Un métro à grande vitesse dans les Alpes Suisse ?

© 2022 UNIL / EPFL

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Un nouveau projet mené par l’EPFL et conduit par le Prof. L. Laloui (LMS) et l’UNIL avec le Prof. M. Jaboyedoff (ISTE) vise à explorer le potentiel usage de transport à grande vitesse en montagne pour promouvoir le tourisme Alpin durable ainsi que d’aider les communautés régionales à rester attractives afin de ralentir l’urbanisation croissante.
Alors que la population de nos villes ne fait qu’augmenter, souvent au détriment des collectivités régionales, L’EPFL et l’UNIL cherchent de potentielles solutions afin de connecter les collectivités alpines régionales aux voies de transport à grande vitesse de la manière la plus durable possible.

L'EPFL et l'UNIL sont situées à Lausanne, la capitale du canton suisse du Vaud, qui est actuellement bien desservie par des infrastructures de transport modernes entre villes. Cependant, les voyageurs des régions les plus éloignées telles que les Alpes vaudoises dépendent de véhicules privés pour se rendre au travail, ce qui entraîne souvent de longs trajets coûteux et polluants lors des trafics denses. De même, le trafic hivernal entre les stations de ski et les villages alentour repose principalement sur des véhicules privés ou des bus possédant des itinéraires longs et sinueux en raison de la topographie des Alpes, qui de plus sont à la merci des intempéries pouvant ainsi entrainer des fermetures. Une solution possible pour ces voyageurs serait le développement d’une ligne ferroviaire à grande vitesse (de type métro) à travers les Alpes Vaudoises, se connectant aux infrastructures interurbaines et régionales existantes. Une telle ligne améliorerait non seulement les options de transport durable au sein et entre les communautés de la région, mais pourrait également offrir des avantages en matière d'énergie renouvelable, réduire les émissions de CO2 et améliorer le tourisme régional. Afin d’explorer ces opportunités, les l’ISTE à l’UNIL et le LMS à l’EPFL ont joint leurs forces pour examiner la faisabilité d’un tel concept en s’appuyant sur les travaux de Rocco Wennubst Pedrini, fraîchement diplômé en génie civil de l’université de Delft, qui a travaillé sur une étude préliminaire du projet et rejoindra le groupe du Prof. Jaboyedoff de l’UNIL en février prochain. Par le biais de CLIMACT, une initiative conjointe dont la mission est de promouvoir le changement à l'échelle du système ainsi que la recherche interdisciplinaire et interinstitutionnelle dans le domaine de l'impact climatique a été initiée, l'objectif étant d'explorer les principaux défis liés au développement de telles infrastructures de transport, y compris le forage et le creusement de tunnels et de l'exploitation de trains à grande vitesse de style métro avec des pentes allant jusqu'à 12 %, ce qui serait une première mondiale.

L'objectif premier du projet est d'évaluer le potentiel d'une telle ligne de train. Cela impliquera la création d'un modèle géologique 3D, proposer un itinéraire proposé, explorer les potentielles technologies d'excavation capables de forer à des pentes abruptes et les différentes technologies de train afin de voyager sur un tel itinéraire. Le trafic existant, les changements démographiques prévus dans la région et les modèles hydrogéologiques et géothermiques de la région seront également développés dans l'objectif principal d'explorer les potentiels de récupération d'énergie et d'économies d'émissions de CO2 d’un tel projet dans l’éventualité qu’un tel itinéraire serait construit.

Croquis illustratif par Rocco Wennubst Pedrini. © 2022 UNIL / EPFL

Le Prof. Jaboyedoff pousse depuis longtemps ce projet « Le VAlp Express prend ses racines dans le vieux rêve de relier les Diablerets à Gstaad par un tunnel sous le col du Pillon poursuivant le tracé du train de montagne Aigle-Sepey-Diablerets. De nos jours, l’enjeu est de savoir si habiter les Alpes reste viable énergétiquement et économiquement. Parce qu’il permettrait de voyager d’Aigle à Villars en 7 minutes et en moins 25 minutes à Château-d’Oex, ce métro deviendrait le moyen de transport prioritaire des habitants de ces stations et les réunirait en une seule station pour favoriser un tourisme doux et diversifié, ainsi que le transport de marchandises. VAlp Express est un concept qui, si nous démontrons qu’il a un impact environnemental positif sur le long terme, peut potentiellement devenir un produit suisse exportable dans les contrées montagneuses du monde. Mais avant d’atteindre un tel objectif, de nombreuses compétences de l’EPFL et de l’UNIL devront être mises à contribution pour relever ce défi technique et scientifique : génie civil (excavation), géologie, énergie, mécanique (aérodynamique, traction), mobilité, etc. CLIMACT nous donne l’opportunité de faire une première évaluation de faisabilité de ce projet de recherche un peu fou, qui, j’en ai la conviction, prendra de l’ampleur au sein de nos deux institutions ».

Sofie ten Bosch, assistante de recherche au sein du groupe de recherche du Prof. Laloui à l'EPFL, déclare que la nature interdisciplinaire du projet est parfaite pour l'initiative conjointe CLIMACT entre l'EPFL et l'UNIL, et bien que le projet soit ambitieux, les avantages potentiels pour la région et en tant que modèle possible pour d'autres projets similaires à travers le monde, est immense.

« Nous étudions la question suivante : est-ce que vivre dans les montagnes est toujours durable ? Il s'agit vraiment d’un casse-tête qui comprend des domaines en dehors de l'ingénierie, de ce fait ce projet va bien au-delà de la portée normale de notre laboratoire. Nous avons de nombreuses parties prenantes avec lesquelles nous devons parler et auprès desquelles nous devons collecter des données. Par exemple, combien de passagers attendons-nous en fonction des saisons touristiques ? Quel est le trafic actuel pour le tourisme et d'autres secteurs, peut-il être réduit et quel est le plan à long terme pour la région ? Ceci, combiné à l'exploration de la géologie et à la compréhension des limites de la technologie actuelle de forage de tunnels et de métro, nous permettra de comprendre les pentes et les vitesses qu'un métro peut atteindre dans des conditions alpines », explique Ten Bosch. La durabilité est une priorité essentielle dans l'évaluation de la faisabilité du projet. Notre travail explorera la réduction des gaz à effet de serre, l’amélioration de la production et l’acheminement d’énergie , ainsi que le possible usage du tunnel pour acheminer d’autres types de marchandises telles que des câbles de communication à haut débit, souvent difficiles à diffuser dans les montagnes.

Le projet est une première étape dans ce qui serait un incroyable exploit d'ingénierie. Si faisable, cela pourrait transformer la vie alpine à travers l’Europe. Les infrastructures développées permettant aux voyageurs d'éviter de possibles dangers naturels tels que les glissements de terrain et tempêtes de neige hivernales et ainsi rapprocher les communautés des montagnes des centres régionaux et des villes.

De plus, le tourisme d'hiver, une composante vitale de l'économie régionale, bénéficiera d'un système de transport amélioré qui réduira les temps de trajet, réduira les émissions et l'énergie consommée. Un tel système de transport peut donc garantir que les communautés alpines régionales restent viables et durables sur le plan économique et environnemental tout en ralentissant l'urbanisation croissante de notre monde.

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