plutôt d’une addition et non d’un remplacement. »
Les deux historiens soulignent que certaines sources d'énergie, en acquérant une importance majeure, ont contribué à provoquer de grands changements dans la société. L'introduction du charbon a par exemple marqué un bouleversement majeur en augmentant considérablement l’énergie disponible dans le pays, sans pour autant remplacer les sources existantes. Le pétrole a eu un impact similaire en 1945, modifiant l'agencement des villes en permettant aux gens de vivre plus loin les uns des autres grâce à la généralisation des automobiles.
Dans leur livre, les chercheurs identifient deux groupes d’acteurs ayant exercé une influence majeure sur la trajectoire énergétique de la Suisse : les producteurs et distributeurs d’énergie, et les entreprises grandes consommatrices d’énergie. Ces deux groupes ont historiquement, et continuent d’avoir, une grande influence sur la politique énergétique.
Leurs objectifs peuvent s’aligner ou diverger en fonction des situations. Alors que le premier groupe cherche à stimuler la consommation pour augmenter ses profits, le second cherche à obtenir l’énergie la moins coûteuse. Il est cependant essentiel pour les deux que la source d’énergie soit abondante et disponible à tout moment.
« Les entreprises qui produisent et distribuent l’énergie sont plus enclines à privilégier une source offrant des perspectives de profits et toujours disponible », explique Nicolas Chachereau. Cela est particulièrement vrai pour des énergies comme le pétrole et le nucléaire, moins pour l’éolien, par exemple.
Le livre couvre également des problématiques contemporaines, offrant à la fois un contexte historique utile et une analyse des enjeux actuels. Sur la question de la responsabilité dans la crise climatique actuelle, par exemple, Nicolas Chachereau se tourne vers le passé pour montrer que le débat sur la répartition des responsabilités entre producteurs et consommateurs n’est pas nouveau. Et l’accumulation des sources d’énergie au fil du temps rappelle qu’il faut non seulement en trouver de nouvelles mais aussi repenser la consommation des sources existantes.
« On peut en faire beaucoup avec le solaire, mais si l’on ne fait rien pour réduire en parallèle l’utilisation des énergies fossiles, cela ne changera rien », souligne l’historien.
« Face au changement climatique, il est important d’avoir cette perspective historique », ajoute-t-il. « L’histoire montre qu’il n’y a jamais eu de solution miracle. »
Traduit de l'anglais par Yohann Guffroy