Un nouveau catalyseur transforme l'azote de l'air en ammoniac

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Des scientifiques de l’EPFL ont créé un catalyseur à l’uranium qui convertit l’azote gazeux en ammoniac à l’aide d’une méthode de liaison unique, ce qui permettrait d’envisager une production d’engrais plus durable.
L’ammoniac (NH₃) est vital pour l’agriculture car il sert de base à la fabrication des engrais azotés, nécessaires pour nourrir la population mondiale. Actuellement, l’ammoniac est principalement produit par le procédé Haber-Bosch, qui transforme l’azote gazeux (N₂) de l’air en ammoniac. Le problème est que ce procédé nécessite d’énormes quantités d’énergie et génère d’importantes émissions de gaz.
Les scientifiques recherchent depuis longtemps des moyens plus efficaces et plus respectueux de l’environnement pour produire de l’ammoniac. La nature le fait efficacement grâce à des enzymes appelées nitrogénases, mais reproduire ces processus biologiques à l’échelle industrielle s’avère difficile.
«Tous les catalyseurs moléculaires développés jusqu’à présent fixent généralement des molécules d’azote – qui sont composées de deux atomes d’azote collés entre eux – à un seul centre métallique selon une disposition linéaire “en bout de chaîne”. Cela signifie qu’une molécule d’azote ne se lie qu’à un seul métal par un seul de ses deux atomes», indique la professeure Marinella Mazzanti de l’EPFL. «À l’inverse, la nature utilise une approche multimétallique, dans laquelle les molécules d’azote se lient à plusieurs métaux. Une option serait que l’azote se lie “de façon latérale”, autrement dit que les deux atomes d’azote se lient à deux métaux, ce qui facilite la rupture de leurs fortes liaisons.»
S’inspirer de la nature
L’équipe dirigée par Marinella Mazzanti vient de mettre au point le premier catalyseur à uranium moléculaire capable de lier l’azote gazeux de manière latérale et de le convertir en ammoniac. Ses travaux révèlent une nouvelle voie catalytique, faisant le lien entre l’efficacité biologique et la faisabilité industrielle, et préfigurant des méthodes de production d’ammoniac plus durables.
Les scientifiques ont créé une molécule spéciale en utilisant de l’uranium associé à un ligand triamidoamine, permettant ainsi de produire un complexe moléculaire capable de retenir l’azote gazeux (N₂) latéralement. Ils ont ensuite progressivement réduit l’azote gazeux en ajoutant des électrons étape par étape, brisant ainsi la puissante liaison entre les deux atomes composant la molécule d’azote. Les chercheuses et chercheurs ont soigneusement étudié et isolé différentes étapes de ce processus de réduction, créant des molécules intermédiaires (formes d’azote telles que N₂²⁻, N₂³⁻ et N₂⁴⁻) jusqu’à diviser complètement l’azote en deux ions nitrure distincts (N³⁻).
Produire de l’ammoniac autrement
Leurs expériences ont montré que le complexe d’uranium pouvait fonctionner de façon répétée dans un cycle, transformant effectivement l’azote gazeux en ammoniac plusieurs fois; plus précisément, jusqu’à 8,8 équivalents d’ammoniac par catalyseur d’uranium. Cette étude a démontré pour la première fois que la fixation latérale de l’azote, un mode de fixation probable dans les enzymes naturelles, peut fournir une voie viable pour la production d’ammoniac.
Le catalyseur révèle des étapes jusqu’alors inconnues de la chimie de conversion de l’azote et montre que l’uranium, l’un des premiers métaux utilisés dans l’industrie pour fabriquer de l’ammoniac, possède encore un potentiel inexploité.
Cette découverte fournit des informations cruciales sur la chimie de l’azote et montre comment les systèmes à base d’uranium peuvent ouvrir de nouvelles voies pour les futures technologies de production d’ammoniac.
Autres contributeurs
- Université de Manchester (Royaume-Uni)
- Université de Bretagne Occidentale (France)
Swiss National Science Foundation (SNSF)
UK Engineering and Physical Sciences Research Council (EPSRC)
EPFL
University of Manchester
UK National Nuclear Laboratory
EPSRC Centre for Doctoral Training in Integrated Catalysis
Alexander von Humboldt Foundation
Mikhail S. Batov, Heather T. Partlow, Lucile Chatelain, John A. Seed, Rosario Scopelliti, Ivica Zivkovic, Ralph W. Adams, Stephen T. Liddle, Marinella Mazzanti. Catalytic and stoichiometric stepwise conversion of side-on bound di-nitrogen to ammonia mediated by a uranium complex. Nature Chemistry 16 juillet 2025. DOI: 10.1038/s41557-025-01867-z